La flambée des prix du pétrole a «pris de court» les autorités centrales. L'Etat algérien a décidé de faire un virage de 90° dans sa stratégie énergétique. En effet, après avoir mis en avant le principe d'augmenter coûte que coûte la production d'hydrocarbures, il est clair que depuis quelques mois le «mot d'ordre» est de freiner la dynamique engagée en 1999, avec l'arrivée de Chakib Khelil à la tête du ministère de l'Energie et des Mines. Le ministre a construit l'essentiel de sa démarche sur la nécessité de booster les capacités de production de Sonatrach qui étaient à quelque 750.000 barils par jour. En quelques années, l'Algérie est parvenue à extraire près de 1,5 million barils par jour et formuler une demande officielle auprès de l'Opep pour l'augmentation de son quota au sein de ce cartel. Cette dynamique devait connaître son point optimal avec l'adoption de la loi sur les hydrocarbures. L'objectif du ministre de l'Energie est de porter la production à 2 millions de barils par jour à moyen terme. Seulement, entre-temps, les prix du brut ont atteint des records historiques et le Trésor public a connu une embellie sans précédent. Cette conjoncture favorable a permis le lancement d'un très vaste programme d'investissement public, de l'ordre de 100 milliards de dollars et le remboursement de la quasi-totalité de la dette extérieure. La flambée des prix du pétrole a «pris de court» les autorités centrales, de sorte que des objectifs très lointains ont été atteints à très court terme. De fait, l'Etat se détourne de la stratégie qui consiste à «pomper un maximum d'hydrocarbures pour financer le développement» et opte pour une autre démarche qui consiste à «penser aux générations futures et n'extraire que le strict nécessaire pour faire tourner l'économie et poursuivre la politique de relance économique». La nouvelle démarche a pris forme avec l'amendement de la loi sur les hydrocarbures. Interrogé par L'Expression sur la question du ralentissement de la production, le ministre de l'Energie n'a pas hésité à confirmer cette hypothèse. «Il est évident que si on veut favoriser les générations futures on ne peut pas produire ce que nous avons envisagé de produire», a-t-il clairement répondu. Vu les modifications de la loi qui portent, entre autres, sur la préservation des richesses pour les générations futures, cela traduit, explique le ministre, que le rythme de l'activité d'exploration sera ralenti. Le ministre ne s'est pas arrêté là pour dire qu'avec le nouveau cadre réglementaire, les permis d'exploration seront réduits à un nombre restreint. De plus, avec la réduction de l'implication des entreprises étrangères dans les travaux d'exploration au profit de la compagnie Sonatrach, le ministre ne croit plus aux défis. Même si Khelil n'a pas «craché» le morceau, il n'en demeure pas moins qu'il a exprimé indirectement les intentions de l'Etat. La réalisation des objectifs de production parait d'ores et déjà plus qu'improbable. Pour le ministre, il n'est pas possible de courir deux lièvres à la fois. Ceci dit, le secteur pétrolier qui a enregistré une activité intense durant ces dernières années va connaître une vraie apathie à l'avenir. Sachant que le choix a été fait par les hauts responsables, le ministre qui a tant insisté sur le développement des capacités de production ne s'est pas montré gêné sur ce point. Réaliser l'objectif fixé pour 2009 ne dépend guère de sa responsabilité. A la question de savoir si le 7e avis d'appel sera lancé avant la fin de l'année en cours, le ministre n'a ni confirmé ni infirmé. Cependant, il s'est contenté d'avancer que le nombre des titres qui seront soumis à l'exploration sera moins important que celui des anciens appels d'offres. Attendue avec impatience par les opérateurs étrangers, cette offre risque de ne pas être à la hauteur de leurs aspirations. «Même si nous continuons à lancer des appels d'offres, nous n'allons pas vers des grand lots», a affirmé le ministre. Désormais, les appels d'offres seront lancés en fonction des besoins économiques. Cependant, le ministre a du mal à oublier son fameux projet qui incitait à l'exploitation maximale des richesses pétrolières. «Les réserves pétrolières sont au même niveau que celui de 1971», a-t-il réitéré avec persistance. Ce dernier voulait rassurer qu'il y a encore de grosses quantités qui restent à exploiter. Il y a lieu de rappeler que la moyenne mondiale est de l'ordre de 100 puits par 10.000 km². Cependant, l'Algérie est loin d'atteindre le dixième. Elle est actuellement à neuf puits d'exploration pour 10.000km2. Mais cette nouvelle stratégie, adoptée par les plus hautes autorités du pays, résistera-t-elle à une chute brutale des prix des hydrocarbures? Les observateurs sont en effet sceptiques et conditionnent le succès de la nouvelle démarche par une croissance exponentielle de l'industrie nationale. Or, rien n'indique qu'un tel saut va se produire à court ou moyen terme...