La communauté internationale ne laissera pas passer la tuerie de Melilla. Les autorités marocaines qui ont perpétré un véritable crime contre l'humanité devront répondre de leur acte devant l'ONU, dont le Conseil de sécurité a été convoqué pour aujourd'hui. Le seul point à l'ordre du jour proposé par le Kenya, le Gabon et le Ghana, pays africains actuellement membres du Conseil, abordera «la violence meurtrière à laquelle sont confrontés les migrants africains entrant dans l'enclave espagnole de Melilla depuis le territoire marocain». On ne peut pas être plus clair. Les pays africains membres du Conseil de sécurité de l'ONU n'ont visiblement pas l'intention de lâcher l'affaire. Les 23 victimes, selon des sources marocaines et 37 selon les ONG de défense des droits de l'homme, ont droit à ce que justice leur soit rendue. «Les migrants sont des migrants: qu'ils viennent d'Afrique ou d'Europe, ils ne méritent pas d'être ainsi brutalisés», a déclaré l'ambassadeur du Kenya à l'ONU, Martin Kimani. Il existe une unanimité en Afrique contre le crime marocain. Aucune voix du continent noir n'a trouvé une quelconque circonstance atténuante à la sauvagerie de la police du Makhzen. L'initiative du groupe africain du Conseil de sécurité vient appuyer une réaction officielle de l'ONU, dont le porte-parole, Stéphane Dujarric, a dit déplorer «vivement cet incident tragique et les pertes en vies humaines». Sa réserve dans la condamnation du Maroc ne met pas à l'abri ce pays, dont l'instrumentalisation des migrants ne fait aucun doute. Le diplomate onusien pense «qu'il ne s'agit que d'un autre rappel de la raison pour laquelle nous avons besoin de routes migratoires mondiales bien gérées impliquant les pays d'origine, de destination et de transit». Mais cette option n'arrange pas le Makhzen, qui a toujours considéré les migrants comme un objet de chantage dirigé contre l'Espagne. Dujarric, qui répondait à une question relative au massacre de Melilla, a rappelé que «le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont déjà exprimé leur indignation» à ce sujet. Ces deux organisations onusiennes ont relevé que le massacre de migrants à la frontière de l'enclave espagnole est «le plus meurtrier jamais enregistré lors des nombreuses tentatives de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l'autre enclave espagnole de Ceuta». Sans commentaire. Les proportions que prend cette affaire mettent le Maroc face à l'échec patent d'une diplomatie de chantage et accentuent l'isolement de son allié Pedro Sanchez. Ce dernier ne pourra rien contre l'enquête diligentée par la justice de son pays pour faire la lumière sur le massacre d'au moins 23 jeunes migrants africains. Le ministère public espagnol se met donc de la partie et il sera très difficile aux deux alliés, Sanchez et Mohammed VI de couvrir les vérités qui vont apparaître dans ce dossier. Le parquet espagnol a motivé sa décision par «la gravité des faits survenus, qui pourraient affecter les droits humains et les droits fondamentaux des personnes». En effet, la sauvagerie de la réaction de la police marocaine n'est pas improvisée. Il y avait dans la charge de la police marocaine tous les éléments de la préméditation et répondait certainement à un plan établi en commun. Les indices matériels et le récit politique bilatéral précédant le drame constituent de très fortes présomptions qui justifient l'ouverture d'une vaste enquête qui aborde tous les aspects du dossier. Et pour cause, la reconnaissance de la prétendue marocanité du Sahara occidental n'était pas gratuite. La justice doit piocher dans cette partie de l'affaire. Il reste que l'on imagine bien que dans ce deal, le chef du gouvernement espagnol ne devait pas connaître le zèle de son allié marocain. De par sa décision, la justice espagnole donne entièrement raison à l'ONU qui a exigé une enquête indépendante sur le massacre. L'Organisation des Nations unies a appelé, hier, «les deux pays à garantir la tenue d'une enquête efficace et indépendante, première étape pour déterminer les circonstances dans lesquelles il y a eu des morts et des blessés, ainsi que toutes les responsabilités éventuelles», selon une porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, Ravina Shamdasani. En réponse à l'appel de l'ONU, le Maroc a ordonné à sa justice de poursuivre 65 migrants, en majorité des Soudanais, pour avoir participé à cette tentative de passage en force. Pas un mot sur les victimes et leurs assassins. Rabat est donc complice. On retiendra enfin, la «douleur» du Pape François pour les «tragédies», de l'enclave espagnole de Melilla et du Texas, qui s'est réveillée avec au moins 46 migrants retrouvés morts dans un camion à San Antonio. C'est dire qu'avec ce massacre de trop, le Makhzen a dévoilé son vrai visage aux yeux de toute l'humanité.