En visite de travail à Tunis, les ministres de l'Intérieur français, Gérald Darmanin, et allemande, Nancy Faeser, ont fait état des fortes attentes de l'Union européenne en matière de lutte contre l'immigration clandestine et Paris consent une aide supplémentaire de 26 millions d'euros afin d'accompagner les efforts de la Tunisie en ce sens. Cela n'a pas empêché le président Kaïs Saïed de renouveler sa mise en garde, puisqu'il a réaffirmé, en la circonstance, que son pays n'entend nullement devenir «le garde-frontières» de l'Europe et ce, quelle que soit l'offre tambourinante consentie. Cette aide de la France «dédiée aux questions migratoires» vise à permettre à la Tunisie d' «acquérir les équipements nécessaires et organiser les formations utiles, notamment des policiers et garde-frontières» a souligné le ministre français de l'Intérieur, traçant ainsi le cadre étroit de la démarche et ses visées explicites. Elle intervient en sus de l'aide annoncée la semaine dernière par l'Union européenne lorsque la délégation comprenant la présidente de la Commission de l'UE, Ursula von Der Leyen, la présidente du Conseil des ministres italien Giorgia Meloni et le Premier ministre belge........., avaient rencontré le président Kaïs Saïed, sur ce même enjeu de l'immigration clandestine. Bruxelles avait alors promis 105 millions d'euros. L'une comme l'autre de ces aides circonstanciées sont censées servir à «contenir le flux irrégulier de migrants», mais aussi et surtout à «favoriser leur retour dans de bonnes conditions». De quoi nourrir quelques incertitudes sur les tenants et les aboutissants de ces effets d'annonce. Avoir pour mission de «contenir» le flux migratoire que redoute l'Union européenne est une chose, se retrouver dans la posture d'une zone de transit en est une autre. Mais il y a pire, pour peu que les arrière-pensées ne se traduisent en exigences imprévues. Conscient de ce risque, le président tunisien n'a pas louvoyé non plus pour dire son refus catégorique de voir la Tunisie devenir «un pays de réinstallation» des migrants refoulés. Après avoir suscité un véritable tollé en mars dernier lorsqu'il a alerté sur le risque d'une menace démographique pour la Tunisie, le chef de l'Etat a insisté auprès des émissaires français et allemand, comme il l'a déjà fait auparavant avec la délégation de haut niveau de l'UE, sur la nécessité de «briser le cercle vicieux» de l'immigration clandestine en optant pour une approche constructive du phénomène, à savoir remédier aux causes plutôt que de recourir à la gestion sécuritaire. Un discours qui reste, malheureusement, inaudible de l'autre côté de la Méditerranée.