Certes, sur la Croisette, tout le monde est content de se retrouver (presque) «comme avant» et rien qu'à cette idée les mines s'illuminent, la banane quoi! Sauf qu'il y a, dans l'air, comme dirait le philosophe Vladimir Jankélévitch entre «Le Je-ne-sais-quoi et le presque rien», un non-dit aussi assourdissant qu'une oeuvre de Bergman («Le Silence»?), qui s'est encore installé plus insidieusement avec l'arrivée, en 2019 de Covid, qui aura mis en mode veille, le plus grand festival du film dans le monde. Et ce serait donc dans ce hiatus qu'aura été décidé, de manière bien particulière, la nomination de la future présidente du festival, l'Allemande Iris Knobloch. Pourquoi elle précisément? La question a été posée par un grand quotidien du soir, français, à Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, en fin de contrat, en principe. «(...) Face aux défis qui se posent au Festival - la crise sanitaire, la question des plates-formes, les débats de #metoo et les enjeux du développement durable - et à la grande insatisfaction d'un conseil d'administration qui se vit comme une simple chambre d'enregistrement, il fallait quelqu'un qui soit à l'aise dans le contexte international, qui parle parfaitement anglais, donc, qui ait l'habitude de la gouvernance». Chercher le non-sens dans le propos de la responsable de la Culture, en fin de bail (bis repetita). Iris Knobloch cette sexagénaire, juriste de formation, a siégé dans des conseils d'administration bancaires, côtoyé les stars les plus en vue, a aussi été le numéro un, en Europe, de la Warner jusqu'en juin dernier avant de créer I2PO, une société de fonds. Ce qui n'évitera pas les remous suscités par sa nomination, que de surprise, la presse française affirmera que même le Délégué général, Thierry Frémaux est «tombé des nues» en apprenant la nouvelle. D'autres seront plus directs et diront leur totale opposition à cette décision, saluée il est vrai aussi par certains noms qui comptent dans la galaxie cinématographique française. «Il faut faire revenir les films américains au Festival de Cannes» dira l'actuel directeur du CNC français, Dominique Boutonnat, pour étayer son argumentaire favorable à Iris Knobloch. À l'arrivée, la candidate à la présidence du festival aura 18 voix pour elle, 6 contre, 3 votes blancs, 1 nul. Le lobbying aura payé. «On nomme quelqu'un du business parce que le Festival est devenu un business. Ni Mitterrand ni Chirac n'auraient fait ce type de choix. Je n'ai rien contre Iris Knoblo[ch], je pense juste qu'elle n'a pas le niveau. Après, elle peut prouver par son action qu'elle l'a», tonnera Pascal Rogard le président de la Sacd (droits d'auteurs). Pragmatique, Frémaux finira par apporter sa laïque «bénédiction» et en bon judoka qu'il est (ceinture noire) il se fera zen: «Iris Knobloch va réussir non pas, comme on nous l'a vendu, parce qu'elle va ramener les studios - ils ne sont jamais partis. C'est une éternelle chimère: Universal, Warner et Paramount sont toujours là. Mais pour ses qualités personnelles. Parce qu'elle est une bonne personne, qu'elle est cinéphile et qu'elle a déjà compris le rôle qu'elle pourrait occuper.» Lequel? On aura tout l'été, peut-être, pour en cerner les contours. Pour l'heure, c'est le bras de fer avec les plates-formes qui semblent être un des enjeux décisifs qui pourraient inverser durablement la donne. «Notre conseil d'administration échange sur ce sujet de manière tout à fait ouverte et démocratique. Pour l'instant la discussion n'a pu aboutir. Deux visions s'affrontent. Pour ma part je défendrai toujours les exploitants et le cinéma en salles» vient de déclarer au mensuel Ecran Total, T. Frémaux qui ajoutera toutefois: «Mais mon rôle au sein du Festival me commande de rester ouvert et de faire des propositions. Ainsi, la réflexion collective existe pour trouver la meilleure manière d'accueillir des films de plates-formes en compétition, même si, le jour où cela arrive, cela ne pourra être que marginal. La Guerre de Troie, n'aura-t-elle donc pas lieu? En tout cas dans la Grèce antique, la période des Jeux imposait une trêve. Et à Cannes, les «Jeux» ont pour théâtre les salles de cinéma. Aussi, place maintenant à la fête, qui s'annonce grandiose, à l'occasion des 75 ans printemps que célébrera le festival de Cannes, avec en ouverture, le film de Michel Hazzanavicius «Coupez!». COMPETITION OFFICIELLE Holy Spider d'Ali Abbasi Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi Crimes of the Future de David Cronenberg Tori et Lokita de Luc Dardenne et Jean-Pierre Dardenne Stars at Noon de Claire Denis Frère et soeur d' Arnaud Desplechin Close de Lukas Dhont. Armageddon Time de James Gray Broker de Hirokazu Kore-eda Nostalgia de Mario Martone R.M.N de Cristian Mungiu Triangle of Sadness de Ruben Ostlund Decision to Leave de Park Chan-wook Showing up de Kelly Reichardt La Femme de Tchaikovsky de Kirill Serebrennikov Hi-han (Eo) de Jerzy Skolimowski