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Saddam, le meurtre et l'Occident
L'AUTRE REGARD
Publié dans L'Expression le 03 - 01 - 2007

Le fossé entre les Arabes et les Occidentaux s'est davantage creusé, engendrant de graves césures.
Décidément, l'Irak fait ressurgir une image latente, caractérisée par de profondes ruptures marquant les relations entre l'Occident et l'Orient. Jamais, peut-être, les Arabes ne se sont sentis aussi humiliés que durant cette occupation américaine de ce pays gouverné, certes par un dictateur, comme d'ailleurs une très grande partie des Etats du monde, mais qui était considéré comme le pays le plus développé dans le monde arabe, avant la tragédie de 1990. De nombreux étudiants arabes poursuivaient leurs études dans les universités irakiennes Aujourd'hui, les établissements de l'enseignement supérieur, exsangues, vivent un extraordinaire marasme et exhalent une odeur de soufre.
Le temps se conjugue à la douleur d'un quotidien marqué par des mensonges infinis qui, malheureusement, donne de la démocratie une image négative. Les Arabes qui considèrent les Etats-Unis comme les responsables de tous leurs maux confondent la démocratie avec les dirigeants de ce pays. Ainsi, la situation en Palestine et l'occupation de l'Irak façonnent, dans l'imaginaire arabe, une image négative d'un «Occident», vite assimilé à un univers judéo-chrétien. Le refus de l'intégration de la Turquie et de la partie turque de Chypre et le projet d'introduire un article explicite sur les origines chrétiennes de l'Europe dans la Constitution européenne consolident cette idée qui gagne de plus en plus les territoires arabes trop frustrés par des gouvernants tournant le dos à leurs peuples et un «Occident» vivant sa culture comme supérieure et regardant l'Autre comme une espèce étrange et étrangère.
Le «procès» de Saddam Hussein qui met sérieusement à nu un Occident arrogant qui ne s'embarrasse même pas des formes pour juger un dictateur avec lequel il entretenait d'excellentes relations et qu'il n'arrêtait pas d'armer pour lui permettre de vendre des armes et de le pousser à fragiliser le régime de Khomeïni considéré, à l'époque, comme une menace à la sécurité de l'Occident et d'Israël. Aujourd'hui, cette même personne, qui était courtisée par Donald Rumsfeld et par d‘autres personnalités politiques européennes, asiatiques et américaines, se transforme subitement en criminel par des pays qui ont toujours eu leurs ambassades dans ce pays.
Ainsi, médias interposés, est entreprise une opération de diabolisation qui fait de Saddam Hussein un monstre. Ce qui ne gâche rien à la fête, c'est un Arabe. Donc, il est prédestiné à la sauvagerie et à la barbarie. Comment est-il possible de passer un accusé du statut de prisonnier de guerre, sans accusation précise à un autre statut avec des chefs d'accusation permettant l'arrestation de tous les chefs d'Etats du monde entier? Les choses sont flagrantes, surtout avec la nomination par les forces occupantes de Iyad Allaoui, salarié de la CIA, comme Premier ministre, avec l'assentiment de l'ONU et de l'Algérien Lakhdar Brahimi qui a tenté d'apporter une illusoire légitimité à une entreprise d'occupation qui se poursuit toujours, malgré le fumeux transfert de «souveraineté» et le choix d'un juge parent d'un ancien membre du «conseil de transition», Ahmed Djalabi, lui aussi appointé à la CIA, mais quelque peu marginalisé depuis quelque temps.
C'est une simple mascarade. D'ailleurs, la réhabilitation de la peine de mort, juste avant le procès, inaugure le protocole de lecture d'un «jugement», sans défense réelle et sans débat sérieux. Le ministre de la Justice irakien a annoncé la couleur en menaçant les avocats et en faisant ressortir dans toutes ses déclarations ce qu'il appelle les «charniers collectifs» qui restent encore à prouver, d'autant plus que la guerre irano-irakienne était financée par les pays occidentaux et les monarchies du Golfe qui ont fourni, au régime de Saddam, armes chimiques et conventionnelles. Jusqu'à présent, les études faites sur les matières chimiques trouvées dans les cadavres du massacre des Kurdes de 1988 montrent que les substances découvertes n'existaient pas en Irak à l'époque. Quand il s'agit de l'Irak et du monde arabe, la prudence n'est pas de mise. La propagande se transforme en évidences et le mensonge en vérité absolue. Les clichés et les stéréotypes peuplent toutes les télévisions occidentales. Les médias deviennent tout simplement des faire-valoir, de simples relais de la propagande militaire. Quel est le média qui s'interroge sur les morts de Falloudja ou de Najaf ou sur les enfants palestiniens assassinés par les fascistes israéliens? A-t-on une seule fois cherché à vérifier l'information? Même les «droits de l'homme» obéissent à une sélection de fait.
L'Irak n'a pas changé depuis le «transfert de souveraineté» et ne changera pas tant que plus de 160.000 soldats étrangers sont stationnés dans ce pays, se conduisant en terrain conquis et n'hésitant pas à bombarder des maisons à Fallouja et ailleurs. Le fossé entre les Arabes et les Occidentaux s'est davantage creusé, engendrant de graves césures. Le regard porté sur l'Occident reste travaillé par les agressions continues en Irak et en Palestine et le jeu carnavalesque d'une puissance occupante voulant imposer à toute une société sa manière de vivre et de s'organiser.
Les dernières «révélations» sur la torture systématique à Guantanamo et dans les prisons en Irak et dans d'autres pays arabes qui font dans la sous-traitance pour les forces dites outrageusement «coalisées», montrent que l'Occident qui n'arrête pas de chanter les droits de l'homme, la démocratie et la liberté ne fait que les instrumenter et les utiliser pour servir ses propres intérêts économiques et militaires. L'Irak n‘est pas une «première», l'Occident qui a dirigé la plus grande opération fasciste, la colonisation, a depuis trop longtemps rompu avec la démocratie, notamment sur le plan des relations internationales. Ainsi, la Grèce est une invention européenne. L'Europe ne découvrit la Grèce et sa démocratie que très tardivement, faisant de cette entité, de manière forcée, son lieu originel trop peu certain. Le discours démocratique est récent dans la pensée occidentale, trop habituée à des espaces oligarchiques. Machiavel représente bien ce modèle. Certes, l'Amérique, trop peu ancrée dans l'Histoire, avait proposé une autre manière d'organiser l'Etat et les structures sociales. Ce qui avait sérieusement séduit Alexis de Tocqueville. Peut-on considérer les entreprises coloniales comme des réalités démocratiques, comme d'ailleurs les multiples violations subies par le Chili, le Guatemala, l'Indonésie (qui connut plus de 500.000 sous Suharto), le Panama, Grenade, etc.?
Le grand linguiste américain, Noam Chomsky décortique dans son livre Les dessous de la politique de l'Oncle Sam la politique étrangère américaine et donne l'exemple du Vietnam qui «en dépit de ce que chacun croit- de droite ou de gauche-, les Etats-Unis n'ont pas perdu la guerre; ils ont laissé un pays en ruine, divisé, qui ne pourra jamais plus s'imposer dans cette région de l'Asie». C'est le cas de l'Irak dont on a cherché à le déposséder de son Histoire et de sa mémoire et qui, aujourd'hui, en ruines, accueille, pour sa «reconstruction», les grandes entreprises américaines qui bénéficieront de contrats juteux. Pour le moment, l'argent du pétrole s'est envolé. Des rapports de l'ONU ne semblent pas partager les conclusions des dirigeants américains sur la question. Les Irakiens vivent toujours un quotidien tragique et se font massacrer dès qu'ils manifestent pour avoir le droit de travailler et de vivre plus ou moins décemment. Dans un Irak théoriquement gouverné par d'anciens exilés, en porte-à-faux avec leur société, c'est l'armée américaine et le nouvel ambassadeur, John Negroponte qui décideront des choses sérieuses.
L'Amérique de Bush a, certes, divisé les Irakiens tout en les rendant plus pauvres que du temps de Saddam Hussein, mais semble avoir énormément contribué à la dévalorisation de l'image de l'Amérique désormais associée à la torture. On oublie vite les grandes productions artistiques et littéraires de Joyce, de Faulkner, d'Hemingway, de Scorsese ou de Miller qui, parfois, souffrirent de l'unilatéralisme de l'establishment mué en «espaces de liberté et de démocratie» comme la fameuse commission des activités anti-américaines qui ruina des vies d'artistes et d'intellectuels américains parce que tout simplement, ils pensaient autrement.
La démocratie en Europe et en Amérique, se présentant comme modèle à suivre par d'autres nations empruntant d'autres modes d'organisation sociale et politique, reste trop lacunaire et trop déficiente. L'Histoire des pays européens donne à voir une série de catastrophes humaines, à commencer par la Commune de Paris qui a vu en 1871 des milliers d'ouvriers et de simples «citoyens» massacrés et exilés par le gouvernement de Thiers ou le Maccarthysme qui a, dans les années 40 et 50, brisé la vie de citoyens américains. Mais surtout aujourd'hui, avec la situation en Irak et en Palestine, la méfiance envers l'Occident atteint son paroxysme. Trop peu d'Arabes considèrent que l'Occident veut du bien aux Arabes. Même de nombreux dirigeants politiques et militaires arabes, préférant les jeux de coulisses, ne supportent plus l'arrogance américaine, mais n'osent nullement le déclarer, de crainte de subir le même sort que Saddam Hussein.
Ce rejet de la démocratie assimilée à l'Amérique de Bush et des faucons de l'establishment s'accompagne paradoxalement d'une forte répulsion à l'endroit de régimes arabes trop haïs par leurs populations découvrant une autre version du nationalisme arabe, quelque peu éloignée du discours Baasiste et du «Nassérisme», mais aussi peu marqué par le discours islamiste. Certes, les contours de ce néo-nationalisme ne sont pas clairs. Cette résurgence d'idées, certes latentes depuis longtemps, s‘expliquerait par les dures réalités vécues par les Arabes, trop humiliés et intériorisant d'extraordinaires frustrations. Mais il manque encore des liens structuraux assurant la mise en oeuvre d'un discours cohérent et de pratiques organisationnelles concrètes. Finalement, l'occupation militaire de l'Irak a permis une sorte de prise de conscience et un regard nouveau, encore investi d'affectivité, qui engendre de nouvelles relations avec les pouvoirs en place et l'Occident vu sous l'angle de la prédation. Ainsi, le «projet du Grand Proche-Orient» et la «feuille de route» sont marqués du sceau de la suspicion parce que leurs promoteurs appartiennent à l'Occident.
Mais le fait de sympathiser avec Saddam Hussein ne veut nullement dire qu'ils lui apportent leur caution, mais ce ne sont peut-être que des réactions cathartiques et empathiques à un discours occidental totalisant et intégriste approchant le monde arabe comme une totalité appelée à vivre une certaine occidentalisation. Il y a une volonté d'occidentaliser les élites arabes, sans bien entendu, aller trop loin.
Tout le monde sait que les prétextes (possession d'armes de destruction massive et liens présumés de Saddam Hussein avec Al Qaîda) pour occuper l'Irak, étaient tout simplement des inventions de Bush et de Blair. Le fait qu'ils aient menti à leurs opinions et au monde entier et qu'ils n'aient pas encore fait leur autocritique, décrédibilisent encore plus ces puissances muées en fabriques de mensonges et de fausses preuves et révèlent les vraies raisons d'une occupation et d'une mise en scène, peu sérieuse, d'un «procès» dont on connaît au départ le verdict et qui pose problème à l'Amérique et au monde occidental, deux univers où se côtoient et s'opposent des défenseurs de la liberté et des dirigeants courant après le pétrole. L'Amérique, comme l'Europe, sont aussi traversées par des courants autonomes, cherchant à dénoncer les atteintes aux libertés et à éviter une fracture irrémédiable Occident-Orient.
Aujourd'hui, le «procès» Saddam est vécu par de nombreux Arabes comme une agression d'autant plus que plusieurs dirigeants politiques dans le monde gèrent de sanguinaires dictatures. D'ailleurs, les nouveaux gouvernants formels en Irak se drapent, dépourvus d'une légitimité populaire, d'oripeaux absolutistes.
Dans ce contexte de haine et d'exclusion, les choses ne semblent pas du tout prêtes à changer. La «vieille» Europe, très gênée et très désarçonnée par le discours fascisant des «faucons», n'arrive pas encore à retrouver ses marques et à renverser cet ordre des choses qui ne la sert nullement. D'ailleurs, ce discours néo-libéral et anti-arabe est également présent en Europe et dans certains milieux intellectuels.
L'anthropologue Ernest Gellner ne déclarait-il pas ceci en 1983:
«Les musulmans sont une nuisance. En fait, ils l'ont toujours été». Jospin disait, pour justifier sa position contre l'intervention américaine en Irak qu'il avait toujours souhaité, comme d'ailleurs les Européens, que les Etats-Unis gagnent la guerre. C'est vrai que l'ancien Premier ministre français, trop pro-israélien, avait déjà carrément dénié aux Palestiniens le droit de récupérer leurs propres terres. Mais Israël est une entité intouchable. Le premier chef de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), l'Egyptien Mohamed El Baradéi excluait, il y a deux jours, l'inspection du site nucléaire israélien de Dimona.
L'«Occident», prisonnier de ses dogmes et de ses croyances originelles, se cherche un bouc émissaire qu'il identifie dans l'Islam et le monde arabe installés dans une posture éternelle de «terroriste» et d'«ennemi». Ainsi, de nombreux intellectuels occidentaux assimilent trop vite l'Arabe à un terroriste en puissance, confondant souvent résistance et terrorisme, comme si les Européens avaient, eux seuls, le monopole de la résistance. Cette manière de penser et de faire engendre le nazisme et le fascisme, deux réalités européennes. L'Europe se fabrique son propre Orient, la violence à fleur de peau et le couteau entre les dents. Elle crée un vocabulaire qui serait l'apanage d'Arabes et de musulmans, trop suspects, trop barbares et cherchant à détruire un Occident en danger devant la menace de gens venus d'ailleurs dont on refuse toute différence et toute reconnaissance. Leur Histoire est montrée comme une succession d'assassinats, de viols et d'événements sanglants comme si l'Occident qui a des millions de morts et d'insupportables tortures sur la conscience, pouvait se dédouaner en cherchant à projeter sa propre violence sur les autres et à effacer des siècles d'absolutisme, de violences coloniales et d'inquisition.


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