Des pays occidentaux comme la France, l'Allemagne ou le Canada pompent littéralement les médecins sortis de l'université algérienne. Cet exode des blouses blanches renseigne sur une situation dont la cote d'alerte est atteinte. Il dicte de corriger le tir en adoptant une politique de valorisation des compétences nationales. C'est ce à quoi appelle le docteur Ilyes Akhamouk, chef de service des maladies infectieuses au niveau de l'Etablissement public hospitalier de Tamanrasset, dans le sud du pays. Il faut arrêter la saignée qui frappe le corps médical dont une partie est égoïstement aspirée par des pays européens, désireux de peupler leurs déserts médicaux, en recourant au recrutement, massif et à moindres frais, des praticiens algériens. Faute de bénéficier d'un statut socioprofessionnel qui soit à la hauteur de leurs attentes, les médecins algériens franchissent souvent le pas pour gagner l'autre rive, voire même des pays du Golfe, dont les autorités gouvernementales sont aux petits soins pour eux. Intervenant sur les ondes de la Radio nationale Alger Chaîne III, dans l'Emission matinale «L'invité de la rédaction» animée par notre consoeur Souhila El Hachemi, le docteur Akhamouk salue la décision du gouvernement portant sur l'encouragement des médecins spécialistes fraîchement diplômés à s'installer dans les wilayas du sud du pays et dans les Hauts-Plateaux. Rappelons, en effet, que des contrats de six ans seront signés avec ces médecins pour remédier au manque de spécialistes au niveau des établissements de santé de ces régions. Tel qu'annoncé par le ministre de la Santé Abdelhak Saïhi. Le docteur Akhamouk insiste donc sur la nécessité de réviser foncièrement le statut des médecins afin de leur permettre de se donner corps et âme à leur vocation: soigner. La valorisation à laquelle il appelle, leur permettra de s'affranchir de certaines servitudes du quotidien tout en leur permettant d'échapper au lobbying des laboratoires. «Un médecin est appelé à s'abonner à des revues scientifiques dont le coût peut atteindre, au bas mot, les quatre cent euros, de même qu'il est appelé à bénéficier d'une formation permanente...» indique-t-il en invitant à accorder quelques avantages aux médecins installés dans l'extrême sud du pays, comme la révision à la baisse des tarifs des billets d'avion, ou l'octroi de logements décents et dignes de leur rang. Ils sont cinq mille médecins à sortir chaque année des universités algériennes et c'est par centaines qu'ils quittent le pays en quête de meilleures conditions de travail, a-t-on relevé. Ainsi, l'on estime qu'ils sont actuellement 14 000 médecins algériens à exercer dans les hôpitaux français, dont ceux de Paris et de Marseille. Ces médecins qui sont majoritairement spécialistes, réussissent haut la main les épreuves de vérification de connaissances (EVC), qui leurs ouvrent le droit d'exercer, pendant deux ans sous le statut de praticiens associés, dans les hôpitaux publics français. Rappelons qu'en 2002, le docteur Lyes Mertabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (Snpsp), avait jeté un pavé dans la mare en annonçant: «Près de 1200 médecins algériens de différentes spécialités s'apprêtent à quitter l'Algérie pour la France pour travailler dans ses hôpitaux». L'on estime que la rémunération des médecins qu'ils soient généralistes, spécialistes ou de corps professoral, demeure en deça des attentes. Elle est largement sous-estimée après une formation universitaire très longue. La multiplication des offres d'emploi à l'étranger et particulièrement l'augmentation à 2700 des postes de médecins ouverts aux étrangers par la France inquiètent et font craindre une nouvelle saignée au sein du personnel médical algérien. Le docteur. Akhamouk appelle donc à «agir vite» avec des mesures incitatives pour garder cette «matière grise» au niveau national. «Il faut agir vite, non pas pour arrêter l'exode de nos médecins vers l'étranger, mais pour limiter cette hémorragie», insiste-t-il. Le docteur Akhamouk insiste, ainsi, sur la nécessité d'élaborer une stratégie pour inciter les médecins à s'installer dans les wilayas du sud et frontalières où le risque de ré-émergence de maladies infectieuses importées n'est pas à écarter. «Avec le réchauffement climatique et l'instabilité politique au Sahel, des maladies tropicales risquent de s'introduire en Algérie», prévient-il, en indiquant qu'une augmentation sensible des cas de paludisme, de 150 cas en moyenne à 1000 cas, a été enregistrée en 10 ans. «En matière d'infrastructures il y a une réelle avancée dans ces wilayas, mais je pense que la locomotive c'est toujours le facteur humain», souligne-t-il en réitérant son appel à une meilleure prise en charge du personnel médical pour soigner les Algériens.