L'Expression: Pourquoi de tous les chanteurs poètes, avez-vous choisi Lounès Matoub pour lui consacrer un livre? Mohand Ouramdane Larab: L'envie de consacrer un ouvrage littéraire à Lounès Matoub est née du besoin de lui rendre hommage. De rappeler tous les sacrifices qu'il a consentis pour notre cause, une manière de sacraliser sa mémoire et sauvegarder son oeuvre et de contribuer à ma manière à la transmettre pour les générations futures. Dans l'oeuvre de Lounès Matoub, tous les jeunes s'y retrouvent. C'est chez lui que les jeunes retrouvent leurs aspirations. De tous les chanteurs kabyles, c'est le seul qui a offert sa vie et son sang pour le combat identitaire, c'est donc la raison qui pousse des millions de Nord-africains (Algérie, Maroc,Tunisie et Libye) et à travers le monde de porter son flambeau et son combat. Lounès Matoub est le continuateur du combat de ses ainés dont: Ouali Bennaï, Amar Ould Hammouda, Mbarek Ait Menguellet, Salah Aït Mohand Saïd, Ferhat Ali dit Ouahmoud, Ali Rabia dit Azzoug, Ali Laïmeche, Belaïd Aït Medri, Mohand Amokrane Haddag, Mohand Amokrane Khelifati, Mohand Ouharoune, Smaïl Medjber, Hocine Cheradi, Kaci Lounès, Ahcene Chérifi, Lahcene Bahbouh... Comment et quand est née l'idée d'écrire ce livre sur Lounès Matoub? Durant les émeutes de Kabylie de l'été 1998, ayant suivi l'assassinat de Lounès Matoub, et Rachid Ait Idir, Redouane Salhi, Hamza Ouali, la région de Kabylie etait livrée à l'affrontement et le désastre. L'idée d'écrire un livre en hommage à Lounès Matoub est née suite à ces images d'apocalypse et de désolation. Alors que je me trouvais à Aokas durant ma période de congé, ma seule préoccupation était l'écriture et c'est à partir de là que je me suis mis à l'écriture de cet ouvrage en hommage au grand militant rebelle, de notre cause identitaire. Durant l'automne 1998, nous avons créé «la Fondation Lounès Matoub», en compagnie des villageois de Taourirt Moussa, des amis et compagnons du Rebelle entre autres: Malika Matoub, Rachid Matoub, SmaïI Medjber, Laoudi Mammar, Hocine Cheradi, Larbi Rouifed, Amirouche Laoudi, Ahmed Haddag et moi-même qui avais fait plusieurs déplacements au ministère de l'Intérieur, au bureau des Libertés, qui réceptionne les dossiers d'agrément, d'ailleurs nous avons pu avoir l'agrément en un temps record. L'objectif premier de la fondation est d'abord de faire éclater la vérité sur l'assassinat du Rebelle et de sauvegarder sa mémoire et son oeuvre complète. Pourquoi Lounès Matoub a réussi à s'imposer même à l'époque où il était censuré par les médias, avant 1988? Lounè Matoub a réussi à s'imposer avec son style car il a ramené du nouveau dans la chanson contestataire, il a répondu aux attentes de la jeunesse de l'époque, Lounès était un innovateur dans ses textes et la chanson engagée et contestataire, Lounès est un livre d'histoire ouvert pour toutes les générations. Malgré la censure de l'époque de plomb, Matoub a pu imposer son style à travers les galas en kabyle où ça a été toujours à guichets fermés. Pouvez-vous nous donner un exemple de ses galas dont vous avez été témoin? Oui, je me souviens de son premier gala a Larbaâ Nath Iraten où il y avait plus de monde à l'extérieur qu'à l'intérieur du stade. Pour remédier à la situation qui avait dégénéré, les organisateurs ont fait sortir des baffles pour calmer les esprits des gens qui étaient à l'extérieur. C'était la même ambiance partout, notamment au stade Oukil-Ramdane de Tizi Ouzou. À quand remonte le succès artistique de Matoub? C'est à partir de son apparition en 1978, avec son premier album dédié à ses ainés «Ad Cnugh Ifenanen», que le bonhomme a fait son chemin dans le milieu artistique, malgré la censure et le boycott par les médias de l'époque, le Rebelle a fait son chemin et il a été toujours très reconnaissant à son public qui l'a toujours choyé. D'ailleurs, la seule fois où Matoub a été à la radio kabyle chaine 2, ça a été durant les années 90, avec la défunte Samira, paix à son âme. Selon vous, quels sont les points les plus forts dans la poésie de Lounès Matoub? Le point fort de Lounès c'est sa spontanéité et sa sincérité, dans ses interventions sans calculs ni démagogie, toutes les causes nobles et les causes justes, Lounès les a épousées. Il a chanté tous les combats dans ses textes: l'assassinat de Abane, ont l'a appris de Lounès, le combat contre la dictature de Ben Bella et Boukharouba, les crimes et assassinats politiques, Matoub a été le premier à en avoir parlé publiquement et courageusement. Quels sont les thèmes qui n'ont été abordés que par Lounès Matoub? Lounès a abordé plusieurs thèmes dans ses textes les crimes et assassinats politiques en Algérie, Abane, Krim, Khider, Boudiaf, Djaout, Yefsah, Boucebci, la mauvaise gestion du pays, le favoritisme, la lutte des clans du pouvoir, les abus durant la révolution algérienne... Peut-on savoir quels ont été les échos après la parution de votre livre sur Lounès Matoub? L'ouvrage «Lounès Matoub, le symbole des Berbères» a eu une grande audience dès sa sortie le 25 juin 2022, à l'occasion du 24ème anniversaire de l'assassinat du Rebelle. Lounès fait toujours peur comme Abane Ramdane et il est toujours boycotté par certains. Vous avez animé une vente-dédicace à Taourirt Moussa? Oui, le 25 juin 2022, j'ai présenté l'ouvrage au siège de la fondation au village natal de Matoub, Taourirt Moussa, où tous les exemplaires ont été vendus ce jour-là, y compris pour quelques femmes agées qui ne pouvaient se permettre de l'acheter. Je leur en ai offert une dizaine d'éxempaires. Vous avez aussi publié des livres sur d'autres poètes kabyles, pouvez-vous nous en parler? Effectivement, j'ai consacré beaucoup d'ouvrages aux poètes kabyles à l'exemple de Si Mohand Ou Mhand, L'Hocine n Adeni, Cheikh Mohand Ou Lhocine. J'ai aussi publié un recueil de poésie d'El Hadj Arezki Haouche de Djemaâ n Saharidj en 2007. Ces ouvrages ont été réédités plusieurs fois. Vous avez aussi publié d'autres ouvrages dans d'autres domaines? J'ai publié un dictionnaire scolaire «Student Dictionnary», Lexique scolaire (anglais-français -arabe-tamazight) et le Lexique scolaire et Lexique économique (tamazight-francais-arabe). Quels sont vos projets? J'ai en ce moment deux livres en cours d'impression. Il s'agit d'un recueil de poésie de Ahmed Lemseyeh, un poète des At Sedka en édition bilingue tamazight-français et un autre recueil de poésie de Si Youcef Oulefki, compagnon de Si Mohand Ou Mhand. En cours de préparation j'ai un livre sur les poètes des At Yiraten ainsi qu'un livre sur le voyage de Si Mohand Ou Mhand.