Aux Etats-Unis, le soutien à l'Ukraine, un temps consensuel, est devenu un sujet qui divise. L'effet Donald Trump, mais aussi d'une polarisation accrue des questions de politique étrangère. Quand Volodymyr Zelensky avait fait de Washington son premier déplacement à l'étranger en décembre 2022, les dirigeants des deux principaux partis américains l'avaient accompagné jusqu'au Congrès, où, en treillis militaire, il avait plaidé la cause de l'Ukraine. Même des voix républicaines critiques à un soutien étaient venues l'écouter. Joe Biden, alors à la Maison-Blanche, s'était engagé à fournir des armes à hauteur de deux milliards de dollars. Ce sceau bipartite n'est plus qu'un souvenir. Le président ukrainien est revenu à Washington il y a une semaine, et sa rencontre avec Donald Trump dans le Bureau ovale a tourné à l'affrontement en mondovision, le nouveau pouvoir américain l'ayant réprimandé pour sa supposée ingratitude. Quelques jours après, les Etats-Unis ont suspendu leur aide à l'Ukraine. «Ne mordez pas à l'hameçon», l'avait averti juste avant la rencontre le sénateur républicain Lindsey Graham, longtemps un des fervents soutiens de l'Ukraine. Après la rencontre des deux dirigeants, même lui allait jusqu'à appeler à la démission de Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien s'est depuis efforcé de réparer sa relation avec Donald Trump, en lui adressant une lettre et en acceptant des négociations avec des hauts responsables américains en Arabie saoudite. C'est en se mettant à critiquer l'aide apportée à l'Ukraine, avec les médias qui partagent sa vision de «l'Amérique d'abord» en écho, que Donald Trump «a politisé la question ukrainienne, et l'a fait passer d'une question bipartisane à une davantage polarisée». Son vice-président JD Vance, par exemple, a déclaré ne pas se soucier de ce qui adviendrait en Ukraine, la priorité étant la Chine. Un récent sondage de CBS News/YouGov montre deux camps désormais quasi à égalité, avec une part d'électeurs démocrates favorables beaucoup plus importante. Il est devenu politiquement plus délicat de défendre un tel soutien avec une guerre d'usure, qui dure, en particulier quand les préoccupations des électeurs américains sont autres, comme l'inflation ou l'immigration illégale. «Les électeurs républicains reprochent depuis longtemps au gouvernement américain de dépenser des milliards de dollars à l'étranger et de ne pas s'attaquer aux problèmes des Américains», rappelle Leslie Shedd. Dans un effet miroir, des sondages pointent que ces mêmes électeurs soutiennent massivement les milliards de dollars d'armes livrées à Israël, quand ceux votant démocrate paraissent plus réservés. Le consensus autour de la politique étrangère était beaucoup plus large à Washington pendant la Guerre froide, avec une opposition à l'Urss partagée par démocrates et républicains. Sa polarisation croissante, aggravée par le clivage idéologique plus marqué entre les deux principaux partis et la fragmentation de la sphère médiatique selon Jordan Tama, «nuit à l'image de l'Amérique: elle passe pour incohérente et peu fiable pour nos partenaires étrangers».