Celles et ceux qui, comme nous, ce jeudi matin, ont abordé la place Wiam, par l'impasse qui la sépare de la Maison de la culture, ont eu droit à un comité d'accueil qui n'a pas manqué de les surprendre et de les émouvoir en même temps. Emus, d'abord, parce que ce comité était composé de jeunes dont l'âge allait de 7 ans à 14 ans, surpris ensuite, à cause de leur tenue qui était celle des sapeurs-pompiers. Et, tout en étant à la fois en proie à la surprise et à l'émotion, en contemplant ce spectacle de jeunes alignés et au garde-à-vous, comme de petits soldats, on pouvait se demander, certains de n'avoir rien vu de pareil nulle part: «Des enfants pompiers? Comment est-ce possible?» Cette question, n'a cessé de trotter dans notre esprit, tout au long de notre visite à l'exposition organisée par la Protection civile pour célébrer sa journée. La réponse ne nous sera connue qu'à la fin de cette visite. Si nous la laissons à la fin, il n'y a, de notre part, aucune coquetterie de narrateur. Notre souci n'est pas de ménager un quelconque effet qui viendrait pimenter notre récit, mais soucieux de la chronologie des faits que nous rapportons ici, nous nous sommes fait un devoir de nous y conformer strictement et sans arrière- pensée aucune.. Au stand médical Cette question qui titillait agréablement notre curiosité ne pouvait avoir de réponse aux premiers stand réservés aux statistiques relatifs aux interventions de la Protection civile dans le cadre de ses multiples missions. Ni au suivant, où était exposé tout le matériel médical indispensable pour une situation d'urgence, et où parlait doctement le commandant en chef Lakaf de ces interventions rapides qui permettent dans de nombreux cas de sauver des vies. Un mannequin allongé sur une civière et censé présenter de multiples traumatismes, ou simplement un malaise cardiaque se prêtait docilement au jeu. D'un appareil partent plusieurs fils attachés aux poignets, aux pieds de la victime et sur le torse, près du coeur. Cet appareil multiparamétrique permet d'assurer plusieurs fonctions: surveiller l'état du coeur, la tension artérielle, l'oxygène. Si la personne est victime d'un malaise cardiaque et est inconsciente, un défibrillateur est mis en marche pour envoyer des chocs électriques au coeur afin d'en «stimuler le rythme cardiaque» commentait le docteur Lakaf. Les massages cardiaques viendraient ensuite prendre le relais, selon ce médecin de la Protection civile qui estimait leur nombre (elles ne sont que deux dans ce service) et celui, croissant, des accidents, trop insuffisants pour une prise en charge efficiente. Parce que souvent le secours d'urgence est tributaire de deux paramètres essentiels qui allient rapidité et efficacité, les interventions dans ce service, accusent un petit retard qui décide de l'issue du drame. Quels que soient les moyens que l'on emploie pour arriver aussi vite que possible sur les lieux du drame, surtout quand ces lieux sont éloignés, «c'est souvent sur une poignée de secondes que ça se joue», commentait le docteur Lakaf. Mais malgré la lenteur relative des moyens employés pour arriver sur les lieux de l'accident, (l'information mettant elle-même du temps avant d'être répercutée au niveau du service de secours d'urgence), l'effort est souvent payant. L'urgence, chez l'accidenté, est d'abord d'arrêter l'hémorragie afin d'éviter l'arrêt cardiaque, puis de s'occuper du reste en fonction de son état, comme d'immobiliser le ou les membres fracturés, mettre un masque d'oxygène sur le visage en cas de difficultés respiratoires, désencombrer la bouche, si la bave l'obstrue etc. Ces premiers soins administrés, la personne est dirigée ensuite vers l'hôpital le plus proche pour des examens plus approfondis et un traitement au long cours. Aux stands suivants Et ces apprentis sapeurs-pompiers? Et le stand concernant le bilan des activités et par lequel s'ouvrait cette exposition? Nous voyons avec plaisir que ce sujet suscite de l'intérêt pour revenir ici avec tant d'insistance. Mais avec qui voudrait-on que nous discutions de ce problème? Le commandant en chef Lakaf est médecin et l'interroger sur un sujet qui sort de sa compétence n'aurait été ni convenable ni intelligent. D'abord, le temps manquait. Et puis, le moment ne s'y prêtait pas. Aux autres stands, il n'y avait pas d'officiers à qui nous aurions posé avec plus d'à propos notre question. Quant aux statistiques, est-ce qu'elles auraient eu leur place ici? Que les organisateurs de cette journée aient songé à leur réserver trois stands entiers, cela, qui le leur aurait contesté? Mais nous qui prenions la liberté de choisir un autre angle pour mettre en lumière certaines choses et en cacher d'autres qui ne cadraient pas avec notre plan, qui pourrait nous le reprocher? Quand surtout rien n'interdit de revenir plus tard sur ces bilans. En vérité, en cette journée, au demeurant superbe, qui fait penser à une kermesse, et où pas un souffle de vent n'agite les drapeaux de la place, et les palmes du parc voisin, couvert de fleurs, nous ne faisions qu'imiter tout le monde en nous laissant entraîner par le mouvement général. Or, qu'est-ce qui retenait l'attention de la foule en ce premier mars? -Tous les autres stands, sauf ceux consacrés aux bilans chiffrés de la Protection civile, où seule la presse a jeté un oeil rapide, nous comme tous les autres. Sauf qu'il arrive que, dans un même métier, tout le monde peut n'avoir pas les mêmes motivations. Les nôtres, nous le répétons, nous poussaient à prendre cette exposition par un autre bout. Et nous n'étions pas les seuls à avoir une telle idée. Seulement voilà, comme nous étions les seuls à aller dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, nous nous heurtions à la marée montante des visiteurs au stand qui exposait du matériel dont on se sert en cas d'accident de la route: tronçonneuse, lance à incendie, câble en acier, coussin gonflable pour dégager un corps coincé entre le sol et un objet lourd. La foule, composée d'adolescents arrivant d'un CEM n'a pas l'air braillard des jeunes laissés en liberté. Disciplinés et encadrés par deux surveillantes, ils posaient leurs questions et remerciaient quand on leur répondait. «Nous sommes venus ici pour apprendre le maximum de choses sur ce métier», avait lancé Médine, un élève de 2e année moyenne que nous avons interrogé, tandis qu'il se pressait avec les autres autour de ce stand pour ne rien perdre des explications fournies par le pompier. «Moi, affirmait Amine, un camarade de classe, je lui ai demandé comment éteindre un feu en milieu forestier et il m'a répondu; «avec nos camions- citernes et nos lances à eau, après sa localisation». Mohamed a voulu savoir la relation qui existe entre la police et la Protection civile. Meryem et les autres Les phrases mises entre parenthèses sont des trois élèves que nous avons interrogés. Si, doutant de leur niveau, on a du mal à croire qu'ils aient étés tenus dans ces termes, qu'on nous suive jusqu'au stand suivant. On serait plus étonné encore par les prouesses langagières d'élèves de 5e année. Meryem, la plus causeuse de toutes et de tous, ne prétend-elle pas avoir écrit déjà un roman et qu'elle est prête à nous en donner lecture? Ce stand exposait du matériel de reconnaissance des lieux difficiles d'accès. L'équipe créée en 2006 à Bouira, avant que le modèle ne s'exporte vers d'autres wilayas (on en compte aujourd'hui une trentaine) est spécialisée dans la spéléologie et l'escalade. Aussi la tenue est-elle différente de celle à laquelle nous sommes habitués. Le pompier qui faisait les honneurs de son stand comme d'un domaine qui lui appartient en propre, distinguait deux types de matériels: en textile: baudrier, cordage, sangle, tenue et boots; et métal: ceinture, mousqueton, coinceurs, plaquettes, anneaux, poulies et raquettes pour marcher sur la neige. Les petits anges si fiers de leur école (privée), et de leur maîtresse, suivaient de tous leurs yeux et de toutes leurs oreilles. Ils n'avaient jamais vu ces choses dont, un instant auparavant, ils ne connaissaient ni les noms ni l'usage et qui, maintenant qu'on le leur expliquait leur devenaient quasi familières. Leur maîtresse rayonnait de bonheur. Ces enfants aussi à l'aise dans la langue de Molière que dans celle de Ben Badis ou de l'émir Abdelkader étaient les siens. Dans quinze ou vingt ans, quand ils seront grands et occuperont un poste important, ils se souviendront d'elle avec émotion. «J'ai demandé au pompier pourquoi le rouge est la couleur du pompier? Et comme je n'obtenais pas de réponse, j'ai trouvé ça normal, le rouge, par rapport aux autres couleurs, est la plus voyante, déclarait Mohamed. Il permet à ceux qui vous recherchent, de vous repérer de loin.» Tous voulaient prendre la parole. Tous souhaitent dire quelque chose. Enfin, il fallait se quitter. Meryem nous jette en guise d'au-revoir: «Je suis impatiente de vous montrer mon livre.» Guiva qui se retourne pour dire un mot, se ravise. Un peu plus tard, nous la retrouvons avec ses camarades faisant un cercle étroit autour de la moto de la Protection civile. Ô joie, le pompier motocycliste leur permet de monter sur l'engin et de prendre des photos. Guiva est de ceux-là. Il leur sera peut-être permis aussi de monter sur les véhicules garés à côté pour d'autres photos souvenirs. Quant à nous, ayant fait le tour de cette exposition, qui avait pour nous un air de déjà-vu, tant nous avons vu de premiers mars fêtés de cette manière par la Protection civile, nous n'avions plus rien à faire en ces lieux. Sans cette question relative aux jeunes sapeurs-pompiers et que nous nous étions promis d'élucider? Sans doute. Enfin l'explication Pour atteindre l'impasse et rentrer, (c'est pour nous le chemin le plus court) nous prenions par le milieu de la place. Nous ne passions pas loin du stand du commandant en chef. Il était cerné par les élèves de 2e année. Le docteur Lakaf les avait-elle interrogés sur leur avenir et sur ce qu'ils comptaient faire plus tard? Tous ceux à qui nous l'avions demandé ambitionnaient de devenir médecin ou ingénieur. C'est alors que nous vîmes le directeur de la Protection civile venir dans notre direction. Enfin, nous allions savoir. Ces enfants déguisés en pompiers, c'étaient des vrais, pour de bon, nous dit-il. Ils ont entre sept et quatorze ans et ils viennent deux fois par semaine (le samedi et le mardi après-midi, à raison de trois heures par semaine), pour apprendre les rudiments du métier, comme le sauvetage, le secourisme etc. L'idée est née à la direction générale de la Protection civile, et suite aux instructions reçues, la Protection civile de notre wilaya est passée à l'acte.