Le nouvel homme fort du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, s'est rendu hier à Bamako, son premier déplacement à l'étranger depuis le coup d'Etat du 30 septembre, a-t-on appris de sources officielles malienne et burkinabè. Un communiqué du ministère malien des Affaires étrangères précise que cette «visite d'amitié et de travail» durera environ trois heures. Le capitaine Traoré devait s'y entretenir avec son homologue malien Assimi Goïta. «Il sera principalement question de la lutte contre le terrorisme», selon une source officielle burkinabè. Le Mali et le Burkina sont dirigés par des autorités de transition mises en place au lendemain des putschs, respectivement en août 2020 et en janvier 2022, et ils sont tous deux confrontés à la violence de groupes terroristes liés à Al-Qaïda et à l'Etat islamique. Bamako a poussé vers la sortie les troupes françaises présentes au Mali depuis 2013 et s'est tourné vers la Russie pour l'aider à combattre ces groupes avec notamment la présence d' instructeurs russes qui, selon les pays occidentaux, seraient «des mercenaires du groupe Wagner». Depuis le coup d'Etat du 24 janvier du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, renversé huit mois plus tard par le capitaine Traoré, le Burkina Faso n'a pas rompu avec l'armée française qui a continué à participer aux côtés de l'armée burkinabè à la lutte antiterroriste. Mais les partisans du capitaine Traoré ont manifesté à plusieurs reprises à Ouagadougou en brandissant des drapeaux russes, s'en prenant à des intérêts français et réclamant le départ des quelque 400 soldats des forces spéciales françaises présents au Burkina. «Peut-être qu'avec la nouvelle donne (sécuritaire) nous réexaminerons nos rapports avec la Russie pour voir s'il faut la renforcer dans un secteur ou pas, s'il faut la réorienter dans l'intérêt du Burkina Faso et dans le respect de sa souveraineté», a déclaré dimanche le nouveau Premier ministre burkinabè, Appolinaire Kyelem de Tembela. Mais, a-t-il averti, «ce n'est pas à la rue de nous dire de faire ceci ou cela». Dans plusieurs pays d'Afrique francophone, Moscou jouit d'un soutien populaire grandissant quand la France, ex-puissance coloniale, y est de plus en plus vilipendée. Le ministre de la Défense du Burkina Faso, le colonel-major Kassoum Coulibaly, a estimé mardi que la lutte contre les terroristes qui ensanglantent son pays depuis 2015, était une «guerre» pour «la survie de la nation», invitant ses concitoyens à aller «sur le terrain de combat». Le ministre s'exprimait lors d'une cérémonie pour la célébration du 62e anniversaire de la création des forces armées nationales du Burkina Faso, autour du thème «Forces armées nationales et populations: synergie pour la reconquête du territoire national». «Si pendant longtemps la lutte contre le terrorisme a été perçue comme un combat relevant des seules forces de défense et de sécurité, il est temps de changer cette perception pour rendre le soutien des populations aux forces combattantes plus efficace», a déclaré Coulibaly. «Chaque citoyen doit prendre conscience qu'il s'agit plutôt d'une guerre dans laquelle se joue malheureusement notre destin commun, c'est-à-dire la survie de notre nation, et s'engager» afin de «lutter significativement contre les groupes terroristes armés», a-t-il estimé. Hier, l'état-major a lancé le recrutement de 50.000 volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils, qui doivent venir «renforcer les rangs de l'armée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme». Depuis 2015, les forces armées du Burkina sont régulièrement endeuillées par des attaques terroristes de plus en plus fréquentes ayant fait des milliers de morts et contraint quelque deux millions de personnes à fuir leurs foyers. Ces attaques se sont multipliées ces derniers mois, essentiellement dans le nord et l'est du pays, où les groupes terroristes contrôlent environ 40% du territoire. Investi le 21 octobre président de la transition par le Conseil constitutionnel, le capitaine Ibrahim Traoré, auteur d'un coup d'Etat militaire le 30 septembre contre le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, s'est donné pour objectif «la reconquête du territoire occupé par ces hordes de terroristes». Il s'agissait du deuxième coup d'Etat au Burkina Faso en huit mois, liés à la situation sécuritaire. Le 24 janvier, des militaires emmenés par le lieutenant-colonel Damiba avaient renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé de laxisme face aux attaques terroristes.