Il y a des mariages à l'italienne, dont un réalisateur a tiré un film succulent et drôle, et puis il y a un dirigisme à l'algérienne, ne ressemblant pas du tout aux autres dirigismes qu'on peut voir dans le monde. C'est un dirigisme qui ne dirige pas. D'où sa spécificité. Par exemple, s'il y a une pénurie de pomme de terre en plein mois de Ramadhan, le dirigisme algérien ne sera pas en mesure de faire face à cette situation. Et pourtant, dans tout pays qui se respecte, qui a 70 milliards de dollars dans les caisses et des terrains agricoles appréciables, une pénurie de pomme de terre est inconcevable. Mais chez nous, des spéculateurs et des dirigeants qui ne dirigent rien arrivent à concevoir l'inconcevable. D'où le miracle à l'algérienne. Des fuites d'eau dans le réseau de la Seeal, en plein centre d'Alger ou à sa périphérie, qui durent depuis des mois, malgré des appels téléphoniques répétés, cela ne gêne personne dans un pays où l'eau est un liquide rare et précieux. Une opération de privatisation des entreprises publiques qui piétine depuis le beau milieu des années 90, on peut trouver cela normal, puisque ça se passe en Algérie, d'autant plus que la réforme bancaire est en panne. Au fil des années, l'Algérien a appris à ne s'étonner de rien et à trouver que tout est normal. L'expression favorite des jeunes est celle de «Normal». Des jeunes qui ont peur de devenir adultes, parce qu'ils auront à affronter les absurdités et les aberrations d'un système dont le général Touati avait affirmé qu'il était un non-système. Si notre dirigisme est un non-dirigisme et si notre système est un non-système, comment voulez-vous que le métro d'Alger arrive à voir le bout du tunnel, après plus de vingt ans de creusement à la recherche de l'absolu. Comment oser encore parler de dirigisme dans un pays où règne la dictature de l'informel, où la fraude fiscale bat tous les records du monde, où la fuite des cerveaux est un sport national, où la queue devant les consulats étrangers pour l'obtention du visa, est aussi honteuse que la verrue au milieu du visage, où les statistiques officielles sont fausses, où l'on refait les trottoirs tous les six mois pour consommer des enveloppes et des rallonges d'enveloppes budgétaires. Ainsi donc, il y a des idées reçues qui ont la peau dure, comme celle du dirigisme à l'algérienne. En réalité, il est préférable de parler de laxisme à l'algérienne. Quelque chose de vraiment spécifique. Et de typiquement algérien. Pur jus. D'où une question à Karine Loehman, directrice régionale Maghreb de Oxford business Group, qui a déclaré dans un entretien à El Watan: «La structuration de l'économie algérienne est encore trop dirigée» pour l'inviter à nous expliquer où elle a vu un excès de dirigisme, à moins de considérer que trop de dirigisme tue le dirigisme. La réalité, c'est que comme le Titanic, l'orchestre continue de jouer de la musique pendant que le navire coule. Espérons qu'en cette veille de l'Aid El Fitr, l'économie algérienne parviendra à naviguer entre les récifs et à éviter un naufrage collectif. Saha Aïd Koum.