Le ministre français délégué à la Promotion de l'égalité des chances est convaincu que l'Algérie et la France devront, tout d'abord, travailler à construire une mémoire commune. L'Expression: Vous êtes en Algérie pour une visite de trois jours, quel en est le but précis? Azouz Begag: Je suis ici dans le cadre de l'explication de la politique d'égalité des chances en France. Egalité des chances en particulier pour tous les enfants qui sont issus des milieux défavorisés. Et voilà pourquoi aujourd'hui, je viens montrer aux élèves algériens le rôle de la lecture, ou l'étude de la lecture, et comment se familiariser avec les livres. Cela est un acte citoyen majeur, c'est un instrument essentiel pour une politique d'égalité des chances. Nous sommes allés hier à Blida, pour rencontrer des élèves du lycée Mahi, en même temps nous avons visité une imprimerie qui date de 1857. Aujourd'hui, j'ai eu un entretien avec la ministre de la Culture, Khalida Toumi, avec laquelle nous avons beaucoup parlé du rôle de la culture dans une politique de promotion sociale des gens les plus modestes. J'ai rencontré le ministre de la Solidarité, et nous avons, ensemble, vu comment du côté algérien et du côté français, nous pouvons contribuer à atténuer la pression du chômage des jeunes. Vous avez eu des entretiens avec quelques ministres algériens, quels sont les grands axes de ces entrevues? On a abordé, notamment, l'obligation que nous avons aujourd'hui de part et d'autre de prendre appui sur les millions de Français d'origine algérienne qui sont en France et qui ont besoin chaque jour, de consolider leurs relations avec leur pays d'origine. C'est très important aujourd'hui pour quelqu'un comme moi, qui est un ministre du gouvernement français, enfant de pauvre émigré sétifien, de venir ici en Algérie, à la rencontre de l'autre côté de mon identité algérienne. Je suis ici pour montrer combien la langue est un outil important pour ma politique de promotion sociale. Qu'en est-il du Traité d'amitié dont la signature tarde à se faire? Je vous ai dit qu'en France, il y a des millions d'émigrés d'origine algérienne qui attendent avec grande impatience que ce traité d'exception d'amitié entre l'Algérie et la France soit signé le plus vite possible. Il est vrai qu'il a pris du retard à cause du malentendu, mais je suis convaincu qu'il sera signé. Vous savez qu'en Algérie, 70% de la population a moins de 30 ans! Il y a en, France, aussi des millions de jeunes qui ont besoin de retrouver leurs racines algériennes, et retrouver par là même, leurs propres racines françaises. Nous voulons tous, aujourd'hui, être des Zineddine Zidane, nous voulons tous faire gagner la France, et nous voulons tous rassembler les mémoires française et algérienne vers un même «moustaqbal» (avenir, Ndlr). Mais ce traité d'amitié bute sur le refus de la France de reconnaître les crimes commis durant sa présence coloniale en Algérie. Ce que je pense, tout d'abord en tant qu'enfant de Sétif, il faut placer les choses dans l'ordre. Ce que nous devons faire d'abord, avec Zineddine Zidane et Azouz Begag et d'autres Algériens qui jouent dans l'équipe de France, c'est rassembler nos mémoires dans le même sac. Nous devons avoir une mémoire commune. Nous devons jouer dans la même équipe de France. Nous avons deux Etats et une histoire commune, donc nous devons par là construire un avenir commun. C'est une grande promesse d'avenir pour les relations et ensuite, nous parlerons du reste. Mais tout d'abord, laissez-nous construire une mémoire! A quoi sert de parler de repentance alors que nous n'avons pas encore construit de mémoire commune? Pour l'instant, nous sommes dans le temps des blessures, dans le temps des cicatrices, il faut laisser le temps au temps et le temps viendra pour s'asseoir tous ensemble, Algériens, Français, enfants d'Algériens, pour rassembler les éléments de mémoire en commun et pour dépassionner les débats. C'est un enfant de Sétif qui vous dit ça. C'est un enfant de Sétif à qui les parents ont raconté l'histoire du 8 mai 1945. C'est un enfant dont le père se cachait dans les champs de blé pour ne pas être touché par les balles des soldats français. Cette histoire de mémoire commune entre l'Algérie et la France me tient particulièrement à coeur, comme elle tient à coeur du président Jacques Chirac, comme elle tient aussi au coeur du Premier ministre Dominique De Villepin. Les jeunes issus de l'immigration, physiquement, sont intégrés dans la société française, mais moralement, on leur renie le droit d'être des Français à part entière. Vous en tant que ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances, qu'est-ce qu'il y a lieu de faire afin de dépasser cette situation? Il faut dire que déjà, moi en tant que ministre, depuis que je suis à mon posteq cette pente. A mon avis, aujourd'hui toute cohésion sociale ne pourra se réaliser sans développement économique. Ce problème ne peut être dépassé en outre sans l'égalité des chances. Actuellement en France, plus de 3000 entreprises ont signé le texte de «la charte sur la diversité dans l'entreprise» qui est contre le recrutement sur CV anonyme. Il faut aussi souligner que plusieurs enfants d'immigrés présenteront leur candidature aux élections législatives qui auront lieu en juin prochain.