En présentant demain sa candidature au poste de Premier ministre, le dirigeant conservateur espagnol Alberto Núñez Feijóo, chef du Parti populaire (PP), joue un quitte ou double devant le Parlement. Sauf coup de théâtre jugé hautement improbable, ce sera un coup d'épée dans l'eau car il n'a toujours pas obtenu les autres voix qui lui manquent pour l'emporter. Avec comme unique et principal allié le parti d'extrême droite Vox, Feijoo qui était en première ligne aux dernières législatives anticipées du 23 juillet, aura tout tenté pour arracher les quatre votes nécessaires pour s'assurer de la majorité requise à la Chambre des députés, dès le lendemain de l'annonce du roi Felipe VI lui confiant la tâche de former un gouvernement. Il lui fallait pour cela obtenir le soutien des partis régionalistes, autres faiseurs de rois dans un Parlement fractionné, mais ceux-ci ne veulent pas entendre parler d'une alliance avec le parti d'extrême droite dont le nombre d'élus est largement plus important. Faisant fi d'un échec évident, Feijoo aura ramé en vain tout en multipliant les attaques contre le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sánchez qui, lui aussi, est à la peine pour arracher l'appui des indépendantistes catalans afin de se maintenir au pouvoir. «Si j'acceptais les exigences des indépendantistes, je serais Premier ministre la semaine prochaine. Mais je ne compte pas céder à ce chantage (...), je ne gouvernerai pas à n'importe quel prix», a assuré Feijóo dans le quotidien El Mundo. Il a par ailleurs concédé que le vote de demain au Parlement pourrait n'être qu'une étape fondatrice de l'accession du PP au pouvoir dans un avenir plus ou moins proche. En allant tenter l'investiture, le chef de la droite espagnole veut surtout se poser comme une alternative visible au parti socialiste de Pedro Sanchez, condamné à multiplier les concessions aux indépendantistes catalans. Hier, le PP a organisé un grand rassemblement de ses militants au centre de Madrid pour enfoncer davantage le clou, depuis les amnisties «anticonstitutionnelles» accordées par Sanchez aux exigences d'un référendum d'autodétermination. Ni l'un ni l'autre ne pouvant parvenir à rassembler les 176 voix nécessaires sur les 350 que compte le Parlement, l'Espagne court tout droit vers de nouvelles élections législatives, après un délai de deux mois. Mais Pedro sanchez est passé maître dans l'art de surprendre son monde puisqu'il a obtenu mi-août dernier le soutien des indépendantistes catalans à l'élection de la candidate socialiste au perchoir du Parlement, moyennant l'autorisation de s'exprimer en catalan dans l'hémicycle. Osera-t-il un saut périlleux avec une amnistie au profit de Carles Puigdemont, exilé en Belgique, quitte à provoquer de sérieux remous au sein de son propre parti? Le pari est ouvert.