Les tensions entre le Bénin et son voisin nigérien viennent de monter d'un cran avec le blocage du fleuve frontalier Niger côté béninois, signant une nouvelle crispation entre les deux pays depuis l'arrivée au pouvoir des militaires à Niamey en juillet dernier. Les autorités béninoises et nigériennes multiplient ces dernières semaines les accusations mutuelles, avec comme point d'achoppement la circulation des biens de part et d'autre de la frontière, et ce malgré la levée des sanctions de la Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest (Cedeao) en février à l'encontre des autorités militaires de Niamey en place depuis le renversement du président nigérien élu Mohamed Bazoum. Selon des informations, le passage du fleuve Niger est désormais verrouillé côté béninois. Le seul point de passage autorisé est le passage terrestre du pont de Malanville, ouvert côté béninois mais fermé côté nigérien. «Le fleuve fait partie des frontières. Le Niger dit que ses frontières avec le Bénin sont fermées. C'est une conséquence», a déclaré une source proche du gouvernement. Après la levée des sanctions de la Cedeao à l'encontre des autorités de Niamey, Porto-Novo avait rouvert ses frontières avec Niamey. Mais les autorités militaires au pouvoir au Niger n'ont jamais rouvert les leurs. Des marchandises, notamment des céréales, continuaient jusqu'à présent de transiter du Bénin vers le Niger via le fleuve, les autorités béninoises fermant les yeux sur ce trafic informel échappant aux droits de douanes. Le président béninois Patrice Talon avait souligné «le prix économique, social et politique» de ce «trafic», le qualifiant «d'unique cause» de l'augmentation du coût de la vie au Bénin, dans une vidéo diffusée par la présidence datée du 8 mai. Le 11 mai, plusieurs milliers de Béninois avaient défilé dans les rues de Cotonou pour protester contre la chèreté de la vie. «La suspension a été progressive. On a d'abord interdit le passage des marchandises et maintenant on n'autorise plus de circulation sur l'eau. Nous avons été déployés par notre hiérarchie pour empêcher tout embarquement ici», a déclaré un militaire en faction sur la rive du fleuve à Malanville, sous couvert d'anonymat. «Selon mes informations, le commissaire a reçu l'ordre de la hiérarchie pour empêcher tout mouvement sur le fleuve», a confirmé aussi anonymement un agent de police sur place. Des habitants ont fait état d'un «important déploiement de policiers et de militaires» et attesté que de nombreux nigériens étaient bloqués à Malanville faute de pouvoir traverser le fleuve. Lundi, le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine a réaffirmé lors d'une réunion avec des acteurs économiques de son pays que des bases militaires étrangères «entraînant des terroristes» afin de déstabiliser son pays étaient situées au nord du Bénin, ce qu'il avait déjà déclaré le 11 mai et que Patrice Talon avait fermement réfuté. Les régions septentrionales du Bénin, comme celles du Togo et du Ghana voisins, subissent depuis quelques années des attaques et des incursions de combattants terroristes qui prospèrent au Sahel et cherchent à descendre vers le sud. Lors de cette même réunion, M. Zeine a appelé les hommes d'affaires à privilégier les échanges avec Lomé. Lorsque le Bénin avait finalement autorisé l'exportation de pétrole nigérien via le port béninois de Sèmè Kpodji, après l'avoir suspendue du fait du maintien de la fermeture de la frontière côté nigérien.