Le gouvernement éthiopien a déclaré, hier, que 70% de la région septentrionale du Tigré, frappée par la guerre, était désormais sous le contrôle de l'armée fédérale. «70% du Tigré est sous le contrôle de l'ENDF (Force de défense nationale éthiopienne)», a déclaré sur Twitter le conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Abiy Ahmed, Redwan Hussein, ajoutant que l'aide affluait dans la région. L'accès au nord de l'Ethiopie est sévèrement limité et le Tigré, qui compte environ six millions d'habitants, reste inaccessible aux journalistes. La région la plus septentrionale de l'Ethiopie est en proie à une grave crise humanitaire due au manque de nourriture et de médicaments, et l'accès aux services de base, notamment l'électricité, les services bancaires et les communications, y est réduit. Les commentaires de M. Redwan interviennent plus d'une semaine après que le gouvernement et les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) ont conclu un accord visant à mettre fin à leur dur conflit de deux ans. Des pourparlers ont eu lieu cette semaine dans la capitale kenyane, Nairobi, entre les représentants des parties belligérantes afin de discuter des plans de désarmement des rebelles. Les assertions contradictoires interviennent en pleins pourparlers depuis lundi entre chefs militaires des deux camps à Nairobi, sur la mise en oeuvre de l'accord de paix signé le 2 novembre à Pretoria, notamment le désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l'autorité fédérale au Tigré et l'acheminement de l'aide. M. Redwan n'a pas précisé si le contrôle «de 70% du Tigré» par l'ENDF résultait de conquêtes militaires antérieures à l'accord de paix ou de retraits ou transferts d'autorité de la part des forces rebelles depuis l'accord. La reprise des combats fin août avait interrompu le gros de l'acheminement au Tigré de nourriture et de médicaments, déjà insuffisant auparavant, et la région est depuis plus d'un an privée de services tels que télécommunications, électricité ou banques. Selon M. Redwan, «35 camions de nourriture et trois camions de médicaments sont arrivés à Shire», grande ville du nord du Tigré, sous contrôle depuis mi-octobre des forces fédérales et de son alliée l'armée érythréenne, et «les vols sont autorisés». «Ce que tweete M. Redwan est complètement faux, absolument aucune aide n'est autorisée à entrer à Shire», a assuré, sous le couvert de l'anonymat, une source humanitaire basée dans la ville, ajoutant qu'«aucun service n'a été rétabli et aucun vol n'est autorisé». Le tweet de M. Redwan pourrait répondre à celui publié par le Bureau Afrique du département d'Etat américain, le citant nommément et appelant au respect des engagements pris à Pretoria. «Redwan Hussein avait dit (lundi) à Nairobi que l'aide humanitaire affluerait sans entraves d'ici la fin de la semaine comme convenu à Pretoria», rappelle le bureau Afrique dans son tweet. «Les Ethiopiens vulnérables au Tigré, en Afar et en Amhara (régions voisines aussi touchées par le conflit, nldr) ont besoin d'aide maintenant». «Nous attendons des mesures urgentes afin que soit respecté et mis en oeuvre l'accord» de paix, ajoute la diplomatie américaine, avec le mot-dièse «îNairobiTalksMustDeliver» («les pourparlers de Nairobi doivent fournir des résultats»). Mercredi, le patron de l'OMS Tedros Adhanom, lui-même Tigréen et ancien haut responsable du parti dont sont issues les autorités rebelles, avait déjà dénoncé l'absence d'arrivée d'aide au Tigré depuis l'accord. «Après l'accord de cessez-le-feu, je m'attendais à ce que la nourriture et les médicaments arrivent immédiatement. Ce n'est pas le cas», déclaré à la presse le Dr Tedros, demandant leur «livraison immédiate» et «la réouverture des services de base» ainsi que l'accès de la presse au Tigré. Le conflit au Tigré a commencé en novembre 2020 quand M. Abiy y a envoyé l'armée fédérale arrêter les dirigeants de la région qui contestaient son autorité depuis des mois et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires fédérales sur place. Le bilan de cette guerre marquée par d'innombrables exactions et qui s'est déroulée largement à huis clos, est inconnu. Mais l'International Crisis Group (ICG) et Amnesty international (AI) le décrivent comme «un des plus meurtriers au monde».