Le président ukrainien a mal jugé le degré de déception du président américain Donald Trump depuis qu'il lui a signifié que «l'Ukraine n'est pas à vendre». C'est ainsi que sa visite à Washington où il a été reçu par un Donald Trump flanqué de son vice-président et d'Elon Musk, entre autres invités à cette rencontre inédite a tourné au pugilat et c'est tout juste si les choses n'ont pas viré à un combat de gladiateurs. D'entrée, le vice-président J.D vance, dont le rôle est constitutionnellement «honorifique», a ouvert les hostilités en reprochant à Zelensky venu quémander le soutien des Etats-Unis dans un conflit armé avec la Russie depuis trois longues années, de «manquer de respect» aux Américains. Lui emboîtant le pas, le président Trump en tançant son hôte ukrainien sur le fait qu'il s'est mis en très mauvaise posture» alors qu'il «n'a pas les cartes en mains». Une manière élégante pour lui asséner le coup fatal avec un conseil qui résonnait comme un ultimatum; «concluez un accord (avec Moscou) ou nous vous laissons tomber»! La messe était dite, surtout que dès son entrée dans le bureau ovale, le persiflage avait commencé sous la forme de boutade, Zelensky ayant débarqué comme à son habitude en battle-dress pseudo militaire et non en costume cravate: «Il s'est fait très élégant aujourd'hui» a ironisé Trump, devant son entourage hilare. Pourtant, le président ukrainien avait pris soin, avant que les choses ne tournent au vinaigre, de rendre hommage au fait que Donald Trump était «du côté» de l'Ukraine tandis que le président américain a exprimé sa satisfaction de conclure l'accord sur les ressources minières de Kiev. Le dérapage a eu lieu lorsque Zelensky a conseillé de ne faire aucun compromis avec le président russe Poutine, qualifié de «tueur», comme l'avait fait, avant lui, Joe Biden. Trump a alors rétorqué qu'il avait eu «de nombreuses conversations» récentes avec son homologue russe. Sans préjuger de la tenue d'une conférence de presse commune, fort improbable eu égard aux évènements précités, il faut savoir que l'accord sur les minerais rares entre Kiev et Washington ne correspond pas aux exigences préalables du président Donald Trump qui insistait sur la mention spécifique d'une «dette» ukrainienne de 500 milliards de dollars envers les Etats-Unis, mention élaguée du document final qui parle d'un fonds d'investissement commun dans les minerais, les hydrocarbures et les infrastructures de l'Ukraine. En outre, il n'y est pas question des «garanties de sécurité» réclamées par Kiev face à l'avancée russe même si Trump a admis du bout des lèvres qu'il consentirait une «sorte de filet de sécurité».» Je ne pense pas que quiconque va chercher des ennuis si nous sommes (en Ukraine) avec beaucoup de travailleurs» pour exploiter des minerais, a estimé le président américain. Cependant, les enjeux de la visite à Washington de Volodymyr Zelensky vont au-delà du manganèse et graphite dont le sol ukrainien regorge. Depuis le 12 février, l'inquiétude est grande tant à Kiev que dans la plupart des autres capitales européennes de voir les Etats-Unis leur tourner le dos depuis que Trump affiche ouvertement sa parfaite entente avec le président russe Vladimir Poutine et assure qu'il va conclure par des négociations la fin d'une guerre qui «n'aurait jamais dû avoir lieu». Ce faisant, il écarte d'un revers de main les «avertissements répétés» de Londres et de Paris sur les dangers d'une trêve démunie d'un puissant dispositif de dissuasion atlantiste sous la houlette des Etats-Unis, dispositif que Trump rejette catégoriquement dès lors qu'il a claqué la porte de l'Otan au nez de l'Ukraine de Zelensky. L'altercation d'hier, retransmise par les télévisions du monde entier, aura ainsi révélé au grand jour l'immense fossé qui existe désormais entre Washington, d'une part, et Kiev et ses alliés européens, d'autre part, sous le regard médusé de Londres et Paris et celui amusé de Moscou.