Abdelali Hassani Cherif ne déroge pas à la culture du dialogue constamment défendu par le MSP. Le successeur de Makri à la tête du parti islamiste depuis le congrès de mars dernier ne semble pas cependant enthousiaste aux initiatives politiques lancées, ces dernières semaines, ou celles qui sont en gestation. Le nouveau chef du MSP dit préférer dans le contexte actuel plutôt le dialogue et la concertation que le format des initiatives collectives. Mais sur le fond, il considère que toute initiative politique sérieuse doit compter sur la participation du pouvoir politique. Recensant plus de vingt initiatives politiques dans lesquelles le MSP a participé depuis sa création, Hassani Cherif se dit convaincu que sans la participation du pouvoir en place, aucune initiative ne donnera le résultat escompté. Le chef du MSP cite les plus récentes et qui n'ont pas servi plus qu' à un cadre de rencontres et d'échange entre leaders politiques. Le constat rend nécessaire la participation du pouvoir dans toute initiative, soutient le chef du MSP. Entretien. L'Expression: Vous avez rencontré récemment le président de la République à votre demande. Qu'est-ce qui a motivé votre démarche? Abdelali Hassani Cherif: La rencontre avec le président Tebboune a eu lieu suite à notre demande. Au MSP, nous avons des traditions et des habitudes dans la pratique politique. Elles sont surtout basées sur le dialogue et la concertation. En tant que nouvelle direction du parti, nous avons jugé utile d'enclencher une série de rencontres, notamment avec le président de la République. Il s'agit d'abord d'une prise de contact dans le sens où nous représentons une nouvelle direction. Ensuite, en vue de poursuivre le processus de dialogue et de consultation. Il va sans dire que de nombreuses questions nécessitent débat et échange. Nous avons écouté le Président qui nous a présenté une évaluation de la situation générale du pays. De notre côté, nous avons exprimé notre point de vue sur diverses questions. Cela s'inscrit dans la relation de normalité qu'entretient le MSP avec les institutions de l'Etat, à leur tête la présidence de la République. Au MSP, nous avons la conviction que servir le pays et ses intérêts passe par la participation de tout le monde. D'où la nécessité du dialogue et de la concertation. Nous avions eu l'occasion d'aborder beaucoup de dossiers. Quels sont les sujets qui ont dominé votre échange avec le chef de l'Etat? Nous avons écouté le chef de l'Etat sur des questions nationales et internationales. Dans ce qui relève de notre pays, nous avons abordé tout ce qui est lié au développement, à l'économie, au volet social, ainsi que la situation politique du pays. À titre d'exemple, des questions liées aux libertés et des perspectives du pays aussi bien à l'heure actuelle que celles de l'avenir. Pour ce qui est des questions régionales et internationales, il est notoire que l'Algérie vit dans un environnement qui connaît des bouleversements rapides. Il s'agit pour nous de comprendre davantage la place de l'Algérie dans tout ce qui se déroule autour de nous. Vous avez rencontré aussi d'autres acteurs de la scène politique. Le MSP est-il porteur d'une initiative politique qui n'est pas encore lancée sur l'espace public? Je dois souligner que le MSP durant la présidence de Makri avait déjà lancé une initiative politique. Son mot d'ordre: le consensus national. Pour nous, cette initiative demeure toujours d'actualité. Elle peut servir bien que nous ne l'ayons pas encore actualisée. Nous considérons cependant que le contexte actuel est crucial. Il nous impose la concertation et le dialogue plus que des initiatives. Pour nous, une initiative doit être «rassembleuse», c'est- à- dire avec la participation de tout le monde. Je veux dire avec la participation de tous les courants idéologiques. Plus que cela, toute initiative politique qui se veut sérieuse doit compter sur la participation du pouvoir en place. Mieux, le pouvoir doit être un élément important dans toute initiative. Nous avons eu déjà l'expérience des initiatives qui n'ont pas abouti, car elles n'ont pas fait participer le pouvoir en place. Le MSP était présent dans 22 initiatives depuis sa création. Chaque contexte avait ses initiatives. Le MSP avait, soit lancé des initiatives, soit participé à d'autres. Les plus proches que nous pouvons évaluer sont celles de Mazafran 1 et 2 et celle d'Aïn Benian lancée dans le contexte du Hirak populaire. Ces initiatives n'ont pas abouti. Il y a eu cet acquis de voir des partis dialoguer et s'entendre sur un minimum de revendications politiques, économiques, sociales. Cependant, il n'y avait pas de réponse de la part du pouvoir politique. D'où notre conclusion: la présence du pouvoir est nécessaire pour toute initiative politique. Il s'agit donc de tabler sur une initiative rassembleuse dans laquelle le pouvoir sera partie prenante. Néanmoins, nous considérons au MSP que nous avons plutôt besoin dans ce contexte de positions claires que d'initiatives collectives. À ce propos, les positions du MSP sur les questions internationales sont claires. Elles ne souffrent d'aucune ambiguïté. Nous condamnons la violence, le terrorisme. Nous dénonçons l'ingérence étrangère et tout ce qui peut porter atteinte à la stabilité du pays. Par ailleurs, nous considérons que nous vivons une période cruciale. Et toute initiative qui n'aura pas des objectifs clairs et qui n'annoncera pas le dispositif qui en découlera est vouée à l'échec. Pour revenir à votre question, nous ne proposons pas une initiative. Nous considérons que notre ancienne initiative du «consensus» a juste besoin d'être actualisée de façon à ce qu'elle réunisse tous les Algériens. Pouvons-nous dire alors que le MSP a établi le bilan des initiatives précédentes pour conclure à la thèse de la nécessaire participation du pouvoir en place dans toute initiative? Oui, le pouvoir doit être partie prenante du dialogue et de toute initiative. C'est la meilleure façon pour faire le constat juste de la situation et des enjeux de l'heure. Ensuite, élaborer des pistes de solutions pour les questions sécuritaires ainsi que pour ce qui relève du volet économique, social, politique... Tout récemment vous avez répondu à l'initiative du Mouvement El Bina d'Abdelkader Bengrina. Vous vous êtes cependant vite démarqués de la démarche. Pourquoi? Effectivement, nous avons pris part à la première réunion. Mais ensuite, nous avons jugé que l'initiative ne cadrait pas avec notre approche. Cela dit, nous respectons tous les partis politiques et nous saluons toutes les initiatives. Le MSP se réfère à son programme politique et agit selon sa culture politique. Sans doute que nous militons pour le maintien du dialogue et de la concertation entre les parties. C'est une pratique qu'il faudra préserver. Concernant les initiatives collectives, il est clair que nous pouvons être d'accord sur certains aspects comme il est possible que nous soyons en désaccord sur d'autres. À ce propos, nous convergeons avec l'ensemble de la classe politique sur les questions régionales et internationales. Nous partageons la thèse que le pays a besoin d'un front uni et de fédérer toutes ses forces. Pour ce qui est des volets économique et social, nous avons une autre approche. Nous sommes un parti de l'opposition. Le MSP n'est pas membre du gouvernement et ne fait pas partie des formations de l'allégeance. Donc, nous avons des observations sur les volets économique et social que nous ne partageons pas avec le gouvernement et avec des formations de l'allégeance. Donc, nous ne pouvons pas être comptables des bilans du gouvernement dans la gestion des affaires économiques et sociales puisque nous ne sommes pas membres de l'Exécutif. Nous avons des critiques que nous exprimons à travers l'APN et à l'occasion de nos diverses actions. Et vous avez préféré porter votre discours et positions directement au premier magistrat du pays... Nous sommes ouverts et prêts à oeuvrer avec tout le monde. Nous travaillons avec les institutions qui assument des responsabilités. Elles ont aussi les moyens de répondre aux préoccupations que poseraient des citoyens ou d'autres représentations. Pour ce qui est des partis politiques, nous travaillons avec eux dans ce qui est leur est permis politiquement. Les partis ne peuvent répondre aux préoccupations. La partie qui peut y répondre, c'est le pouvoir politique. Les partis sont là pour la concurrence politique. Nous ne devons pas fondre l'un dans l'autre. Les partis existent pour se concurrencer politiquement. Le pays a plutôt besoin de consacrer la compétition partisane. Le parti qui gagne le vote est appelé à diriger, celui qui perd se range dan l'opposition. Fondre l'un dans l'autre fera perdre et biaiser la responsabilité politique. En politique, les responsabilités de l'échec ou de la réussite doivent être clairement définies et assumées. Les partis entre eux sont des concurrents. Et nous avons jugé plus pratique et efficace de nous adresser directement à l'institution présidentielle. Entre partis politiques, nous pouvons échanger, mais aucun ne peut assumer pour l'autre. Au MSP, on ne conçoit pas l'idée qu'un parti se mette devant et les autres partis suivront. C'est notre approche basée sur l'autonomie. Cela ne veut pas dire que nous sommes dans une logique de repli ou d'enfermement. Nous entretenons de bons rapports avec tous les partis politiques. Nous avons rencontré le Mouvement El Bina, Ennahda. Nous avons reçu le RCD, nous avons de bonnes relations avec le FLN, le RND, le Front El Moustakbal et les Indépendants. Nous travaillons avec tous les partis agréés et exerçons dans la légalité. Nous n'avons aucun complexe, nous pouvons discuter avec toutes les sensibilités politiques et tous les courants idéologiques. Vous citez l'ensemble des partis politiques avec qui vous entretenez de bonnes relations, mais vous ne nommez pas le FFS qui s'apprête à lancer une initiative politique. Pourquoi? Nous respectons le FFS, son histoire et ses positions politiques. Nous n'avons pas encore pris connaissance de son initiative. Mais nous pouvons nous rencontrer à l'avenir. Ce qui nous intéresse, c'est le dialogue entre les partis. C'est l'échange de vues entre eux. Pour les positions, chaque parti a ses considérations et sa vision des choses. Ce qui est sûr, c'est que nous n'avons pas de problème avec aucun parti. Nous pouvons rencontrer tout le monde.