Ces propos expriment le soutien de l'institution militaire aux projets du président. La scène politique nationale évolue en fonction de l'humeur qui se dégage des rapports entre les institutions présidentielle et militaire. Tout indiquait hier, à l'Académie militaire interarmes (Amia) de Cherchell, que les rapports entre la présidence et l'armée sont au beau fixe. Au fait, les deux institutions n'ont jamais été éloignées l'une de l'autre en dépit des quelques minces nuages qui les séparent de temps à autre. Il faut bien marquer les saisons! Le président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, a présidé hier, dans cette célèbre Académie de Cherchell, la cérémonie de sortie de deux promotions, la 34e des cours d'état-major et la 37e des élèves-officiers de l'active. Deux phrases prononcées, lors de son allocution, par le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général-major Ahmed Gaïd Salah, ont dissipé les nuages restés en relique entre les deux institutions. «L'ANP poursuivra la lutte contre le fléau du terrorisme, en application des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale initiée par le président de la République et adoptée par la majorité absolue du peuple». Cette phrase sonne comme une réplique aux propos du président Bouteflika lors de son discours il y a deux jours au Palais des nations. «Un assassin restera un assassin», a déclaré le président de la République devant les membres du gouvernement et les walis, en allusion à la lutte antiterroriste. «Si nous avons pardonné on n'a pas oublié», a ajouté le président en parlant de la réconciliation nationale. Et c'est justement de la réconciliation nationale et de la lutte contre le terrorisme dont a parlé le chef d'état-major de l'Armée. C'est la première fois qu'un haut gradé de l'armée s'exprime sur l'initiative de paix présidentielle avalisée par voie référendaire. «L'ANP continuera, selon les directives du chef de l'Etat, à accomplir sa mission constitutionnelle», a encore déclaré le général-major Ahmed Gaïd Salah. Ne laissant aucun doute, il ajoute lors de la même allocution prononcée à l'Académie de Cherchell: «L'ANP restera fidèle à la Constitution, aux lois de la République, aux principes de la Révolution du 1er Novembre 1954 et à la conduite des martyrs, selon les convictions nationales immuables». Le chef de l'Etat a particulièrement insisté sur «les convictions nationales immuables». M.Bouteflika a remis en cause, au Palais des nations, un article de la Constitution stipulant que l'emblème national, l'hymne national et le sceau de la République soient définis par la loi. «Quelle est cette loi qui définit des constantes immuables?» s'est écrié le président de la République. C'est la première fois que le président aborde directement la Constitution depuis que le FLN a affiché sa volonté de l'amender. Sur cette question précise, les propos du chef d'état-major semblent clairs. Il semble en phase avec le président de la République. «Nous voulons donner corps aux ambitions de l'ANP, de façon à lui permettre l'accomplissement idéal de sa mission constitutionnelle, (...) conformément aux directives du président de la République, dans le cadre de la réforme globale», a encore souligné le général-major. En accédant à la tête de l'Etat en 1999, M. Bouteflika a clairement affiché sa volonté de se détacher de l'institution militaire. Plusieurs de ses déclarations ont été dans ce sens: il avait affirmé notamment, qu'il ne voulait pas être un trois quarts de président indiquant ainsi qu'il n'avait pas les coudées franches, qu'il n'avait pas une marge de manoeuvre pour agir et il avait manifesté publiquement sa volonté de se réapproprier les pouvoirs que lui attribuait la Constitution. A ces déclarations, il s'ensuivait à chaque fois des lectures de «contradictions entre lui et l'armée, de rupture, de guerre des clans, des luttes des pouvoirs..., si bien que le pays se plaçait dans une situation de coup d'Etat permanent». Des schémas tactiques qui n'existent plus. Du moins, entre l'institution militaire et le président de la République.