L'écrivain nobelisé a accordé cet entretien juste après l'attentat survenu, en 2001, sur les deux Tours américaines.. Fort de sa notoriété internationale, le célèbre écrivain égyptien a, en décembre 2001, lors d'un entretien accordé en exclusivité au journal l'Humanité, donné son sentiment sur la situation alarmante qui prévaut dans le monde, notamment du terrorisme et de la crise de la modernité, un des facteurs de l'avènement de l'intégrisme dans les pays arabes. Une interview survenue, bien sûr, après le fameux attentat des deux Tours jumelles, World Trade Center aux USA, qui a ébranlé le monde entier, en septembre 2001. L'auteur de l'Impasse des deux palais, Le palais des désirs et Le sucrier, avait déclaré sa grande surprise suite à cet horrible événement survenu alors qu'il était sorti se promener avec des amis. C'est sa fille qui lui a appris la nouvelle. «Je pensais que les Etats-Unis, comme puissance mondiale, possédaient une force qui les protégeait.(...) Pour nous, les Arabes, les Etats-Unis représentent la démocratie et la liberté. Mais la politique qu'ils mènent vis-à-vis du Moyen-Orient et leur soutien inconditionnel à Israël nous renvoient une image négative. Les gens ressentent cette injustice. Les Etats-Unis ont des ennemis dans les pays arabes, mais aussi en Asie et dans les Balkans. Moi-même, j'ai perçu cette attitude lorsque j'étais jeune, durant l'occupation anglaise.» Pour Naguib Mahfouz, Les Etats-Unis ne devraient pas se contenter d'être le pays le plus fort, mais devraient être le pays le plus juste au monde. Interrogé sur la légitimé des bombardements sur l'Afghanistan comme réponse juste au terrorisme, l'écrivain dira son hésitation à répondre par la positive quant à l'absence de preuves des responsables des attentats. «Ce qui est arrivé le 11 septembre, ce mardi noir, montre un niveau de précision et de planification plus avancé que le niveau du tiers-monde . Les Etats-Unis possèdent les preuves que l'on ignore, peut-être que l'attaque contre les talibans a sa logique.» A propos de son agression par deux islamistes fanatiques où il l'a échappée belle, en 1994, Naguib Mahfouz dira que ces deux commanditaires illettrés voulaient l'assassiner, car pensant tuer un écrivain qui s'attaquait à l'Islam dans ses livres. Si la crise de la modernité est un des facteurs de l'obscurantisme, celle-ci remonte d'après l'auteur égyptien au XXe siècle, avec la pensée de Mohammed Abdou, qui était un grand réformiste islamique. «C'est une question de temps. La modernité doit être victorieuse. Il y a des moments où la vérité recule. Mais, d'un point de vue historique, la modernité gagnera. Au début du siècle précédent, l'éducation des femmes était un problème. Maintenant, regardez le nombre de filles dans les universités, le nombre de femmes ministres ou ambassadrices..» soulignera -t-il. Mais cette régression dans la mentalité égyptienne, répercutée sur son mode de vie est due, selon lui, à la renaissance du sentiment islamique et surtout au mouvement islamique dans la politique du pays. «Ce mouvement a été encouragé par différentes circonstances politiques, notamment l'établissement de l'Etat d'Israël. Le monde arabe a vu, au milieu du XXe siècle, la création d'un Etat basé sur la religion. Chez nous, les intégristes qui avaient été détruits par les mouvements nationalistes, panarabistes, ont, tout d'un coup, reçu un encouragement. La question devenait alors : " Pourquoi ne pas fonder nos Etats sur la religion, nous aussi? " Il y a eu aussi la défaite du nationalisme arabe en juin 1967, qui a donné un coup de pouce aux mouvements islamistes.» A la question de savoir si cela crée un problème du fait que la religion régit la société, le chantre de la tolérance reconnaîtra qu'il existait toujours des tendances extrémistes dans la religion. Mais ce qui est important, indiquera-t-il, «le peuple égyptien est, par nature, modéré. L'intégrisme va à l'encontre de cette nature et donc il ne peut pas durer» A la question, enfin, de savoir si l'écriture peut aider à trouver la modernité, le prix Nobel de literrature, Naguib Mahfouz fera remarquer du fait que la littérature se transforme en d'autres médias comme la télévision et le cinéma, par conséquent «l'écriture a beaucoup d'effets sur la culture et sur toutes les valeurs civilisationnelles.» l'écrivain n'est plus, mais ses idées resteront tant que ses livres continueront à nous enseigner la sagesse et la tolérance.