Dans une lettre adressée aux participants à l'université d'été du FLN, il a évoqué, en termes clairs, la conception qu'il se fait de la réconciliation nationale prônée par le chef de l'Etat et le gouvernement qu'il dirige. Pour le premier responsable de l'Exécutif et non moins membre du bureau politique du FLN, il est nécessaire d'«adapter le discours politique aux aspirations réelles de la société à la paix, la sécurité et le progrès». Dans la bouche de ce poids lourd du FLN, cette affirmation sonne comme une invitation aux militants du parti de ne pas tomber dans la facilité des clichés et réfléchir sérieusement à développer un discours réaliste qui tienne compte de l'évolution de la société algérienne, dont les aspirations ne sont pas forcément celles que défend actuellement la direction du parti qui se confine derrière les «constantes nationales». D'ailleurs, ce concept n'a pas du tout été utilisé par le Chef du gouvernement dans sa missive aux participants à l'université d'été, ce qui est interprété par les observateurs, comme une volonté de sa part de se démarquer d'une attitude de la direction qui fait de la défense des constantes nationales son cheval de bataille. Elucidant l'intitulé de l'université d'été: «Le discours politique et la société», Benflis soutient que celui-ci se doit d'être clair et transcender les clivages conjoncturels et les comportements revanchards. Pour ce faire, il voit en la réconciliation nationale un outil idéal pour arriver à mettre réellement «l'intérêt de la société au-dessus de toute autre considération». Dans sa missive, le Chef du gouvernement n'écarte pas pour autant la nécessité de poursuivre la lutte contre le terrorisme. «La réconciliation nationale est nourrie par la souffrance des citoyens qui ont subi le terrorisme barbare, dont l'anéantissement est une nécessité historique incontournable», affirme-t-il. Ainsi, Benflis apporte sa caution à la démarche réconciliatrice du Président de la République, contrairement à ce qu'ont tenté de soutenir certains médias, qui ont vu dans le discours antiterroriste de Benflis une dérobade de sa part. Le ton franc de la lettre du Chef du gouvernement aux militants du FLN renseigne sur l'entente parfaite au sommet de l'Etat. C'est donc un formel démenti à une véritable campagne qui visait la déstabilisation du pouvoir. Une campagne qui est intervenue dans un été politique chaud où les événements se sont succédé à une allure d'enfer. Les événements de Kabylie et le retour des actions terroristes, avec tous les parasitages politiques qui ont accompagné ces deux phénomènes, ont rendu difficilement lisible le discours réconciliateur de Bouteflika, ce qui a eu pour effet une très sérieuse déformation du concept de réconciliation nationale. Cet état de fait a surtout profité aux forces politiques hostiles à l'épanouissement de l'Algérie. Il a fallu la tenue du Festival mondial de la jeunesse pour que le chef de l'Etat revienne sur le sujet en lui donnant sa dimension réelle et, partant, relancer le projet. Dans sa lettre aux participants à l'université d'été du FLN, Benflis explique la portée du message présidentiel, en déclarant que «la réconciliation s'adresse, au premier chef, à ceux qui respectent la paix, l'opinion de l'autre et le droit à la différence». C'est là, résumé tout le programme de Benflis qui donne l'impression d'oeuvrer pour la réussite du projet, malgré une relative absence de disposition de la classe politique à adhérer pleinement à cette démarche. Cela est visible dans les attitudes des uns et des autres qui semblent s'exclure mutuellement dans leurs discours respectifs. Et c'est justement tout le contraire que souhaite le Président de la République et son Chef du gouvernement. «Où en sommes-nous de la pratique démocratique si parmi nous il est des gens qui s'excluent et d'autres qui combattent l'extrémisme des uns par un extrémisme encore plus radical?», s'interroge le Chef du gouvernement qui résume ainsi l'état du débat politique national qui s'est enlisé dans des considérations partisanes et revanchardes que ce soit du côté des démocrates ou des islamistes. En fait, au-delà de toute considération programmatique, il est important, à en croire Ali Benflis, de mettre l'Algérie au-dessus des intérêts étroits.