L'application du décret sur les fédérations sportives est loin d'être acquise pour cette instance. «Quand on ratifie un traité international, on doit se conformer à la réglementation internationale». Ces propos sont de M.Hamid Berchiche, ex-ministre de la Jeunesse et des Sports et actuel sénateur et il les a prononcés lors de l'assemblée générale extraordinaire du Comité olympique algérien, qui a eu lieu, il y a près de 15 jours. M.Berchiche est, également, connu pour être un éminent juriste qui a formé de nombreux cadres pour le pays (beaucoup de ministres et cadres supérieurs de l'Etat l'ont eu pour professeur). Il continue à ce jour à enseigner à la Faculté de droit d'Alger. Ce ne sont, donc, pas des paroles en l'air émises par on ne sait quel quidam. On a à faire là à un spécialiste du droit et qui sait ce que ce terme veut dire. M.Berchiche intervenait dans le cadre du débat sur les relations entre nos fédérations sportives et les fédérations internationales auxquelles elles sont affiliées. Certaines de ces dernières plaident pour l'autonomie des fédérations en question, ce qui est en contradiction avec certaines dispositions du décret exécutif relatif aux fédérations sportives, que le ministre de la Jeunesse et des Sports entendait faire appliquer, vaille que vaille. Ce dernier estime, en outre, qu'à partir du moment où l'Etat qu'il représente verse de l'argent aux fédérations, il a sur elles un droit de tutelle. Il dispose pour cela du décret en question par lequel il est habilité, lui le ministre, à convoquer l'assemblée générale d'une fédération et à y injecter 30% de membres désignés par lui-même. On ajoutera que le décret en question fait obligation à ceux qui viennent d'être élus à la tête d'une fédération de ne pas dépasser un mandat. Ce sont là trois dispositions qui sont complètement rejetées par la Fédération internationale de football qui menace de suspendre notre football à l'échelle internationale, si jamais la FAF venait à se conformer à ce décret. De son côté, le ministre de la Jeunesse et des Sports n'en démordait pas et clamait tout haut que cette FAF avait jusqu'au 17 octobre pour se plier à la réglementation algérienne, faute de quoi ses dirigeants allaient être suspendus. Depuis, on le sait, de nouvelles données sont intervenues avec la réunion qui a regroupé MM.Guidoum et Haddadj et leurs proches collaborateurs, réunion qui a automatiquement levé la menace de suspension qui pesait sur les dirigeants de la FAF. Ce scénario de suspension aurait été d'autant plus regrettable que nous avons cru que l'une des missions dévolues au ministre de la Jeunesse et des Sports est de promouvoir les relations à l'échelle internationale. A ce titre, dans le décret exécutif n°05-410 du 19 octobre 2005 fixant les attributions du ministre de la Jeunesse et des Sports, il est stipulé en son article 5 que le ministre «veille à l'application des conventions et accords internationaux». Il y est, également, écrit que le ministre «soutient les instances sportives et de jeunesse, régionales, continentales et internationales». Apparemment, il est loin de soutenir la Fifa. Lors de son intervention à l'AG du COA, M.Berchiche a insisté sur la limitation des mandats préconisée par le décret exécutif 05-405. «C'est une mesure antidémocratique, car dans n'importe quel autre secteur, il n'est jamais question de limitation de mandats, a-t-il dit. C'est aussi une mesure qui va à l'encontre du développement du sport et de sa réussite. Elle est plutôt faite pour le briser. Imaginons, un seul instant, que des élus réussissent dans leur entreprise de redressement d'une discipline. Au moment où ils seront en train de consolider le système et de lui donner une stature à l'échelle planétaire en tentant d'intégrer des structures internationales, on leur demande de quitter la scène et de laisser leur place à d'autres. En somme, on fait retomber la discipline à zéro. Ce n'est pas aider le sport que d'agir ainsi». Partant de là, ne peut-on pas se demander si le décret en question est vraiment celui qu'il fallait pour le sport algérien? Ce dernier, comme l'a dit le président de la FAF à un de nos confrères, «n'est pas le Coran». C'est dire qu'il n'est qu'un texte susceptible d'être amendé, si on estime qu'il contient des dispositions qui posent problème. Il y a bien eu des lois qui ont été amendées pour se mettre en conformité avec la réglementation internationale sans que cela n'offusque. La question de souveraineté est constamment mise en avant dans cette histoire. On aurait dû, dans ce cas, commencer par respecter la souveraineté des assemblées générales des fédérations sportives, consacrée par la loi 90-31 sur les associations. Quant à la souveraineté nationale, elle n'est pas mise à mal parce qu'une fédération refuse de mettre en application un texte qui risque de mettre hors du circuit international la discipline qu'elle gère. Quand des sportifs sont interdits de se mesurer aux athlètes des autres nations, c'est le pays et son image de marque qui en prennent un coup. L'histoire retiendra que, jusqu'à aujourd'hui, le peuple algérien est descendu, par trois fois, en masse, par millions de personnes, clamer sa joie dans les rues de toutes les agglomérations du pays. La première fois c'était le 5 juillet 1962 à l'occasion de l'accession de l'Algérie à son indépendance. Les deux autres fois ce fut pour fêter deux succès de l'équipe nationale de football (en 1982 avec la victoire sur la RFA en coupe du monde et en 2004 avec le succès face à l'Egypte, lors de la CAN qui avait eu lieu en Tunisie). C'est dire que rien plus que le sport ne peut unir les gens autour d'une même équipe et d'un même idéal. Les Grecs, champions d'Europe en titre, l'ont bien compris eux dont le football a été suspendu par la Fifa pour une affaire de loi sur le sport non conforme à ses propres textes. Les Hellènes auraient pu, alors, faire valoir une question de souveraineté nationale et demeurer intransigeants sur le principe. Ils ont préféré sauver leur football et pour cela ils ont réuni hors session leurs parlementaires qui ont «bossé» jusqu'à une heure tardive de la nuit, pour amender ladite loi. Les Polonais sont allés, eux, plus loin. En ce moment une nouvelle loi sur le sport est en train d'être élaborée. Pour éviter de tomber dans des histoires de refus de la Fifa, ils ont tout simplement demandé à cette dernière de déléguer des experts pour qu'ils viennent se réunir avec leurs propres législateurs en vue d'élaborer le texte le plus adéquat. Quant aux Tunisiens, ils ont élu un président de fédération qui n'a pas été accepté par la Fifa, sous prétexte qu'il s'agit d'un «désigné» de leur ministère des Sports, injecté dans le bureau fédéral. Il s'agit, donc, de plaider pour la meilleure issue possible pour notre football. Si l'on juge que celui-ci n'est pas performant et qu'une exclusion de la scène internationale ne lui ferait pas de mal, il vaut mieux prendre cette décision soi-même et ne pas amener la Fifa à le faire. Et ce n'est pas en marginalisant la FAF que l'on parviendra à une solution de redressement de la discipline.