Cette vingtième journée du mois d'août a été une date charnière dans la marche en avant de la Révolution algérienne. L'histoire de la guerre de Libération reste sans aucun doute, à écrire et plus précisément celle de ces deux dates charnières qu'ont été le 20-Août 1955 et le 20 Août 1956. La première date avait -par la «nouvelle» insurrection du Nord-Constantinois- conforté la dynamique révolutionnaire et affirmé l'irréversibilité de la guerre de Libération, quelque neuf mois après le glorieux 1er Novembre. La seconde date, qui est celle de l'affirmation a vu se dérouler le premier Congrès du FLN dans la vallée de la Soummam, concrétisant une première étape d'une lutte pour la libération qui ne s'annonçait pas comme une sinécure. En fait, 50 ans et 51 ans après les événements d'août 1955 et le Congrès de 1956 -au vu du peu d'ouvrages consacrés à ces dates-clés de la guerre de Libération- il apparaît qu'il n'a pas été accordé l'importance qu'il fallait à ces deux faits historiques qui ont replacé la Révolution dans la trajectoire qui lui a été tracée par l'Appel du 1er Novembre 1954. Alors que le terrain connaissait un certain «relâchement» le sursaut du 20-Août 1955 -que d'aucuns avaient considéré comme étant une quasinouvelle insurrection- a re-dynamisé la Révolution en lui redonnant un nouvelle confiance dans les objectifs qu'elle avait a atteindre qui restaient la libération du pays et la constitution de la République algérienne. Ce que l'Appel du 1er Novembre soulignait dès ses premières lignes en affirmant que «la Révolution algérienne veut conquérir l'indépendance nationale pour installer une république démocratique et sociale garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens d'une même patrie, sans discrimination. (...)». Le 20-Août 1955 dont nous célébrons demain le 51e anniversaire a été le fait d'armes qui a définitivement convaincu les sceptiques quant à l'irrévocabilité d'un combat qui ne pouvait avoir pour seule issue que la Libération. C'est tellement vrai que c'est après cette date que de nombreux leaders nationalistes ont rejoint les rangs du FLN se mettant au service de la cause nationale. Le 20-Août 1955 à été de fait, un tournant décisif dans la suite du combat pour la Libération, car il a sonné le glas à l'indétermination avec l'engagement sous la bannière du FLN de représentants de tous les courants politiques algériens de cette période-clé de la guerre de Libération. Le FLN a ainsi été un catalyseur rassemblant autour de la cause de la Libération nationale toutes les énergies vives du pays, unies pour une seule alternative: l'indépendance. Le sectarisme qui prévalait alors dans les partis politiques a été banni par le parti de novembre en imposant sa vision des priorités de l'heure. Cette victoire morale sur l'adversité sera concrétisée, un an plus tard, par la tenue, le 20-Août 1956, du Congrès de la Soummam au coeur de l'Algérie combattante donnant un gain politique appréciable au FLN, en lui permettant, par ailleurs, de forger un programme politique à la hauteur des ambitions et des attentes du peuple algérien. Le Congrès de la Soummam a été, aussi, l'occasion de préciser les prérogatives politiques et militaires des uns et des autres et de clarifier la donne induite par le combat sur le terrain. En effet, plus de vingt mois après le début de la Révolution, il était apparu nécessaire pour les responsables de l'insurrection de faire le point de la situation et surtout donner aux responsables politiques et militaires de se rencontrer, voire, de se connaître tant les faits et les événement en ce 20-Août 1956 n'étaient plus ceux ayant prévalu le 1er Novembre 1954. Dans son rapport au Cnra (Conseil national de la Révolution algérienne) Abane Ramdane indiquait qu'«a ce stade de la lutte, il était indispensable que tous les responsables de l'insurrection se rencontrassent pour confronter les points de vue et se définir dans tous les domaines». Des problèmes ont surgi dans le feu de l'action et il fallait y faire face et aussi leur trouver des réponses. Cela a été l'une des raisons, pour ne retenir que celle-ci, qui a incité les responsables de l'insurrection à se réunir et à débattre durant une quinzaine de jours alors même qu'autour d'eux les alertes, les accrochages, les ratissages de l'armée française disaient l'omniprésence de la guerre et les risques encourus pris par les responsables de la Révolution de tenir leur assises au coeur de la bataille. Lors du Congrès de la Soummam, deux décisions qui donnaient déjà les orientations qui devaient être celles de l'Algérie indépendantes, ont été prises. Le premier principe consacrait la primauté du politique sur le militaire. Commentant cette option, Abane Ramdane écrivait dans son rapport au Cnra que «ce principe que d'aucuns ont aussi contesté est un principe universel valable dans tous les pays et dans toutes les révolutions, car il affirme le caractère essentiellement politique de notre lutte à savoir: l'indépendance nationale». Le second principe, corollaire au premier, affirme la primauté de l'intérieur sur l'extérieur. Explicitant ce choix, Abane Ramdane écrit: «Là encore, on a trouvé à redire. Pourtant ce principe est encore valable pour une foule de raisons dans la moindre est qu'une révolution comme la nôtre ne peut être dirigée que par des hommes qui la vivent et indiscutablement on ne peut vivre la Révolution algérienne qu'à l'intérieur des frontières de l'Algérie». C'est dire que le Congrès de la Soummam a, en filigrane, posé l'architecture de ce qu'aurait dû être l'Algérie indépendante. Mais cela est sans doute une autre histoire, pour dire que justement l'Histoire, ou plutôt les historiens algériens, n'ont pas suffisamment pris en charge deux dates-clés qui ont relancé l'insurrection d'abord, tracé les orientations de la Révolution ensuite. Aussi, l'histoire du 20-Août 1955 et du 20-Août 1956 restent-elles à écrire.