Un verrou vient de sauter. Les hôpitaux privés ont désormais droit de cité en Algérie. Le Chef du gouvernement a déjà signé le décret exécutif consacrant ce droit. Sa publication au Journal officiel n'est plus qu'une question de jours. Ce décret modifie en fait celui du 18 octobre 1988 et portant le numéro 88-204 qui fixait «les conditions de réalisation, d'ouverture et de fonctionnement des cliniques privées» en précisant que la capacité minimale était de 15 lits et la maximale de 90 lits. Toute la nuance est là. D'abord le minima a été revu à la baisse, plus précisément à 7 lits ensuite le plafonnement a été tout bonnement supprimé. Ce qui doit se traduire concrètement par la possibilité au privé de créer de petites structures à moindre coût et plus faciles à implanter ailleurs que dans les grandes villes pour favoriser la plus large couverture sanitaire possible du pays. A l'opposé et en déplafonnant, l'Etat rend possible l'existence d'hôpitaux privés. D'ailleurs plusieurs projets sont pour les uns déjà ficelés et pour d'autres en voie de l'être. Le premier d'entre eux est l'«hôpital américain» d'une capacité de 500 lits que projette de réaliser à la nouvelle ville de Mahelma, dans la wilaya de Tipasa, l'Union Bank de Brahim Hadjas, le célèbre homme d'affaires. Le dossier, qui «sommeillait» dans les tiroirs du ministère de la Santé faute de textes législatifs autorisant une telle réalisation, va pouvoir être réactivé. L'autre projet dont nous avons eu connaissance est l'hôpital qu'ont, en projet, trois gros partenaires: le groupe Saïdal, le groupe du milliardaire Djillali Mehri et les «industries médico-chirurgicales» très connues pour leur production de seringues notamment. La SAA, de son côté, va pouvoir relancer son projet d'hôpital des accidentés de la route à Sour El-Ghozlane (Bouira) et qui était également dans les cartons. Ce ne sont là que quelques exemples d'investissements en souffrance qui n'attendaient plus que l'on fasse sauter le verrou. Le «déverrouillage» a été officiellement annoncé hier, par le ministre de la Santé, le Pr Aberkane, au cours d'une réunion d'information à laquelle il a convié des investisseurs, des banquiers et des assureurs. Le ministre a tenu à sensibiliser l'ensemble des partenaires de l'importance de cette nouvelle étape, de souligner l'aspect stratégique de ce secteur maintenant ouvert au privé pour mieux faire ressortir l'exigence du service public même en dehors du secteur public. De l'avis du ministre, il est attendu de cette ouverture des hôpitaux vers des financements privés «la réorientation de la prise en charge de nos malades à l'étranger vers des structures nationales aussi performantes». En effet avec la motivation du privé et la compétition inévitable qui s'instaurera, les demandes vers des hôpitaux français, écossais, jordanien et autres n'auront plus cette attraction irrésistible par endroit dangereusement surfaite comme pour certaines structures en Irak par exemple où des Algériens choisissent de se faire traiter. En outre et compte tenu de l'endettement actuel de nos hôpitaux estimé à quelque 14 milliards de dinars, l'arrivée du privé soulagera la santé du marasme dans lequel se débat sans trop d'illusion le secteur public. Et ce n'est certainement pas la taxe prélevée sur le tabac qui remettra à flots la trésorerie anorexique de ces structures hospitalières. Aucun étonnement à cela, quand on sait que l'évaluation du coût de toute la panoplie de soins n'est pas encore mise au point. La question récurrente que se posent les citoyens est sans conteste celle du remboursement des soins et leur prise en charge dans ces futurs hôpitaux privés par la sécurité sociale. S'il est vrai que le secteur public continuera toujours à assumer sa mission en direction des couches les plus défavorisées, le secteur privé pourra se lier par convention à la caisse de sécurité sociale. Mieux, nous avons appris que, outre de ces conventions classiques, certaines compagnies d'assurances telle «l'Algérienne des assurances», ont en projet de lancer sur le marché un nouveau produit d'assurance complémentaire en matière de remboursement médical. En clair, avec l'introduction du privé les soins seront disponibles pour toutes les bourses. Avec cette différence fondamentale de pouvoir exclure les nantis de la gratuité. Ce n'est que justice.