Le 11 décembre 1960 signe la fin du mythe de l'Algérie française. L'Algérie commémore, aujourd'hui, le 46e anniversaire des manifestations du 11 décembre 1960 qui ont mis fin au mythe de l'Algérie française. 1830-1960, 130 années de colonisation forcenée basée sur l'expropriation et le déni d'une identité et d'une culture plusieurs fois millénaires. Le glas de l'Algérie française, de Dunkerque à Tamanrasset, venait de retentir. L'Afrique noire, dans son ensemble, recouvrait peu à peu son indépendance et les deux autres pays du Maghreb, après plusieurs années d'un protectorat chaotique, ont retrouvé leur souveraineté. L'aigle battait des ailes et c'est tout son corps qui frémissait. Il en était ainsi des trois pays du Maghreb. L'année 1956 a consacré l'indépendance du Maroc et de la Tunisie, alors qu'en Algérie, la guerre battait son plein et le futur Etat indépendant se dirigeait inexorablement vers son destin. 11 décembre 1960, au millier de manifestants en effervescence descendus de Diar El Mahçoul se sont joints spontanément des enfants. Ils avaient 10, 11, 12...ans. C'est une jeune fille qui est à la tête du cortège et qui exhibe l'emblème national. Un officier se précipite sur elle et le lui arrache des mains. Farid Magraoui, qui s'est joint aux manifestants le reprend d'entre les mains du militaire français et s'envole avec l'étendard de la liberté le portant triomphalement. Sa course est stoppée net par une rafale de mitraillette, il tournoie, tel un oiseau, enveloppé de l'emblème national, rendant son dernier souffle. Il n'avait que 10 ans. Evoquer le 11 décembre, c'est ouvrir à nouveau et sans cesse une douloureuse page d'histoire écrite de larmes et de sang. Une leçon de dignité et de fierté pour accéder à une algérianité avec tout ce qu'accompagne un tel événement en dépoussiérage de l'histoire. Une histoire tronquée, falsifiée, escamotée, que des générations d'hommes et de femmes ont tenté de rétablir dans sa vérité, au sacrifice de leur vie. Les manifestations du 11 décembre 1960 ont traduit, les efforts convergents de la lutte armée, et des algériennes et des algériens avides de liberté, une révolution qu'ils ont portée à bras-le-corps pour crier à la face du monde une colonisation injuste et ses relents sournois. Celui d'un apartheid embryonnaire qui cachait mal son nom, et que l'on a affûblé de nouveaux aux concepts idéologiques. Flanquée de cas attributs, la colonisation prenait des allures d'actions civilisatrices pour trouver sa raison d'être, sa raison d'exister et sa traduction réelle sur le terrain. Opprimer, acculturer, exproprier, humilier. Au cas où on oserait lever la tête? Torturer, pour atteindre ce stade suprême d'avoir le droit de vie ou de mort sur des femmes et des hommes, des garçons et des filles de 10 ans tout juste. 11 décembre 1960, c'était inscrit. Le sang devait couler ce jour-là et à flots. Les rues d'Alger avaient soif du sang, du sang de ses enfants -les vrais- les colonisés. Ces damnés de la terre étaient devenus ivres de liberté et que ni les 130 années d'oppression ni les chars et encore moins les militaires armés jusqu'aux dents ne pouvaient arrêter. Face à cette armada qui n'impressionnait plus, un peuple aux mains nues offrant les poitrines de ses enfants aux balles assassines aux cris de «vive l'Algérie», «l'Algérie algérienne» Tahya El Djazaïr, une des plus belles pages de l'histoire de l'Algérie, tragique et émouvante.