Le président tunisien Kaïs Saïed a appelé jeudi à «veiller» sur les migrants originaires de l'Afrique subsaharienne séjournant légalement en Tunisie, en réaction à la polémique suscitée après ses précédentes déclarations jugées «racistes et haineuses» envers cette communauté. «Que les personnes qui sont en situation légale en Tunisie soient rassurées», a dit Saïed au cours d'une réunion avec le ministre de l'Intérieur, Taoufik Charfeddine, portant sur la situation sécuritaire dans le pays. Le chef de l'Etat tunisien a demandé aux responsables de «veiller sur nos frères de l'Afrique subsaharienne en situation légale», selon une vidéo publiée sur la page officielle de la présidence de la République. Mais «il n'est pas question de laisser quiconque en situation illégale de rester en Tunisie», a-t-il martelé. «Je ne permettrai pas de porter atteinte aux institutions de l'Etat ou de changer de changer la composition démographique» de la Tunisie, a encore ajouté Kaïs Saïed. Mardi, le président tunisien avait prôné «des mesures urgentes contre l'immigration clandestine de ressortissants de l'Afrique subsaharienne et a tenu des propos très durs sur l'arrivée de «hordes de migrants clandestins», insistant sur «la nécessité de mettre rapidement fin» à cette immigration. Il a en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d'une «entreprise criminelle ourdie à l'orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie», afin qu'elle soit considérée comme un pays «africain seulement» et estomper son caractère «arabo-musulman». Ces propos ont été vivement critiqués par des ONG et des militants des droits de l'homme. «Ce discours raciste et haineux marque un jour triste. Le fait que le président d'un pays signataire de conventions internationales sur l'immigration tienne un tel discours est extrêmement grave», avait déploré le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Pour le président Saïed, comme il l'a encore dit jeudi, ceux qui l'ont accusé de racisme «veulent la division et la discorde et cherchent à porter atteinte à nos relations avec nos frères». Selon des chiffres officiels cités par le FTDES, la Tunisie, qui compte quelque 12 millions d'habitants, abrite plus de 21 000 ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne, en majeure partie en situation irrégulière. Par ailleurs, la police tunisienne a arrêté l'opposant Jawhar Ben Mbarek, l'un des plus virulents critiques du président Kaïs Saïed, dernière arrestation en date depuis le coup de filet lancé début février dans les milieux politiques, a indiqué sa famille, hier matin. M. Ben Mbarek, 55 ans, «a été arrêté tard dans la nuit et nous n'avons pas encore eu accès au dossier d'arrestation,» a indiqué sa soeur, l'avocate Dalila Msaddek. La police avait retenu jeudi pendant quelques heures le père de M. Ben Mbarek, Ezzeddine Hezgui, également opposant. Leader du mouvement «Citoyens contre le coup d'Etat», M. Ben Mbarek, est également l'un des principaux dirigeants du Front de salut national (FSN), la principale coalition de l'opposition qui a vu le jour après que le président Saïed a annoncé des mesures inédites en juillet 2021 en Tunisie, pour mettre fin à l'instabilité politique. Figure de la gauche tunisienne, Jawhar Ben Mbarek est un spécialiste en droit constitutionnel et ancien conseiller à la présidence du gouvernement. Une vingtaine de personnalités dans les milieux politiques, médiatiques et des affaires ont été arrêtées en Tunisie depuis début février, une campagne qualifiée par Amnesty International de «chasse aux sorcières motivée par des considérations politiques». Le président Saïed a qualifié les personnes arrêtées de «terroristes» et affirmé qu'elles étaient impliquées dans un «complot contre la sûreté de l'Etat».