L'auteur propose une analyse minutieuse et méthodologique de la crise d'où l'Algérie peine à sortir. L'ordre et le désordre, voici une nouvelle tentative pour comprendre les causes du cuisant échec essuyé par les gouvernements successifs en Algérie. Avant d'entamer la marche dans le terrain vague et fangeux du sujet, l'auteur, Noureddine Toualbi-Thaâlibi, docteur en psychologie clinique et docteur d'Etat es-lettres et sciences humaines de la Sorbonne, se pose une question d'une importance capitale: pourquoi l'Algérie, qui est munie d'une manne financière estimée à plus de 50 milliards de dollars, n'arrive-t-elle pas «à décoller économiquement, à se structurer sociologiquement et à s'organiser politiquement?» Cette interrogation est d'ailleurs celle que se pose l'ensemble du peuple algérien lorsqu'il aborde la situation que d'aucuns trouvent envieuse, financière du pays. Paradoxalement, en dépit de ces données économiques positives, l'Algérie tourne dans un cercle vicieux inextricable. Pour revenir sur ce sujet, d'une sensibilité lancinante, l'auteur se permet d'émettre des hypothèses: «Se peut-il que le véritable motif de cet immobilisme socioculturel et économique ou de cette transition bloquée» comme disent les sociologues, soit à chercher ailleurs qu'à travers ces thèmes conventionnels? Dans l'analyse de facteurs peu explorés et tenant compte, s'il en fut, d'autres déterminismes tels que le culturel et le psychologique? Des rapports inconscients au sacré et au profane?. Pour mieux élucider la question, l'auteur propose à la fois une analyse historique, sociologique, politique, psychologique et économique. Partant de ces bases, nécessaires pour la compréhension de la déconfiture des régimes, l'auteur tente de comprendre l'échec des systèmes politiques en Algérie. Mais devra-t-on vraiment parler de «systèmes politiques», au pluriel, lorsqu'on sait, et ce n'est un secret pour personne, que les principaux piliers de l'Etat algérien sont défaillants? Cette «âpre vérité» le peuple algérien l'a apprise à son insu en un certain 5 octobre 1988. Depuis cette date d'autant plus fatidique que légendaire, «tout ce qui symbolise la puissance de l'Etat, agent de l'ordre, règles institutionnelles, discours politiques...» est enseveli dans la vase. Et cela a donné naissance «à un dérèglement social généralisé» qui, à son tour, a constitué la matière moisie et gâtée sur laquelle pousse la violence sociale sous toutes ses formes, tel un champignon vénéneux. Et la défaillance du système politique algérien est perçue comme la source de la période dramatique qu'a connue l'Algérie, la décennie de terrorisme. Loin des causes politiques ayant conduit à la naissance de la violence prenant racine de l'extrémisme religieux, l'auteur pense qu'à l'origine de l'acte du jeune «militant de la cause islamiste conditionné à donner la mort», se cache «une angoisse existentielle qui frappe de nombreux jeunes qui se laissent tenter, faute d'autres moyens de régulation sociale et psychologique». Néanmoins, selon Nourredine Toualbi-Thaâlibi, la violence la plus inquiétante «et dont on parle le moins alors même qu'elle nous interpelle gravement, est celle qui frappe aujourd'hui de plus en plus les jeunes». En effet, à l'inefficacité de la violence exercée contre la société, les jeunes se tournent vers l'autodestruction. «D'où vient donc qu'un adolescent puisse subir, en marge de tout profil psychologique prédisposant, la tentation de la mort et prendre subitement la décision de mettre fin à sa vie?» se demande l'auteur. «C'est un acte ultime d'autodestruction qui n'advient chez le sujet dit normal que lorsque toutes les autres modalités de résolution du conflit intérieur sont épuisées. C'est-à-dire lorsqu'il n'y a plus aucun motif d'espoir en la vie.» En somme, dans L'ordre et le désordre, l'auteur propose une analyse minutieuse et méthodologique de la crise d'autant multidimensionnelle que perpétuelle d'où l'Algérie, quarante ans après son indépendance, n'arrive toujours pas à se sortir. «L'exercice n'est certes, pas sans danger, mais il mérite d'être essayé». Ainsi, la lecture de cet essai n'est assurément pas facile, mais à la fin, le résultat paraîtra fructueux. Bonne lecture.