À l'image de ce temps empli de douceur où viennent se lever les rumeurs du vent, prémice aux couleurs hivernales, où l'été n'est pas tout à fait parti et l'automne pas encore là, ce livre de l'entre deux se veut l'exemple de ce sentiment de mansuétude que l'on peut éprouver parfois à la rentrée. Et, si vous êtes en vacances, ce livre tombe à pic. Idéal à lire en bord de mer car l'histoire est celle qui relie à juste titre les deux rives de la Méditerrané, ce roman vous plongera dans les souvenirs surannés des années. Marquant un perpétuel va-et-vient entre passé et présent, comme font les vagues lorsqu'elles remuent leurs ressacs et font resurgir ce qu'il y a au plus profond de l'eau. La chambre 310 L'histoire de ce roman invite, également, à une descente dans l'abime de nos personnages pour fouiller dans leurs âmes les plus tourmentées qui, tenaces, tentent encore de vivre... Avancer immanquablement! Des amours désenchantés que le temps n'épuisera pas pour autant.. Alger, avril 1962. Ines, une Algérienne de 16 ans est emportée par sa passion pour Pierre, un jeune pied-noir qu'elle connaît depuis l'enfance. Mais l'histoire n'a que faire des sentiments, elle avance, implacable, broie tous les destins. L'Algérie est sur le point de fêter son indépendance, lorsque Pierre rejoint l'OAS. Pierre est convaincu que l'Algérie doit rester «française», sans doute pour rester toujours auprès de sa bien-aimée Pour lui l'Algérie doit demeurer plurielle par ses hommes et leurs religions... C'est ainsi qu'il conçoit «le vivre ensemble». Mais l'histoire en voudra autrement. La violence de la guerre va contrarier le plan des amoureux comme elle le fera trente ans plus tard...Un jour, le professeur d'anglais d'Ines est malade. Elle a deux heures pour se retrouver avec celui qu'elle aime dans une chambre d'hôtel, l'Aletti, jadis considéré comme le grand palace d'Alger, appelé aujourd'hui El Safir. Le couple est conduit à la chambre 310 par un groom appelé Mohamed. Ce dernier campera un rôle capital dans l'enchaînement des événements et le déroulement du récit. Fuyant la violence qui prend de l'ampleur, Ines et sa famille vont se réfugier à Constantine où l'on fêtera dans la liesse l'indépendance. Elle est repérée ce jour là, par Rachid qui, subjugué par elle, le drapeau algérien autour du cou,il décide de la retrouver coûte que coûte et l'épouser... Rachid a un poste important au ministère du Commerce...Un jour il croise Ines lors d'une réception à l'hôtel l'Aletti. Intrigué, il souhaite la connaître davantage. Prise de nostalgie, Ines monte à la chambre 310. Rachid la suit et veut comprendre. Il questionne le groom qui lui raconte tout...Cela n'altèrera en rien les sentiments qu'il lui porte. Déterminé, Rachid lui fait la cour jusqu'à la demander en mariage.. 30 ans plus tard..Ines devient un grand chirurgien, à l'instar de Pierre installé depuis, à Paris, parti à la va-vite en France, à la veille de l'indépendance, sans prévenir Ines. À noter que ces deux-là étaient voisins et habitaient au Télemly...Tout les soirs, ils échangeaient des mots en secret au balcon tout en vouant une idylle des plus passionnées. Aujourdhui, Ines et Pierre se sont perdus de vue, mais leurs sentiments sont restés intacts. Pierre est un homme divorcé et Ines a aujourd'hui deux enfants. Nous sommes dans les années 1996. La décennie noire bat son plein. Se sachant mourant, Rachid décide de partir se faire opérer en France. Il est surtout décidé à retrouver Pierre, son rival de toujours et lui confier Ines...Lyrique dans sa façon de narrer les choses, ce roman vous emportera assurément. Sa particularité est qu'il soit décliné sous forme d'un journal intime sans qu'il n'en soit véritablement un. Chaque personnage, à savoir Ines, Pierre, Rachid et Mohand va raconter à son tour ce qui lui est arrivé, décrit son émotion, son état d'âme...Entre plénitude et chagrin, rêverie, espoir et désillusions,nous nous introduisons, intimement, dans les pensées de cette floraison de personnages «chorale», où chacun, tour à tour, va nous narrer de son point de vue, ce qui est arrivé et ce qu'il éprouve pour l'Autre, envers l'Autre...la mélancolie est la nappe agissante qui embrase ce roman, fait défiler le poids des années et partant, nous transporte à la fois, dans les méandres d'une guerre sans merci et les soubresauts sentimentaux de deux êtres qui s'aiment, se cherchent, s'abandonnent, se retrouvent puis se séparent à nouveau. Cette farandole des amoureux nous fait presque penser à la fameuse chanson de Jeanne Moreau, « Le tourbillon de la vie» tant le destin éprouvé de ces amants, peut vous jouer parfois de mauvais tours...Pour autant, cette chagrine histoire ne viendra pas à bout de cet amour contrarié, même si un peu perdu, comme ce pays qui se déchire mais qui n'a de cesse de se reconstituer irrémédiablement... «Requiem pour tout. Recommencer...» dit cette autre chanson... La déchirure des retrouvailles Déclaration d'amour, ce livre est un cri à double tranchant, écrit à deux mains, par Michel Canesi et Jamil Rahmani. Un livre empreint d'un arrière-goût à la fois aigre et doux, flirtant avec les effluves du sel de la mer Méditerranée, du jasmin et l'eau de rose, il nous rappelle, dans la même veine un autre roman, signé des mêmes auteurs, «Alger Mozart». À rappeler que Michel Canesi et Jamil Rahmani ont également publié «Villa Taylor». Leur premier roman, «Le syndrome de Lazare», a été adapté au cinéma par André Téchiné, sous le titre «Les témoins». Il est bon à signaler aussi que ce roman est marqué d'anecdotes véridiques en relation avec la propre histoire de Jamil Rahmani qui a vécu effectivement, jeune, au Télemly et a dû s'enfuir, avec sa famille à Constantine pour échapper à la violence de l'OAS...».Ultime preuve d'amour» est un roman où l'écrivain y a mis beaucoup de lui-même dans cette fiction...