Comme un livre dont chaque feuille serait en marbre noir, mais que nul vent, nul ouragan ne feuillette, chacune étant faite à l'épreuve du temps, le visiteur, venu ce 4 mars au carré des martyrs, peut, s'il n'est nullement informé comme tous ceux qui étaient là pour se recueillir en ce lieu de repos et de mémoire se poser ces deux questions, en regardant ces plaques de marbre simulant donc les feuilles d'un livre: que s'est-il passé ce 4 mardi et de quels chouhada commémorerait-on ainsi l'anniversaire de leur mort? À ces deux questions, l'Hymne national écouté et la gerbe de fleurs déposée, notre visiteur a eu la réponse à son questionnement: le 4 mars 1955 et le 5 mars 1959 deux héros tombaient au champ d'honneur, le premier (né en 1925 à M'Chedallah), à Draâ El Bordj, dans la commune de Bouira, le second (né le 7 novembre à Guergour, dans la commune de Lakhdaria), à Bougoud, dans la commune de Djouab. Si cependant, poursuivant sa métaphore, notre visiteur, impressionné par ce volume en marbre noir, s'interrogeait sur le nombre des ces personnages singuliers, dont il n'a pu assimiler ni les noms et prénoms ni les dates de naissance et de décès, et sur la part prise par chacun dans cette formidable odyssée, ce n'est qu'au centre islamique qu'il découvrirait les faits d'armes marquants de ces deux héros. Au centre islamique, en face de Ferrachati, comme le carré des martyrs est en face de Draâ El Bordj, une exposition commencerait par poser le décor pour notre visiteur. Là, s'il était féru d' Histoire, il apprendrait nombre de choses non seulement sur la guerre de Libération nationale avec les dates phares qui l'ont jalonnée, comme le 1er novembre 1954, le congrès de la Soummam en 1956 et les figures marquantes qui y ont pris part, ou le 1er juillet 1962, jour de l'indépendance. Il pourrait aussi faire connaissance avec ces mêmes figures, comme Larbi Ben M'hidi, Ben Tobal, Lotfi, Didouche Mourad, Krim Belkacem etc. Des livres sur cette époque et d'autres qui l'ont précédée complèteraient ses connaissances. Mais il lui faudrait attendre d'être bien installé dans la salle de conférences, dont le sol est couvert d'une épaisse moquette pour satisfaire totalement sa curiosité, piquée déjà au carré des martyrs au sujet des deux héros du jour, c'est-à-dire Garbi Bahia Gamraoui et Si Lakhdar, dont la ville de Lakhdaria porte le nom. Deux photos représentant les deux hommes jeunes s'affichaient sur un écran, face à la salle. Un dépliant tenant lieu de notice biographique trace schématiquement la vie de ce dernier: son entrée à l'école primaire, puis dans le centre de formation professionnelle, dont il sort bardé d'un diplôme de maçon. Il se fait remarquer par son sérieux et son courage dès qu'il rejoint le maquis, alors qu'il est âgé d'à peine vingt ans. Très vite, il réintègre le groupe de commando d' Ali Khodja où il se distingue par sa bravoure. Le champ d'action de ce groupe s'étend de Bordj El Bahri à Sour El Ghozlane, en passant par Lakhdaria et Tablat. C'est la Wilaya IV historique. Un témoin raconte, entre autres, l'embuscade au village de Mzoubria, dans la commune d'El Azazia. Ce jour-là, trois moudjahidine dressèrent une embuscade au bord de la RN8, et voilà que trois camions et une jeep passent. Profitant de l'effet de surprise, le petit détachement conduit par si Lakhdar, élimine tous les soldats des quatre véhicules et s'empare de toutes les armes. Ces exploits se répéteront partout où ce héros passe avec ses hommes. Le chahid Garbi Bahia Gamraoui est né en 1925 à M'Chedallah et mort le 4 mars 1955. Militant de première heure, on le retrouve d'abord au sein des Scouts musulmans algériens, puis dans des partis comme le MTLD ou le PPA avant de rejoindre le maquis. Sur son chemin de militant, il a rencontré de grands hommes politiques comme Ait Ahmed, et militaires, tel Amirouche. Dénoncé, suivi, puis encerclé à Draâ El Bordj, au sommet de cette grande, colline, il a opposé une farouche résistance avant d'expirer. Son corps a été exposé sur la place des martyrs qui s'appelait alors la place de Strasbourg. Le SG des moudjahidine, Salah Abdi, se contentera de mettre l'accent dans son intervention sur cette partie de la wilaya au relief si fortement boisé, Zbarbar où déjà se concentraient nos plus gros moyens humains (54 000 hommes) et matériels et sur le sens du sacrifice qui guidaient ses héros dans leurs nobles missions. La direction des moudjahidine, avançait de son côté le chiffre de 6 000 chouhada. Deux documentaires consacrés à la vie de ces deux héros ont été projetés dans la salle devant un public très motivé.