L'Algérie a accouché d'hommes d'exception. Ils ont arraché son indépendance et se sont donnés corps et âme pour l'édification d'un Etat de droit jusqu'à leur dernier souffle, Sadek Hadjeres en fait partie. Militant infatigable au long cours, son parcours exceptionnel se confond avec le mouvement national, les soubresauts et les fièvres qu'a connus l'Algérie indépendante. Il vient de nous quitter, jeudi dernier, deux jours après la célébration du 68e anniversaire de la célébration du déclenchement de la révolution algérienne. Une cause pour laquelle il s'engagera dès la première heure. Né le 28 septembre 1928 à Larbaâ Nath Irathen, commune de la wilaya de Tizi Ouzou, il fréquentera l'école primaire à Berrouaghia, wilaya de Médéa, puis l'école secondaire à Blida et Ben Aknoun. C'est à cette époque-là qu'il fréquentera les Scouts musulmans algériens dont il deviendra un des dirigeants entre 1943 et 1946. Il rejoindra le Parti du Peuple algérien en 1944. Etudiant en médecine à l'université d'Alger entre 1946 et 1953 il dirigera la section universitaire du PPA dès 1948 avant de le quitter après la crise berbériste qu'il connaîtra en 1949. «La crise de 1949 n'a pas été une crise berbériste. Elle a été la crise de l'éveil d'une nation. Elle a été aussi le fruit et le signal d'alarme de la montée d'un hégémonisme globaliste qui avait entravé le développement d'un potentiel fécond prêt à fructifier. Elle a mis à nu la panne d'un processus démocratique au moment où le mouvement national en aurait eu le plus besoin pour baliser son parcours futur», écrira-t-il dans le tome II de ses mémoires 1949 Crise berbériste ou crise démocratique? paru début 2022 aux éditions Frantz Fanon. Un testament. Un événement qui décidera de sa trajectoire politique. Il rejoindra les rangs du Parti communiste algérien dont il deviendra membre du Conseil consultatif l'année suivante. Il se retrouvera à la tête de la revue Progrès et conseiller général du Parti pour les régions d'El Harrach et de la Mitidja Est, dès le déclenchement de la guerre de Libération nationale. Membre du Bureau politique du parti en 1955, Il sera condamné par contumace aux travaux forcés par un tribunal français. Codirecteur national de l'organisation armée Combattants de la libération, l'aile armée du Parti communiste algérien il coopérait avec les militants du Front de Libération nationale (FLN), sans en faire partie. C'est avec son ami Bachir Hadj Ali, militant communiste, du mouvement national, de la première heure et poète qu'il négociera en 1956 avec les représentants du FLN à Alger (Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda) la question de l'intégration des combattants communistes dans les rangs du FLN. Il continuera à se battre au sein du PCA, jusqu'à l'indépendance du pays. Après l'indépendance en 1962, Hadjeres est membre du secrétariat du Parti communiste algérien. En octobre 1962, le nouveau président Ahmed Ben Bella interdit le Parti. En 1965, il rentre dans la clandestinité pendant 24 ans. Il marquera son retour sur la scène politique avec en 1989 le début du multipartisme. Il quittera l'Algérie, en 1992 et s'installera en France où il entame une carrière de professeur associé et chercheur en géopolitique avec le centre de Crag de l'université Paris VIII (Centre de recherches et d'analyses géopolitiques). Il y rendra son dernier souffle le 3 novembre 2022 à l'âge de 94 ans. Le vieux lion ne rugira plus. Il nous laissera en héritage l'amour inaltérable pour l'Algérie. Jusqu'à en mourir!