Son auteur évoque le drame de l'Inquisition, la déportation de près d'un million de musulmans d'Espagne. «J'ai rencontré Anouar Benmalek récemment à Saint-Etienne; je l'ai trouvé dans un état lamentable, il se cache parce qu'un journaliste criminel, qui n'a pas lu son dernier livre, l'accuse de s'attaquer à l'Islam», lance tout haut un Yasmina Khadra devant un nombreux public acquis et qui l'a longuement ovationné. L'auteur de L'attentat n'a pas pris de gants pour traiter le journaliste d'un quotidien national de tous les noms d'oiseaux. Il dit qu'à cause de la «bêtise», Benmalek a peur de revenir dans son pays parce qu'on a proféré des menaces contre sa personne, parce qu'il est à la merci de n'importe quel fanatique. Lorsqu'on établit un lien entre les caricatures danoises, les propos du pape et Ô Maria d'Anouar Benmalek on est en droit de s'inquiéter, dit-il en substance. Ô Maria est un roman édité chez Fayard en 2006. Son auteur évoque le drame de l'Inquisition, la déportation de près d'un million de musulmans d'Espagne vers d'autres pays voisins, principalement vers le Maghreb. «Cette tragédie atteindra son apogée vers 1609, quand la Couronne espagnole décidera de déporter, essentiellement par voie de mer, l'ensemble des descendants des musulmans dans des conditions épouvantables. Un nombre non négligeable sera purement et simplement jeté à la mer par-dessus bord, à tel point que les pêcheurs marseillais refuseront pendant longtemps de consommer les sardines trop grasses, qu'ils surnommèrent des grenadines, les soupçonnant d'avoir consommé trop de chair de Morisques de Grenade», indiquera Benmalek après la sortie de son livre. Mais il se trouve que le personnage principal du roman porte le nom de Aïcha. «Maria est l'image de folie désespérée, elle dont le vrai nom -dissimulé celui-ci - est Aïcha car, comme le lui explique sa tante: De toutes ses forces, ta mère désirait ton bien sans se résoudre pour autant à trahir sa foi. Quel nom secret pouvait-elle opposer dans son coeur à celui de la femme préférée des Nazaréens, sinon celui de la femme préférée de notre bienaimé Prophète! Maria, c'est ton bouclier public; mais Aïcha, c'est ton âme pour l'éternité!», précise-t-il. «En fin de compte, elle sera arrêtée par l'Inquisition et finira sur le bûcher». Anouar Benmalek sera, à son tour, poursuivi par l'Inquisition d'un genre nouveau. Il est descendu en flammes pour avoir osé toucher aux thèmes «sacrés». Il est accusé d'hérésie parce qu'on a interprété son livre sans l'avoir lu ou par ouï-dire. Khadra plaide la présomption d'innocence car il a subi les foudres des critiques après la parution de L'attentat. «Les sionistes m'ont critiqué parce qu'ils l'ont lu et ne l'ont pas apprécié et les Arabes m'ont critiqué parce qu'ils ne l'ont pas lu. Moi, j'ai écrit un livre intelligent». Son livre a eu un succès retentissant. Au Salon du livre, on a découvert un Yasmina Khadra confiant. On se bouscule, on s'assied à même le sol pour le voir de plus près. Il entre avec un large sourire, lance des saluts à droite et à gauche puis se met à parler. Il hausse le ton. «Je suis un mégalomane, donc je n'ai pas froid aux yeux», lance-t-il étourdi par son succès. Le public est comblé. Voilà enfin un mec qui écrit bien et qui ne craint personne. Personne ne peut arrêter, «l'étoile filante» la parabole concerne Nedjma de Kateb Yacine, selon ses propres termes- car tous ses livres sont traduits en plusieurs langues même dans une petite île dont il n'arrive pas à prononcer le nom, sauf dans le monde arabe, bien évidemment. Khadra s'en balance. Quand une oeuvre est consacrée, on n'a plus le temps de s'attarder sur les détails.