Personne n'y croyait: le RND a créé la surprise en arrachant 12 sièges dans une élection peu ordinaire. Le Front de libération national (FLN) est sorti vainqueur des élections sénatoriales partielles de jeudi dernier. Il rafle la mise en décrochant 29 sièges parmi les 48. Mais on attendait davantage. En se référant aux résultats des locales de 2002, on découvre que le Rassemblement démocratique et populaire (RND) ne pouvait, en aucun cas, aspirer à prendre 12 sièges. Ce résultat additionné à la quinzaine restante lui permet de garder près de trente sièges au Sénat. C'est une positon très confortable. Elle contredit tous les pronostics, y compris ceux de la direction même du parti qui disait n'avoir aucune ambition significative dans cette élection. Le secrétaire général du parti, Ahmed Ouyahia a, toutefois, fait campagne. Il a été quasiment le seul à la faire. Le FLN avait les yeux rivés sur les mouhafadhas pendant que le Mouvement de la société pour la paix (MSP) se débattait avec les retombées d'une polémique inutile provoquée par son chef, Boudjerra Soltani. Néanmoins, la campagne de Ouyahia reste insuffisante. Il ne dispose que de 171 communes et ne préside aucune APW face au FLN qui contrôle 668 communes et 43 APW, avec 798 sièges sur un total de 1960. Mais on n'est pas à une surprise près. El-Islah - divisé entre aile légaliste et dissidence- disposant de la majorité dans 39 APC, ne prend aucun siège au Sénat, contrairement au MSP qui prend 3 sièges avec seulement 19 communes. Les indépendants prennent 3 sièges pour 77 communes. Le RCD décroche un second siège à Tizi Ouzou. Et le Front national algérien (FNA) n'a rien obtenu. La répartition géographique a été autant apparente dans ce scrutin peu ordinaire. Là où l'administration garde un pouvoir kafkaïen, les gens ont voté RND. On suit sa trace visible longeant les Hauts-Plateaux, d'est en ouest. Alors que le MSP est allé chercher deux sièges tout à fait au sud et un troisième à l'extrême est. Il n'a cependant pu avoir de siège au fief de son président à Tébessa. Le FLN garde une répartition nationale de ses sièges. L'aspect renversant dans le vote des grands électeurs concerne les données chiffrées. Le RND a gagné là où il n'avait pas de majorité. Les élus du FLN ont voté contre les candidats choisis par leur propre parti, en transgressant ainsi la discipline partisane. Certains vous diront que les candidats choisis ne sont pas les meilleurs. Pourtant, les primaires ont eu lieu dans les 53 mouhafadhas. D'autres font état d'une formidable pression exercée sur les élus -tous les élus des régions reculées- par l'administration avant et pendant l'opération de vote. Les militants qui ont voté contre leur parti savent que lorsqu'ils se retrouveront seuls face à l'administration et subiront les dépassements, leur parti ne lèvera pas le petit doigt pour les défendre. Enfin, le dernier aspect concerne les conséquences sur les élections législatives. En plaçant le RND en bonne position, l'administration lui donne une longueur d'avance sur les autres partis. Il est désormais second au Sénat et ne peut, logiquement, que la garder à l'APN, dira-t-on. Mais rien n'indique que les paramètres qui ont permis au RND de garder une bonne place au Sénat militeront pour un meilleur résultat aux législatives. Il faudra attendre les lois électorales et les conditions dans lesquelles elles se dérouleront pour se prononcer sur l'issue du prochain scrutin. Les sénatoriales de jeudi dernier ont installé un équilibre dans la seconde institution de l'Etat, en attendant les élections locales et de wilayas de l'automne prochain, qui changeront fondamentalement la configuration du Sénat, dans les trois prochaines années, et détermineront les futurs équilibres.