Les Américains n'ont pas lésiné sur les superlatifs pour «remercier» Damas quant à la rapide intervention de ses services de sécurité. A malheur, quelque chose est bon? Il faut le croire puisque, l'attentat contre l'ambassade américaine à Damas a eu des retombées inattendues et semble avoir débloqué les voies, jusqu'ici fermées, du dialogue entre la Syrie et les Etats-Unis. C'est, en fait, le cas de le dire face au satisfecit américain et l'avalanche de remerciements adressés à la Syrie. Quelques heures après l'attentat, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, à partir du Canada (où elle se trouvait en visite) a tenu à dire sa «gratitude» aux autorités syriennes pour la diligence à assurer la sécurité de leur ambassade. Mme Rice a réitéré, hier, ses remerciements en indiquant: «Je veux dire que nous apprécions la réaction des forces de sécurité syriennes pour contribuer à assurer la sécurité» de l'ambassade, au moment où le département d'Etat appelait l'ambassade syrienne à Washington pour «remercier la Syrie pour son action» a-t-on indiqué, hier, auprès de la représentation syrienne dans la capitale fédérale. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, y a été également de ses gratifications en déclarant que les forces syriennes avaient «fait leur travail» et réagi de «manière professionnelle». L'attentat de mardi, à défaut de réchauffer des relations à tout le moins froides, n'en a pas moins permis une prise de langue inédite entre Américains et Syriens qui s'ignoraient, ostensiblement, ces derniers mois alors que le contentieux, entre les deux pays, ne cessait de s'alourdir. L'assassinat, en février 2005, de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, n'avait pas, bien au contraire, amélioré les relations américano-syriennes qui se sont plutôt dégradées, d'autant plus que les Etats-Unis, avec la France, ont été derrière la résolution 1559 de septembre 2004 qui obligea la Syrie à retirer ses contingents stationnés au Liban depuis 29 ans. Washington qui accuse la Syrie d'armer et de soutenir le mouvement chiite libanais du Hezbollah - classé par les Etats-Unis comme organisation «terroriste» - est revenu à la charge lors de la guerre des 34 jours qui opposa Israël au Hezbollah. Damas apparaît, en effet, comme étant, sinon le maître d'oeuvre, du moins l'un des commanditaires, avec l'Iran, des actions du Hezbollah au Liban et du Hamas dans les territoires palestiniens occupés. Mais, depuis la guerre de juillet-août, la Syrie a plutôt fait profil bas, ne manquant aucune occasion de dire sa disponibilité à aider à solutionner la crise induite par la guerre entre Israël et Hezbollah et d'une manière plus générale, le dossier proche-oriental. Mardi, juste après l'attentat qui a causé la mort de quatre assaillants - trois tués immédiatement après l'intervention des servi-ces de sécurité syriens, le quatrième ayant décédé hier des suites de ses blessures - et d'un agent des services de sécurité, la Syrie a offert ses ser-vices en promettant une «coopération totale» avec les Etats-Unis. Saisissant la balle au bond, l'ambassade de Syrie aux Etats-Unis, tout en regrettant la politique américaine au Moyen-Orient a néanmoins indiqué que l'échec de l'attaque contre l'ambassade américaine pouvait ouvrir des perspectives entre Damas et Washington, selon une déclaration publiée hier. Le texte indique, en effet, qu'il est «regrettable que les politiques américaines au Moyen-Orient encouragent l'extrémisme, le terrorisme et le sentiment anti-américain». Dans ce communiqué, l'ambassade syrienne condamne l'attaque comme un «attentat odieux perpétré par un groupe extrémiste» et souligne que la Syrie «a respecté ses obligations internationales sur la protection» des représentations diplomatiques. «Les Etats-Unis, indique encore le texte, devraient saisir cette occasion pour revoir leurs politiques au Moyen-Orient, commencer à examiner les racines du terrorisme et négocier une paix globale au Moyen-Orient». De son côté, dans une déclaration au quotidien damascène As Saoura, Imad Moustapha, ambassadeur de Syrie aux Etats-Unis a estimé que «la politique suivie par les Etats-Unis ne contribue pas au développement positif des relations. Il existe une opportunité pour les développer car la Syrie a toujours estimé que le dialogue pouvait régler les problèmes. La balle est dans le camp américain». Les Américains, en s'empressant de féliciter les Syriens pour la promptitude de leur action qui a sauvegardé des vies (américaines), donnent l'impression de vouloir lancer une perche à la Syrie que, de son côté, Damas ne semble pas dédaigner. Mais est-ce pour autant suffisant pour dire qu'il y a une amorce de dégel entre les deux pays? Or, l'un est l'autre y trouveront sans doute profit, la Syrie en sortant de l'isolement où elle est maintenue - depuis notamment l'assassinat de Rafic Hariri - les Etats-Unis en reprenant langue avec un pays clé du Moyen-Orient, sans lequel il est peu probable que la paix puisse se faire dans la région.