Depuis des mois, les réseaux sociaux bruissent de mille et une rumeurs et d'autant d'anecdotes sur les tensions et la répression que subit le peuple marocain face à un Makhzen dont la politique consiste à maintenir coûte que coûte le pays sous une chape de plomb. Dernier épisode en date, la foule s'en est pris au Premier ministre du Makhzen, le milliardaire Aziz Akhannouch qui devait «visiter» le festival d'Agadir et qui en a été chassé par les habitants de la ville du sud-ouest marocain. Sa venue et son programme qui visait un temps fort avec une intervention lors de la première soirée du «Timitar», nom du festival dont c'est le grand retour après deux années d'interruption due à la pandémie, ont ignoré l'ampleur de la grogne qui a gagné l'ensemble du pays depuis près de six mois. La crise qui concerne aussi bien les hydrocarbures que les produits de première nécessité, voire même l'eau dans bon nombre de régions durement frappées par une sécheresse dont est tributaire le pays, font que cette exaspération est à son comble comme en témoignent les manifestations ininterrompues dans la plupart des grandes villes. Le mal-être est également beaucoup plus perceptible dans le pays profond où les populations sont abandonnées par un Makhzen qui n'a d'yeux que pour ses propres intérêts et fait mine d'ignorer la montée en puissance de la colère populaire sous le slogan «Akhannouch dégage». Objet de la vindicte, le Premier ministre qui garde la mainmise sur l'ensemble du circuit d'importation et de distribution des carburants dont il est le grand propriétaire a bien tenté quelque concession en promettant des subventions modestes pour calmer, entre autres corporations, celle des transporteurs. Mais l'impact de l'érosion du pouvoir d'achat s'est à la fois accélérée et généralisée, de sorte que le peuple marocain se retrouve dos au mur et s'élève de plus en plus contre ce qu'il considère comme une trahison socio-économique et sécuritaire depuis que le royaume s'est rallié, corps et âme, à l'entité sioniste. La venue d'Akhannouch à Agadir relevait de ce fait d'une véritable provocation que les Marocains n'ont pas digérée et si les raisons de la colère ne manquent pas, le fait est que cette venue touristique, au moment où plusieurs régions du pays sont la proie des flammes et où la population doit faire face aux deuils et aux souffrances les plus vives (des milliers d'hectares ont été détruits, des centaines de familles déplacées, des champs et des villages ravagés) montre toute l'indécence d'un Makhzen rivé sur ses privilèges. La situation socio-économique s'est considérablement détériorée avec la pandémie de Covid-19 mais les conséquences du conflit en Ukraine, avec la montée brutale des prix du pétrole et du gaz, sont venus aggraver la conjoncture de sorte que le discours du gouvernement Akhannouch sur «la crise» est ressenti comme une véritable agression par le plus grand nombre de Marocaines et de Marocains ainsi que par les syndicats et la société civile dans son ensemble. La colère qui continue à gronder un peu partout risque bien de sonner le glas de ce gouvernement si peu en phase avec le pays.