«Nous n'héritions pas de la terre, nous l'empruntons simplement à nos petits-enfants». Antoine de Saint-Exupéry Depuis plus d'un mois, l'Algérie connaît la canicule d'une façon inhabituelle. D'autres pays ne sont pas en reste au point même que les cycles biologiques et écologiques des écosystèmes sont totalement perturbés. La situation de l'Algérie n'est pas une singularité. D'autres régions connaissent une canicule pendant que d'autres font face à des inondations catastrophiques. Depuis le bois de feu, la traction animale, les moulins crétois et la marine à voile, toutes les sources énergétiques disponibles pour assurer le développement humain ont été renouvelables jusqu'à la révolution industrielle du XIXe siècle. Celle-ci a précisément été marquée par l'accès massif aux ressources fossiles et non renouvelables (charbon, pétrole, gaz, nucléaire) pendant plus d'un siècle. Chacun sait que cette révolution a profondément bouleversé l'ensemble des activités humaines et a largement contribué à structurer les rapports sociaux, politiques et stratégiques sur l'ensemble de la planète. Un autre phénomène des plus inquiétants est la fonte de la calotte glaciaire. Grâce à des mesures effectuées par satellite, on connaît maintenant précisément l'amplitude de la régression de la calotte glaciaire groenlandaise. Depuis des années, la couverture glaciaire du Groenland se réduit lentement mais sûrement. Le bilan est tombé: dans un article paru le 20 octobre dans la revue Science, Scott Luthcke (du Goddard Space Flight Center de la Nasa) annonce cent milliards de tonnes de glace perdues par an. Comment l'équipe américaine a-t-elle pu mesurer le poids de la glace sur le Groenland? Grâce à Tom et Jerry...C'est ainsi qu'ont été familièrement nommés les deux satellites de 475kg chacun du programme américano-allemand Grace, Gravity Recovery and Climate Experiment. Les deux satellites tournent autour de la Terre depuis mars 2002 en se suivant sur la même orbite polaire avec une précision extrême, la distance (de 150 à 300 km selon les cas) étant contrôlée à l'aide d'un faisceau de micro-ondes. Ce tandem mesure en permanence le champ de gravité terrestre de la région survolée, qui fait légèrement varier la distance entre Tom et Jerry. Les chercheurs américains ont épluché deux années de mesures pour se focaliser sur le Groenland.(1) Qui est responsable? D'après le rapport Living Planet 2006, publié le 24 octobre par le WWF (Fonds mondial pour la nature), l'humanité consomme plus de ressources biologiques, de l'ordre de 25%, que la planète n'en produit chaque année. Elle pompe donc maintenant dans ses réserves, une situation qui ne pourra pas durer longtemps. Le constat découle de l'application d'une méthode de mesure de l'impact des activités humaines, appelée «Ecological Footprint» «empreinte écologique». Cette méthode mesure la pression de l'humanité sur la biosphère en évaluant combien d'hectares sont en moyenne nécessaires pour fournir les ressources biologiques (bois, nourriture, viande, etc.) dont chaque humain a besoin, ainsi que pour assurer l'absorption des rejets de son activité, essentiellement le CO2. Selon ces calculs, tout habitant de la planète exige aujourd'hui 1,8 hectare «global». Mais quand un Nigérien ou un Indien requiert 0,8 ha, un citoyen des Etats-Unis demande 9,6 ha, un Français 5,6, un Japonais 4,4. Ces pays sont donc débiteurs à l'égard des pays dont les habitants utilisent moins de 1,8 ha. Mais c'est l'humanité dans son ensemble qui consomme trop. Si la tendance actuelle se poursuivait, elle consommerait la capacité biologique de deux «Terres» en 2050. De plus, l'augmentation de la teneur en gaz carbonique dans l'atmosphère conduit à un réchauffement généralisé du climat de la Terre, à partir d'un mécanisme physique bien connu, l'effet de serre. C'est-à-dire l'absorption par certaines molécules, dont le CO2, mais aussi l'eau et le méthane, des rayons infrarouges émis par la Terre chauffée par le Soleil. Quand l'Américain consomme 8 tonnes équivalent pétrole/an, contre O,3 tonne pour l'Africain - moins que l'homme préhistorique qui avait à sa disposition les forêts - il envoie dans l'atmosphère 20 tonnes de gaz carbonique et de l'eau qui, d'après Claude Allègre, serait, elle aussi, aussi «coupable que le gaz carbonique». C'est six fois plus que la planète ne peut supporter. Les Etats-Unis. qui sont, aux yeux d'une multitude bien pensante, un parangon de démocratie généreuse et de liberté désintéressée, refusent toujours de ratifier Kyoto, avec une population représentant à peine 5% de l'humanité, consomment 25% des ressources naturelles mondiales et sont responsables d'un taux de rejet de CO2 du même ordre!...On estime que mettre la population mondiale au niveau de consommation de ce pays si «glouton» exigerait les ressources de cinq planètes Terre!...L'Appel de l'ancien vice-président Al Gore, sous forme d'un documentaire pour un monde plus économe en début octobre, n'a pas eu beaucoup d'écho. De par le monde et comme je l'ai signalé dans un précédent article, les pays développent des stratégies visant à amortir le choc des conséquences dramatiques qui vont concerner outre les canicules, nous allons avoir en moyenne deux degrés de plus, cela ne paraît rien mais le climat va changer, les cultures vont changer, l'eau se fera rare.(2). Toute l'intelligence du pays serait de prévoir à l'avance les perturbations pour le pays concernant l'agriculture, la disponibilité de l'eau, la nécessité de préserver les énergies fossiles en développant les énergies renouvelables. Nous irons alors vers ce développement durable dont on parle tant. Nous laissons à Yves Cochet, ancien ministre de l'Environnement en France, le soin de conclure: Nous atteignons aujourd'hui les limites du modèle de développement productiviste fondé sur deux postulats, dont nous savons aujourd'hui avec certitude qu'ils sont faux: celui du caractère inépuisable des ressources énergétiques classiques, et celui de la neutralité environnementale de leur utilisation. En effet, depuis l'explosion de la bombe atomique (1945), la révolution de l'astronautique (années 60), puis les conférences internationales comme celle de Rio en 1992, nous avons pris conscience que nous vivons sur une planète finie. L'être humain peut la détruire ou la sauvegarder. Il peut garder au nord le gaspillage et laisser au sud misère et pillage des ressources. Si nous choisissons le développement durable, c'est-à-dire l'accès équitable aux ressources sans épuisement de la planète, alors une stratégie économe en énergie et basée largement sur les énergies renouvelables est indispensable et inéluctable. Ce choix n'est pas seulement une vue de l'esprit pour le long terme, il détermine les conditions de la paix ou de la guerre dans moins d'une génération. L'épuisement à terme des ressources fossiles et fissiles, leur impact négatif sur l'environnement ainsi que notre volonté de paix et de justice imposent donc une deuxième révolution énergétique. Celle-ci se traduit nécessairement par une application généralisée de l'efficacité énergétique et par un recours massif aux énergies renouvelables: seule la combinaison de ces deux composantes est en mesure de relever ce triple défi.(3) 1.Jean-Luc Goudet-Le Groenland perd cent milliards de tonnes de glace par an, Futura-Sciences, le 25/10/2006 2.Chems Eddine Chitour: Le monde en 2025, l'Algérie comptera-t-elle? L'Expression du 26 octobre 2006 3.Yves Cochet: Les Stratégie et moyens de développer l'efficacité énergétique. Rapport au Premier ministre. Paris Juin 2000