Alors que la mobilisation internationale pour venir au secours de la population meurtrie par les inondations du 10 septembre en Libye se poursuit, la grogne est en train de monter depuis la mise en évidence des graves carences à l'origine de l'effondrement des deux barrages qui ont causé la tragédie de la ville de Derna et de ses 100 000 habitants. Cependant, les regards se tournent petit à petit en direction de la scène politique qui, elle, n'a pour l'instant subi aucun séisme tant le statu quo profite aux deux principales factions rivales, celle de la Tripolitaine et celle de l'Est, représentée par le maréchal Khalifa Haftar et ses proches. À Derna qui a payé le plus lourd tribut aux graves inondations causées par la tempête Daniel, la colère est manifeste et les survivants haussent le ton pour réclamer des sanctions à l'encontre des responsables présumés de la catastrophe. Il semble, en effet, que deux ans auparavant, des alertes avaient été effectuées sur la vétusté des barrages et du nombre alarmant de fissures qui avaient été constatées. Sauf que ces mises en garde n'ont nullement été prises en compte du fait même des divisions qui caractérisent la gestion chaotique d'une Libye, disloquée par le prétendu printemps arabe et l'agression atlantiste de 2011. Le pays est toujours plongé dans le deuil et la population reste sous le choc du drame qui a fait des milliers de morts et de disparus mais des voix se sont élevées, ces jours derniers, pour exiger la tête du président du Parlement, Aguila Saleh, et celle du maréchal Haftar qui cumule tous les pouvoirs dans l'Est de la Libye en proie à des divisions et des pressions de pays étrangers dont la convoitise a pour objet le pétrole et quelques autres ressources. Les habitants de Derna veulent que les dirigeants de l'Est rendent des comptes mais rien ne dit qu'ils obtiendront gain de cause du fait même des ingérences étrangères au profit des deux principales figures de la division en Libye. «Le peuple veut la chute du Parlement», «Aguila est l'ennemi de Dieu», «ceux qui ont volé ou trahi doivent être pendus», tels étaient les slogans des manifestants qui ont incendié la maison du maire de Derna, un neveu d'Aguila Saleh devenu un personnage plus qu'encombrant pour la ville martyre. Haftar non plus n'est pas épargné et, sur les réseaux sociaux, une nuée de flèches s'abat sur lui et ses enfants tel le général Sadam Haftar, bombardé chef de la cellule de crise supervisant la catastrophe. L'autre fils, Sedik, fait la tournée en Europe pour vanter la gestion familiale de la crise, malgré le black-out sur les télécommunications à Derna au lendemain des manifestations hostiles. Il est vrai que la colère partie de là risque de gagner bien d'autres villes et peut-être même Benghazi, fief de l' «homme fort de l'Est».