Le cessez-le-feu de 72 heures conclu au Soudan sous l'égide des Etats-Unis reste fragile et les évacuations se poursuivent avec l'arrivée, hier, en Arabie saoudite d'un bateau transportant 1 687 civils fuyant les combats. Les personnes évacuées, originaires de plus d'une cinquantaine de pays, avaient embarqué sur «un des navires du Royaume», a précisé la diplomatie saoudienne dans un communiqué. Les ressortissants algériens évacués du Soudan et le staff de l'ambassade d'Algérie à Khartoum suite à la détérioration de la situation sécuritaire dans ce pays frère, sont arrivés mardi soir à l'aéroport international d'Alger Houari Boumediene. Cette évacuation intervient en application des instructions du président de la République, Abdelmadjid Tebboune qui a ordonné le rapatriement des membres de la communauté nationale ainsi que des ressortissants des pays frères et amis, notamment palestiniens. A leur arrivée à bord d'un avion relevant des Forces aériennes de l'Armée nationale populaire (ANP), les ressortissants ont été accueillis par le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Brahim Merad, la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Kaouter Krikou et du secrétaire général du MAE, Amar Belani. Dans la capitale soudanaise, des affrontements autour de «lieux stratégiques» ont «largement continué et parfois même se sont intensifiés», a affirmé mardi soir devant le Conseil de sécurité le chef de la mission de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, depuis Port-Soudan (est), où l'ONU a relocalisé une partie de son personnel. Onze jours après le début des combats qui ont fait plus de 459 morts et plus de 4 000 blessés selon l'ONU, Perthes a affirmé qu'«il n'y a pour l'instant aucun signe clair que l'un ou l'autre (des deux généraux) est prêt à vraiment négocier».Mardi, l'armée a visé avec ses avions les positions des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) qui ont répondu par des rafales de mitrailleuse lourde, dans les banlieues de Khartoum, ont rapporté des témoins. De nouveaux raids aériens visant des véhicules des FSR ont eu lieu en soirée dans le nord de la capitale, d'après d'autres témoins. Et les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo -qui s'opposent à l'armée du général rival Abdel Fattah al-Burhane, au pouvoir depuis un coup d'Etat en octobre 2021- ont déclaré avoir pris le contrôle d'une raffinerie et d'une centrale électrique à 70 km au nord de Khartoum, d'après une vidéo mardi. L'armée, elle, a signalé sur Facebook un «important mouvement (des FSR) vers la raffinerie dans le but de profiter de la trêve pour (en) prendre le contrôle». Comme à chaque annonce de trêve, les FSR et l'armée se sont mutuellement accusés de la violer. Cependant, «près de la frontière tchadienne, les combats ont repris et des rapports de plus en plus nombreux et inquiétants font état de tribus s'armant et rejoignant les combats», a affirmé M. Perthes mardi, ajoutant que des «affrontements intercommunautaires» ont également éclaté dans la région du Nil bleu, à la frontière sud-est avec l'Ethiopie. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'inquiète pour sa part d'un risque biologique «énorme» après la prise «par l'une des parties combattantes» d'un «laboratoire public de santé» de Khartoum, qui renferme des agents pathogènes de la rougeole, du choléra et de la poliomyélite. Selon des avocats, une évasion de détenus s'est produite à la prison de Kober à Khartoum, où Omar el-Béchir, dictateur déchu en 2019 et sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour «crimes contre l'humanité» et «génocide» au Darfour, était détenu avec d'anciens membres de son régime. Jusqu'à 270 000 personnes pourraient encore fuir au Tchad et au Soudan du Sud voisins, a alerté mardi l'ONU. Un rapport des Nations unies fait état de «pénuries de nourriture, d'eau, de médicaments et de carburant deviennent extrêmement graves, en particulier à Khartoum et dans les régions avoisinantes». «Par endroits, l'aide humanitaire est tout ce qui permet d'éviter la famine», a déclaré le chef de l'ONU, Antonio Guterres. Le conflit risque d'«envahir toute la région et au-delà», a prévenu le secrétaire général de l'ONU.