L'armée ukrainienne a annoncé, hier, se retirer de Vougledar, cédant aux Russes, après deux ans et demi de combats meurtriers, cette ville d'importance militaire et symbolique, une illustration des difficultés croissantes qu'elle rencontre dans l'est de l'Ukraine. La conquête de cette cité met fin à la stabilité de ce secteur de la ligne de front depuis deux ans. Elle soulève aussi la question de la solidité des défenses ukrainiennes dans cette zone située à la jonction des fronts est (régions de Lougansk et de Donetsk) et sud (régions de Zaporijjia et de Kherson). Vougledar a aussi une valeur symbolique du fait de la durée de la bataille pour son contrôle et des pertes qui y ont été enregistrées. Sa chute s'ajoute aux difficultés des Ukrainiens dans la partie orientale de leur pays, les troupes russes se rapprochant notamment de Pokrovsk, une ville-clé pour la logistique ukrainienne. «Le haut commandement a donné son autorisation à la manœuvre de retrait de Vougledar pour permettre de sauver les hommes et les équipements militaires et de prendre de nouvelles positions pour la suite des opérations», a expliqué sur Telegram le groupement de forces Khortytsia, chargé des opérations dans cette zone. Cette annonce vient confirmer celles de divers sites internet spécialisés qui analysent les sources ouvertes concernant le conflit ukrainien. Et plusieurs responsables ukrainiens avaient laissé entendre ces dernières semaines que la prise de cette cité était imminente. Mardi passé, des images de soldats brandissant le drapeau russe sur le toit de l'administration municipale avaient commencé à circuler en ligne. Côté russe, un conseiller du dirigeant des forces d'occupation de la région de Donetsk, Ian Gaguine, a confirmé, hier, que les troupes russes étaient à Vougledar, tout en faisant preuve de prudence. «Nos soldats sont dans Vougledar, un drapeau russe a été planté sur le bâtiment de l'administration locale. Cependant, il est prématuré de parler de prise de la ville», a-t-il dit à l'agence de presse d'Etat russe RIA Novosti. «Il y a encore des unités éparses de l'armée ukrainienne. Une opération de nettoyage est en cours et prendra un certain temps», a-t-il ajouté. La Russie tente de prendre Vougledar depuis les premières semaines de son invasion déclenchée le 24 février 2022. Des combats particulièrement sanglants pour les forces russes y ont eu lieu début 2023, nombre d'hommes s'étant lancés dans des assauts d'infanterie et de chars ayant été décimés par les Ukrainiens. La ville, largement détruite, a été bombardée sans relâche par l'armée russe. Un petit nombre de civils a refusé de partir mais ni Kiev ni Moscou ne sont en mesure de dire combien. En septembre, plusieurs responsables ukrainiens avaient estimé que tenir Vougledar devenait toujours plus difficile, les Russes pilonnant constamment cette zone avec des bombes aériennes guidées très puissantes. Les Ukrainiens sont sur la défensive depuis plus d'un an face à des troupes russes mieux équipées et plus nombreuses qui grignotent du terrain dans l'est, malgré de lourdes pertes. Elles sont notamment à une dizaine de kilomètres à peine de Pokrovsk. L'armée russe n'a pas fait de commentaires pour l'instant au sujet de la prise de Vougledar mais a assuré, dans son communiqué, quotidien améliorer ses positions dans le Donbass et s'être emparée d'une localité appelée Verkhnokamianské. Le président russe, Vladimir Poutine, a fait de la conquête du Donbass sa «priorité numéro un». L'Ukraine a, pour sa part, déclenché en août une attaque surprise sur la région russe de Koursk, y avançant sur quelque 1 000 km2, une humiliation pour le Kremlin qui voit une partie du territoire russe occupé par une armée ennemie pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais cette offensive ne semble pas avoir soulagé les forces ukrainiennes dans l'est, Kiev espérant que l'armée russe réoriente ses efforts vers Koursk. Par ailleurs, Kiev n'a toujours pas l'autorisation des Américains et des Européens de frapper en profondeur les cibles militaires situées sur le sol russe avec des armes occidentales de longue portée, un désavantage tactique et stratégique. Les Occidentaux craignent d'entraîner la Russie dans une escalade, tandis que Vladimir Poutine vient de décider de modifier la politique de recours à l'arme nucléaire, pour y inclure des attaques conventionnelles massives menées sur le territoire russe par un pays non-nucléaire soutenu par des puissances nucléaires.