Cette activité en vogue dans nos villes et villages peut avoir de beaux jours devant elle, si l'on se fie aux prévisions scientifiques annonçant des bouleversements climatiques avec impact certain sur les ressources hydriques. À Annaba, le recours aux camions-citernes pour contourner la rareté de l'eau dans les robinets est en pleine extension. Cela saute aux yeux dans les rues et les artères de la ville. Tout comme sur les voies menant aux nouvelles cités où le problème se pose parfois avec acuité. Le phénomène est bien là: les camions-citernes sont omniprésents sur la voie publique. Comme n'importe quel marché parallèle, la vente d'eau dans des camions-citernes, est lui aussi devenu un business très lucratif, où les risques de maladies transmissibles ne peuvent être ignorés. Les camions-citernes approvisionnent en moyenne près des deux tiers des ménages à Annaba pendant les mois d'été, en général de juin à octobre, et même au-delà. Chaque foyer achète en moyenne 10 000 m3 d'eau par mois, selon les propos de certains vendeurs d'eau à Annaba. Les camions-citernes sont très actifs dans les nouveaux centres urbains, mais également de plus en plus dans les quartiers et les cités de la ville d'Annaba. L'eau des camions-citernes est utilisée pour le lavage, mais aussi pour la consommation quand le volume d'eau fourni par le réseau public, c'est-à-dire l'ADE est insuffisant, ou plus rarement, en raison de la rationalisation de l'alimentation en eau potable. Le marché de la vente d'eau des citernes est détenu par des jeunes qui possèdent des camions, avec des capacités de 4 000, 6 000, 12 000 ou 16 000 litres. Rien que pour le chef-lieu de la commune d'Annaba, Il existe environ une centaine de camions-citernes qui approvisionnent la ville, explique Chawki, un vendeur d'eau qui s'approvisionne selon lui depuis des sources de Bouglez, situées dans la wilaya d'El Tarf. L'une des eaux les plus convoitées par les consommateurs à Annaba, en raison de son goût sucré. Saïd, un autre vendeur d'eau, quant à lui, possède un puits dans l'exploitation familiale à El Righia. «Nous avons un grand puits à usage agricole et je peux en extraire environ 10 000 litres d'eau par jour», nous explique-t-il. Nouveau business Le tarif est de 5DA/l, 2500 DA les 500 litres et 300 DA les 1000 l d'eau. Les vendeurs d'eau en profitent pour faire de juteuses plus-values. Ils vendent en moyenne entre 15 000 et 20 000 l/j en période de pénurie d'eau. Même en comptant la hauteur des appartements, l'essence, le moteur et les autres dépenses, les bénéfices sont importants. «Quand je travaille de 6h à 20h pendant les jours d'été, je peux gagner jusqu'à 40 000 DA net par jour», explique Alaoua, qui affirme avoir plus de 500 clients rien qu'à la cité Oued Forcha, Pont-Blanc et la cité Plaine Ouest. Ces clients et bien d'autres sont attirés par la bonne qualité de l'eau qui est consommée pour la plupart des cas. Ce commerce échappe à tout contrôle en raison de la propreté des sources alimentées de la nappe phréatique irréprochable, dont dispose la wilaya d'El Tarf. Mais qu'en est-il de cette eau transportée dans ces camions-citernes? La qualité de l'eau fournie par les citernes est rarement contrôlée. «Nous procédons au nettoyage des citernes une fois par semaine», ont confié plusieurs interlocuteurs. Si l'eau est de très bonne qualité, c'est parce que le sol sableux des nappes phréatiques de la wilaya d'El Tarf, sert de filtre, il demeure néanmoins que le précieux liquide échappe à toute forme de contrôle ou réglementation. Car, si le manque d'eau potable fait le malheur des uns, il fait aussi le bonheur de certains. Mais il risque de faire le malheur de beaucoup d'autres. En effet, exercé dans un contexte qui échappe à tout contrôle, l'eau transportée et stockée dans des citernes galvanisées ou en plastique demeure un facteur majeur pour la santé publique. Bien que la direction de la santé ait moult fois mis en garde contre la consommation, à long terme, de l'eau des citernes, le phénomène ne faiblit pas et va crescendo. Dès les premières heures de la matinée, une valse de camions-citernes, de toutes dimensions et toutes formes, a commencé à affluer, pour s'approvisionner des points d'eau et des sources de la wilaya d'El Tarf, dont la majorité est non contrôlée. Acheminée dans ces citernes sous un soleil de plomb favorisant la multiplication des bactéries et autres germes, on trouve même des citernes en plastique, vrai nid de microbes, cette eau atterrit chez le consommateur inconscient de la gravité de la situation. Surtout que les propriétaires de certaines citernes galvanisées non entretenues et complètement rouillées, ne se gênent pas et continuent à vendre une eau, dont la consommation est très dangereuse. Et pourtant, une bonne partie des habitants de la wilaya d'Annaba ont recours aux citernes d'eau, et n'ont aucune idée des conditions d'hygiène ni de l'endroit d'où s'alimentent les vendeurs d'eau. Quid des risques de contamination? Une eau polluée pourrait être à l'origine de graves maladies, à l'exemple des dysenteries, de la fièvre typhoïde, de la méningite et du choléra. Même si l'eau fournie par l'Algérienne des eaux d'Annaba est potable, des centaines de ménages ne consomment pas l'eau des robinets, parce qu'ils se sont habitués depuis des décennies à prendre de l'eau minérale. Ce qui explique l'explosion de la vente de l'eau minérale à Annaba et surtout la hausse fulgurante de ses prix. D'autres se sont accoutumés à la consommation de l'eau dite de source «Bougleze». Cette eau au goût doux transportée par les camions-citernes viennent alimenter les habitants des différents quartiers et cités de la wilaya d'Annaba, en cette période de très fortes chaleurs. Le recours aux camions-citernes devient plus qu'une nécessité pour les populations, qui la préfèrent à celle du robinet ou minérale. La raison est, selon eux, la bonne qualité de l'eau! Une qualité qui échappe à tout contrôle à travers une activité qui s'exerce dans l'opacité pour la plupart des vendeurs d'eau dans les camions-citernes. Et pourtant, ces derniers demeurent un facteur à haut risque, en matière de prolifération des maladies à transmission hydrique (MTH). Un fait qui semble passer dans l'indifférence des acteurs chargés de la protection de la santé publique, les services de la direction de la santé et les bureaux d'hygiène communaux, censés prendre les mesures nécessaires pour prévenir contre tout éventuel désagrément, pouvant être occasionné par la consommation de l'eau des camions-citernes. C'est-à-dire, mettre en place des dispositions adéquates à travers des prélèvements d'échantillons et leur analyse, afin de s'assurer de la bonne qualité du liquide précieux très convoité par les consommateurs. En attendant que le contrôle cible ce nouveau commerce, il est utile de rappeler que la vente d'eau a explosé, depuis 2016, période du stress hydrique qui a touché la plupart des wilayas du pays, dont Annaba où, le recours aux services des camions -citernes pour s'approvisionner en eau potable, est devenu une nécessité incontournable pour les ménages à Annaba qui y réservent tout un budget! Une autre épreuve difficile pour ces citoyens qui voient leurs porte- monnaies s'user par des dépenses qui n'en finissent pas.