L'accord conclu avec le Maroc sur lequel repose le reniement de l'Espagne dans le dossier du Sahara occidental risque de voler en éclats. Pour cause, la frontière entre les deux pays est de moins en moins sûre. Les menaces d'invasion des enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta par des migrants sont autrement plus graves. Les gardes-frontières espagnols et les policiers marocains n'ont désormais plus en face d'eux des Sub-sahariens, mais carrément des Marocains en grand nombre. En effet, si les tentatives de passer en Europe à travers ces deux frontières terrestres qui séparent l'Afrique de l'Espagne par de jeunes Marocains, ne date pas d'aujourd'hui, l'ampleur de la dernière tentative étonne les observateurs et alerte les autorités des deux pays. Il faut savoir que des dizaines de personnes de nationalité marocaine ont profité de la baisse de vigilance lors du réveillon du Nouvel An, pour tenter un passage en force en territoire espagnol. Cette «opération» ne saurait être le fruit du hasard. Le nombre de candidats, le timing et le mode opératoire supposent une préparation ou, à tout le moins, des contacts via des réseaux sociaux. En d'autres termes, il y a eu préméditation. Rabat n'a pas communiqué sur l'évènement, mais la confirmation est venue de l'Association marocaine des droits humains (Amdh). «Des dizaines de jeunes Marocains ont tenté de traverser vers Melilla, via le poste-frontière de Nador», a tweeté l'un des responsables de l'Amdh. Ces jeunes ont dû faire face à un dispositif policier marocain pour les empêcher d'aller au bout de leur entreprise. Cependant, «quelques-uns ont réussi à s'y introduire», a précisé l'Amdh. Les deux caractéristiques de cette énième tentative de passer en Espagne, outre qu'elle ait été bien organisée, la composante exclusivement marocaine du contingent de candidats à l'émigration clandestine et surtout leur nombre, amène à croire que cette tentative ne sera certainement pas la dernière. Il semble que le mot d'ordre ait été lancé sur les réseaux sociaux et l'on verra dans un futur proche le phénomène grossir jusqu'à devenir un très sérieux problème politique entre Rabat et Madrid. La répression ne saurait être la solution à ce qui s'apparente à un processus irréversible. La police marocaine qui a l'habitude de réprimer férocement des manifestations de migrants subsahariens ne se permettra certainement pas de réserver le même traitement aux jeunes autochtones. Auquel cas, c'est l'explosion assurée. La maîtrise de la situation de part et d'autre des frontières qui séparent le Maroc des enclaves espagnoles n'est désormais plus certaine. Et pour cause, «quelques -uns ont réussi», à passer de l'autre côté, comme l'a révélé l'Amdh. Cela encouragera beaucoup d'autres jeunes à tenter l'aventure à Melilla ou Ceuta. C'est là, le scénario le plus probable. Le Maroc n'aura d'autre choix, s'il veut sauver le deal qu'il a conclu avec l'Espagne sur la prétendue marocanité du Sahara, que de frapper fort, voire tirer pour tuer, comme cela a été le cas le 24 juin dernier. Quelque 37 migrants soudanais y avaient laissé la vie. Une option suicidaire. Le Makhzen risque une rébellion généralisée de la société marocaine. Déjà fragilisé au Parlement européen en raison du Marocgate, il peut dans la foulée d'une gestion hasardeuse du mécontentement populaire, perdre le soutien de l'Espagne qui ne pourra plus appuyer une répression sanglante. Celle-ci sera la grande perdante, puisque son deal avec le Makhzen lui a fait un grand tort dans ses relations avec l'Algérie, sans pour autant régler son problème aux frontières avec le Maroc.