C'est sous un soleil radieux que c'est déroulé, hier, à Villers-Cotterêts, lieu de naissance d'Alexandre Dumas, au sein de la Cité internationale de la langue française l'inauguration du XIXe Sommet de la francophonie, par le président de la République française Emmanuel Macron en présence de Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la francophonie mais aussi de Kamel Kadouri, chef du gouvernement tunisien qui fera ainsi la passation «des pouvoirs» à la France pour présider, durant deux ans, l'Organisation internationale de la francophonie. Une première depuis 33 ans. Dans une ambiance des grands jours, cette cérémonie a permis également de rendre hommage aux belles lettres, notamment algériennes, en la personne d'Assia Djebar mais aussi au Liban, via la chanteuse Hiba Tawaji, tout en appelant à la paix à travers le monde. Construit au XVIe siècle par François Ier, le château de Villers-Cotterêts est classé comme monument historique en 1997 et est propriété de l'Etat. Au 16ème siècle le roi François Ier signe une loi ou une ordonnance qui instaure la langue française, comme unité nationale dans le royaume à la place du latin. Ce n'est donc que justice si le Sommet de la francophonie revient à ce lieu hautement historique qui, souligne t-on, n'est pas qu'un musée mais un lieu de recherche qui accueillera dorénavant des résidences d'artistes, et des formations pour l'enseignement du français et des traducteurs, comme l'a fait remarquer Emmanuel Macron. Restauré et accueillant 60 dispositifs numériques et d'applications innovantes, à la fois ludiques et pédagogiques sur la langue français, l'ancien château accueille ainsi depuis le 1er novembre 2023, la très belle Cité internationale de la langue française que nous avons visité lors de notre séjour et où Emmanuel Macron a pu prononcer son allocution d'ouverture, en amorce du 19éme Sommet de la francophonie, hier, devant une cinquantaine de chefs d'Etat et une centaine de chefs de gouvernement de pays francophones. Un événement majeur, compte tenu de ses enjeux diplomatiques, notamment avec ses valeurs qui «défendent l'intégrité et la souveraineté territoriale et la paix entre les peuples», mais également économiques et culturels et dont l'aspect numérique a été fortement encouragé et salué, nonobstant son versant commercial, arguant que «20% de la francophonie correspond au marché de l'économie mondiale» tel affirmé par Jean-Noel Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. À ce titre, le thème choisi du Sommet de la francophonie 2024 est: «Créer, innover, entreprendre en français». C'est autour de cette problématique que s'est articulé le discours d'Emmanuel Macron, mettant au coeur du débat «cette très vielle dame, ancestrale mais éternellement jeune la langue française que célèbre ce sommet autour de la francophonie qui nous unit a-t-il fait remarquer, annonçant, en outre, la sortie de «Fenêtre», une collection d'oeuvre littéraires francophones qui seront d'abord traduites en langue arabe. Et d'ajouter: «Le français est, par excellence, une langue de passage, un excellent outil de commerce, en termes de puissance économique». Macron rendra de même hommage à tous ceux qui enseignent cette langue et perpétuent son apprentissage à travers le réseau de l'OIF, tout en étant ouverte au partage et à la communication avec l'autre. « Une langue de résistance, de combat, en réinvention, ce pont entre les siècles et les peuples...». Abondant dans le même sens, Louise Mushikiwabo affirmera que la francophonie n'est pas repliée sur elle -même mais oeuvre à travers le monde, à travers des actions concrètes. La France, qui abrite ainsi le Sommet de la francophonie, via l'Organisation internationale de la francophonie, se targue de même de présenter un festival de la francophonie mettant à l'honneur un large programme pluridisciplinaire, mettant ainsi la langue française en exergue, avec ce mot d'ordre qu'est l'appel à la diversité linguistique pour un enrichissement mutuel. Ce festival, qui se tient notamment au village de la francophonie, au Cent-quatre Paris, et à la Gaieté Lyrique, lieu hautement culturel de la ville de Paris, propose un très large éventail de manifestations entre BD, librairie cinéma, rencontres littéraires, performance, table rondes, concerts, etc. Sont visibles au Village de la francophonie, les Pavillons de dizaines de pays francophones issus du monde entier, dont la culture sera déclinée à travers des spectacles et des performances qui mettent à l'honneur la créativité et les arts vivants des cinq continents. Fondé en 1970, l'OIF rassemble 88 Etats et gouvernements membres, associés et observateurs. L'organisation est dédiée à la promotion du français et à la mise en oeuvre d'une coopération politique, éducative, économique et culturelle. Il existe, en effet, 321 millions francophones dans le monde et 150 millions d'apprenants. Le français est la 4e langue sur Internet. L'OIF: de la formation à l'enseignement du français La problématique de l'OIF, nous explique-t-on, est «Que peut-on construire ensemble pour nos populations, y compris des pays qui ne sont pas membre de la francophonie?». La formation se dessine comme un des rôles majeurs de l'OIF, dans le cadre de l'enseignement de la langue française via plusieurs programmes, dont les industries culturelles et créatives, afin de soutenir davantage la création ou encore le canal de diffusion TV 5 Monde. Si le Sommet de la francophonie se tient dans un contexte «fracturé», nous indique-t-on, en raison de la crise au Moyen-Orient, notamment la guerre à Ghaza et au Liban, la France, tend à rassurer: «La francophonie se veut un espace singulier de dialogue, qui sera, à travers cette langue française, qui réunit d'autres sensibilités, assez passionnant, grâce à la relation que chacun entretient avec la négociation. La francophonie, dans ce contexte international, apporte cette singularité. Toutefois, l'OIF, la francophonie institutionnelle ne se substitue pas au Conseil de sécurité, ni à l'Assemblée générale des Nations unies...» Si la France reconnaît aussi le recul de nombre d'interlocuteurs francophones, elle n'aspire pas, pour autant à se battre contre les autres langues, telles que l'anglais mais entend «donner une meilleure visibilité aux créations» qui se font en français, et ce grâce à une collaboration bilatérale avec certains pays, y compris l'Algérie, nous indique-t-on, et ce même si elle ne fait pas partie de l'OIF. Cette idée moderne d'une langue française plus vivace et ouverte sur les autres, que défend la France d'aujourd'hui, est soutenue par Eva Nguyen Binh, présidente du conseil d'administration de l'Institut français et ambassadrice pour l'action culturelle extérieure de la France. Evoquant la langue française qu'ils 'accaparent à leur manière, aujourd'hui, les jeunes et les artistes, elle citera notamment la chanteuse Aya Nakamura qu'elle défend avec force, ainsi que la chanteuse belge Angèle, qui a fourni une très belle prestation lors des JO 2024. «Ce sommet va pouvoir nous montrer que le français est vraiment une langue de communication, d'entrepreneuriat, de création et d'innovation», nous dit-on encore. Le Sommet de la francophonie entend, ainsi, selon tout nos interlocuteurs officiels avec lequel nous avons échangés, cassé, voire dépoussiéré cette image «coloniale» de la langue française pour lui insuffler une vision autrement plus dynamique, tournée vers le futur, entendre: une langue qui réunit, non pas qui divise, mais qui vivifie les relations et permet de jeter des ponts de partage et de partenariat, dans tous les domaines, y compris dans l'investissement économique, scientifique et technologique, d'où l'importance du salon Francotech qui figure également au programme. Outre l'appel à la diversité linguistique donc, il ya lieu de citer «la découverabilité», terme qui vient du Canada et qui aspire à faire découvrir au monde la richesse des pays francophones voisins. Ce qui nous rassemble et nous rapproche L'exposition «Ce qui nous rassemble: langues, langages et imaginaires» rassemble, à titre d'exemple, une trentaine d'artistes internationaux. Qu'ils soient francophones ou non, leurs oeuvres questionnent sur leur rapport à la langue française, aux langues et aux imaginaires des mondes francophones. Aussi, une grande librairie éphémère francophone s'est s'installée dans le forum de la Gaîté Lyrique avec près de 5000 livres, où le public qui ne désemplit pas, peut découvrir la diversité de la création littéraire francophone et rencontrer des auteurs et libraires du monde entier! Tous les jours, éditeurs et libraires viennent présenter leurs choix littéraires au public. Un fonds inédit de 2000 livres d'éditeurs du Québec, d'Asie, du Maghreb, d'Afrique subsaharienne, de Suisse et de Belgique, jamais présentés en France et sélectionné par les libraires membres de l'Association internationale des libraires francophones, avec l'appui de l'Alliance internationale de l'édition indépendante, est présenté. Près d'une centaine d'éditeurs dont les ouvrages sont, pour la plupart, introuvables en France, ont une vitrine au coeur de Paris: entre autres, les éditions Goutte Lettres d'Haïti, les éditions Le Fennec du Maroc, Dodo Vole de La Réunion, Akoma Mba du Cameroun, Eburnie de Côte d'Ivoire, Graine de pensée du Togo, Bénin-Livres du Bénin, Sipar du Cambodge, Les éditions Noroît, Léméac ou Boréal pour le Québec. Une quinzaine de libraires venus du Cambodge, du Chili, de Côte d'Ivoire, du Bénin, du Niger, de Madagascar, du Liban, du Maghreb, d'Haïti, de Belgique et d'Autriche sont présents dans la librairie pour mettre ce fonds en valeur. L'usage de la langue française, maternelle ou non, de transition, de traduction, est débattue dans des rencontres inédites où des auteurs des cinq continents ouvrent leurs textes et leurs idées au grand public. Conversations littéraires, grands entretiens, performances musicales autour de textes, tables rondes, en somme, plus d'une vingtaine d'événements se succèdent pendant toute la semaine, avec de nombreux auteurs, y compris algériens. C'est donc la Fête de la francophonie dans tous ses états! Notons que le Sommet de la francophonie se poursuivra aujourd'hui, au Grand Palais de Paris.