Pour les insurgés touaregs meneurs de l'insurrection du 23 mai, un «Acte 2» des accords de 1992 ferait revenir les choses au point zéro. Visiblement calmes et apaisés après la signature de l'«accord d'Alger», avant-hier, à la résidence Djenane El-Mithak, les rebelles touaregs du Mali, auteurs de l'insurrection du 23 mai dernier, regroupés autour de l'«Alliance démocratique pour le changement», demeurent cependant, circonspects. Ils rappellent que pareille négociation et pareil accord ont déjà eu lieu auparavant, sans que Bamako daigne honorer ses engagements. Alger avait joué alors un rôle décisif dans le règlement de la première rébellion touarègue grâce aux accords de paix signés en 1992 à Tamanrasset entre cette rébellion et le pouvoir malien. La dernière rébellion touarègue, celle du 23 mai dernier, a été menée par plusieurs officiers, intégrés à l'armée malienne après la première rébellion du début des années 1990 et qui étaient ces derniers mois en rupture de ban avec l'institution militaire de Bamako. Le point avec un des chefs insurgés, le Touareg Inamoud. L'Expression: Vous êtes satisfaits de la signature de cet accord avec les autorités maliennes? Inamoud: Satisfaits, oui, dans la mesure où il peut engager le pays dans une période de stabilité et de sécurité, et mener les autorités maliennes à faire mieux attention à leur pays et à leurs engagements contractés avec l'opposition touarègue. Vous semblez appréhender la répétition des accords de 1992... Oui, certes, et c'est évident. Quand les choses ne marchent pas une fois, on appréhende que cela recommence une seconde fois. En 1992, nous avions mené une rébellion au Mali, les autorités ont cherché la négociation, puis tout cela avait abouti à un accord, signé à Tamanrasset. Les années ont passé et les choses sont restées en l'état, Bamako a tergiversé longtemps, les mesures d'accompagnement de l'accord n'ont pas été concrétisées. C'est ce qui a mené de nouveau au pourrissement et aux événements du 23 mai. En fait, votre mouvement, l'«Alliance démocratique du 23 mai pour le changement», représente quoi, représente qui? Nous représentons les populations démunies du nord du Mali, les régions ignorées par Bamako, la colère des nôtres et leurs revendications. Tout mouvement, n'importe lequel, ne naît pas de rien: il lui faut toujours un long processus de maturation et des motifs assez sérieux pour motiver une mobilisation des troupes et un engagement convaincu. Voilà, je pense, où se situe notre représentation. Vous aviez mené le 23 mai dernier des attaques fulgurantes, et contre lesquelles les autorités sont restées sans riposte. Quelle est votre force? Et vos effectifs sont estimés à combien? Nous nous organisons en fonction des besoins du mouvement. Nos forces sont changeantes, fluctuantes, selon ce que nous comptons en faire, mais je peux vous dire que les effectifs actuels de notre mouvement dépassent largement les 1000 hommes. Y a-t-il dans vos rangs des hommes qui ont mené l'insurrection de 1990? Oui, évidemment, et ce sont ces mêmes hommes qui forment, aujourd'hui, par leur expérience et leur engagement, l'ossature de notre mouvement. Bien sûr, de nouveaux éléments sont arrivés, le mouvement évolue, c'est normal. Qu'attendez-vous aujourd'hui du président Touré? Qu'il applique tout simplement l'accord d'Alger. Les régions du nord du pays sont durement éprouvées par la précarité, l'isolement et l'indigence. Elles appellent à être prises en charge, et c'est là une revendication toute légitime, qui nous aurait épargné cette seconde insurrection et cette tension politique et sécuritaire. En clair, il faut que les choses changent. Et dans le bon sens, évidemment.