Le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, est de plus en plus isolé par ses collègues du gouvernement ainsi que de la classe politique française. Après le désaveu il y a quelques semaines du président Emmanuel Macron pour son ministre de l'Intérieur, concernant sa ferme volonté d'engager un bras de fer avec l'Algérie, plusieurs autres ministres du gouvernement ont pris leurs distances par rapport à la ligne tracée par Retailleau pour des calculs purement personnels et électoralistes. L'hypocrisie de Ratailleau n'a finalement pas fait long feu, et finit par se révéler au grand jour. Ce qui a conduit son entourage du gouvernement et même de son parti politique à prendre ses distances avec lui. Du côté du gouvernement, un pic de tension a été enregistré ce jeudi, lorsque le Premier ministre François Bayrou, qui a failli être enroulé dans la farine par Retailleau il y a quelques jours, a perdu son calme face à son ministre raciste et anti-musulmans. La presse française raconte que lors du Conseil des ministres tenu jeudi dernier sur l'interdiction du port des signes religieux dans les manifestations sportives en France, le Premier ministre, François Bayrou, a été carrément excédé par les attitudes éhontées et sans scrupules de son ministre de l'Intérieur. Ce dernier est devenu, en fait, complètement décomplexé par rapport à son islamophobie et sa xénophobie. Ce qui a soulevé l'ire de François Bayrou, d'habitude d'un calme olympien, qui lui intima un «Tais-toi!» en pleine figure. Ce à quoi Retailleau a voulu quitter la réunion, mais sans finalement avoir eu le courage de le faire. La classe politique française, dans sa majorité, a désavoué la démarche du ministre de l'Intérieur, notamment concernant ses déclarations irresponsables et irréfléchies envers l'Algérie, ainsi que sa gestion de l'affaire des «influenceurs», essuyant un échec cuisant dans son bras de fer contre l'Algérie, dont la France pouvait bien s'en passer. Intervenant lors d'un meeting contre le racisme et l'extrême droite organisé mercredi à Brest (Nord-Ouest de la France), Jean-Luc Mélenchon s'est insurgé contre l'immixtion de Retailleau dans un dossier qui relève des compétences du ministre des Affaires étrangères. «Cela ne sert à rien de créer des tensions» avec l'Algérie, a-t-il dit, reprochant tout particulièrement au ministre français de l'Intérieur de parler de mesures de représailles prévoyant la limitation de la circulation des personnes entre les deux pays. Le leader de l'extrême gauche rappelle au ministre de l'Intérieur, lors de son discours, des vérités qu'il feint d'ignorer. «Dans quel monde vivez-vous? Vous n'êtes pas au courant qu'un Français sur quatre a un grand-parent étranger? Quand j'étais gamin, c'était un sur dix. Vous parlez de nos familles, M. Retailleau», a-t-il clamé. Jean-Luc Mélenchon a critiqué la volonté affichée par le ministre d'empêcher les membres d'une même famille de s'inviter mutuellement. «Vous voyez toute personne du Maghreb comme un ennemi, comme quelqu'un qui pose problème», a-t-il assuré. «On ne vous laissera pas faire ça, trier les Français d'après d'où ils viennent, leur permettre ou leur interdire d'avoir une vie de famille, d'après je ne sais quel critère, ce n'est pas M. Retailleau qui va décider ça», a-t-il déclaré. L'un des sujets importants qui a permis à Retailleau de montrer également son incompétence est celui de l'emprisonnement de l'écrivain Boualem Sensal. Des personnalités politiques de premier plan reprochent à Retailleau d'empirer le cas de l'écrivain par ses déclarations incendiaires et irresponsables. Le parti de l'extrême gauche a accusé, hier vendredi, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau de «compliquer la situation» de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal et d'instrumentaliser son cas, toute honte bue, «à des fins personnelles». Ce qui est un constat partagé par la grande majorité de la classe politique française. L'invité de franceinfo dans la matinée d'hier vendredi, a estimé que «l'escalade» engagée par le gouvernement était «irresponsable» et ne constituait «pas la bonne manière d'aider à la libération de Boualem Sansal» a-t-elle déclaré. La députée française Mathilde Panot, patronne des députés du parti La France Insoumise (LFI) connue pour ses interventions de haute voltige, a reproché au ministre d'utiliser «l'ensemble des prétextes possibles pour hausser le ton avec l'Algérie et pour mener à une escalade qui vise finalement à des intérêts personnels», dans sa course à la présidence du parti de droite Les Républicains (LR). De son côté, et abondant dans le même sens que sa collègue, le député LFI, Eric Coquerel, président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale, a déclaré que «plus on en fait et plus, quelque part, on met des ultimatums, moins on sert la cause de Boualem Sansal»a-t-il dit sur la chaîne Public Sénat. Plus Bruno Retailleau «monte dans les tours, plus (il) complique la situation de Boualem Sansal», a-t-il dit. Interrogé sur l'abstention de nombreux eurodéputés LFI à un texte demandant la libération de l'écrivain, Eric Coquerel a rétorqué que «le texte avait des ambiguïtés» sur d'autres questions.