Aussi bien pour Washington que pour Téhéran, la question du nucléaire constitue une arme de pression internationale. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, est arrivé hier à Alger en tant qu'envoyé spécial du président de la République islamique d'Iran, Mahmoud Ahmadinejad. Reçu par le chef de gouvernement Abdelaziz Belkhadem, l'officiel iranien a été porteur d'un message destiné au président Bouteflika. Dans une déclaration à la presse, M.Mottaki a indiqué que sa visite à Alger sera l'occasion d'examiner «les moyens d'élargir la coopération bilatérale» et d'évoquer «la situation au Liban suite à l'agression de l'entité sioniste contre ce dernier.» Le chef de la diplomatie iranienne s'était dit «convaincu» que «l'examen et la concertation sur la crise libanaise» entre l'Algérie et l'Iran permettront aux deux pays de «prendre les mesures appropriées pour faire face à la situation au Liban». Le ministre iranien est arrivé à Alger suite à une tournée régionale qui l'a mené en Turquie, en Egypte et au Yémen. Evidement, cette tournée a porté essentiellement sur le dossier du nucléaire. Dans le bras de fer opposant l'Iran aux Etats-Unis et à l'Occident, l'Algérie a été sollicitée par les dirigeants iraniens pour plaider leur cause auprès des institutions internationales. C'est le deuxième message que reçoit le président de la République de la part de son homologue iranien en l'espace d'une année. Le président Bouteflika a reçu, en aout 2005, l'envoyé spécial du président iranien. Porteur d'une lettre adressée au chef de l'Etat, Alaâddine Broujardi a mis en exergue «l'attachement de son pays à l'exploitation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques». En juin dernier, le secrétaire général du Conseil suprême iranien de la sécurité nationale et négociateur en chef du nucléaire iranien, Ali Larijani, s'est rendu à Alger où il a été reçu par Mohammed Bedjaoui, ministre des Affaires étrangères. Il a été également reçu par le président Bouteflika. La saga diplomatique entre les deux pays est née depuis l'année 2004 quand le président sortant, Mohamed Khatami, a visité Alger en octobre 2004. Une première depuis l'arrivée des islamistes au pouvoir à Téhéran en 1979 et ferme, par ailleurs, la parenthèse ouverte en 1990 par le soutien de Téhéran aux islamistes algériens. Ce ballet diplomatique témoigne le poids d'Alger dans le dossier atomique qui empoisonnes les relations entre l'Iran et le reste du monde. «Il était important que l'Algérie et les Etats-Unis travaillent ensemble en compagnie de pays qui partagent cette vision pour convaincre l'Iran d'arrêter son programme nucléaire destiné à des fins militaires» a déclaré, en juin dernier, l'ambassadeur américain auprès de l'Agence internationale d'énergie atomique, M.Gregory Shult, à Viennen (Autriche), indiquant que les Etats-Unis appuyaient l'idée de voir la région du Moyen-Orient vide d'armes de destruction massive. D'un côté comme de l'autre, la question du nucléaire constitue une arme de pression internationale. Pour Washington, c'est un moyen de justifier l'encerclement militaire de l'Iran. Pour Téhéran, c'est une opportunité pour développer l'image pionnière d'une puissance régionale à même d'inquiéter ses voisins dont, notamment Israël. La position de l'Algérie a été exposée par le chef de l'Etat à l'occasion d'un discours au Congrès africain du pétrole qui s'est déroulé à Alger en 2005. Bouteflika a plaidé pour le droit de toute nation à l'accès à cette nouvelle forme d'énergie, pour peu que le but recherché soit pacifique. Pour ce faire, le chef de l'Etat a évoqué la nécessité de lever les restrictions draconiennes exercées par les puissances occidentales à tout pays désireux de développer l'activité nucléaire à des fins pacifiques.