Dans cet entretien, Mme France Weyl, avocate et membre de l'Association française «droit solidarité» et l'Association internationale des juristes démocrates, révèle certains dessous de la justice marocaine dans les territoires sahraouis occupés L'Expression: Vous avez assisté à des procès de certains militants sahraouis dans les territoires occupés. Quelle lecture en faites-vous? France Weyl: L'association des amis de la Rasd et l'Association droit solidarité m'ont mandatée, pour assister à un procès à El Ayoun de militants de l'indépendance du Sahara occidental. Le procès concerne Brahim Sabbar et ses deux compagnons, Haddi Sid Mohamed Mahmoud et son frère Saleh. Il faut que vous sachiez que Sabbar Brahim est le secrétaire général de l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits humains par l'Etat marocain, laquelle association est actuellement interdite d'activité, alors que les faits reprochés se seraient produits à leur retour à El Ayoun, après la tenue d'une réunion de cette association à Boujdour. Quel est le regard que vous portez à ce propos et au sujet de la question sahraouie en général? En ce qui concerne tout d'abord la question sahraouie, il faut que vous sachiez que mon association a, depuis sa création défendu le droit du peuple sahraoui à disposer de son territoire et de son Etat par ses représentants légitimes. Quant au regard que nous avons à propos des procès qui se sont déroulés dans les territoires occupés, ceux-ci sont des affaires de liberté d'opinion contre des jeunes qui se battent pour les droits de l'homme. Ces procès sont menés manifestement hors de ce que l'on peut appeler les règles normales du droit international ou du droit du pays concerné. Le procès auquel j'ai assisté est un procès en appel. L'affaire a été réglée en deux heures. Manifestement, il n'y avait pas eu véritablement d'instruction préalable, mais tout simplement des auditions à la police où les Sahraouis avaient été malmenés et torturés pour signer les procès-verbaux qu'ils ont contestés violemment à l'audience. Ils ont aussi contesté les faits qui leur ont été reprochés, à savoir le non-respect d'un barrage de police. Le véritable reproche est celui d'avoir participé à la création de l'Association contre la torture et pour les disparus sahraouis au Maroc. Vous avez déjà parlé de procès expéditifs, est-ce réellement le cas? C'est une vérité, car le procès a été tout d'abord réglé dans un temps record et qui n'a pas dépassé les deux heures. Je dois souligner, néanmoins, que les avocats ont extrêmement bien plaidé. J'ai été très admirative par le travail fait par les avocats sahraouis dans les territoires occupés, mais en deux heures, la sentence a été rendue. Le verdict a été donc lourd, puisque deux ans d'emprisonnement ont été retenus à l'encontre des accusés pour des faits contestés et manifestement non prouvés. De quelle manière se sont déroulés ces procès? Il n'y avait dans la salle que des femmes et des représentants de la police et aucun homme n'avait été autorisé à assister à l'audience. Tous les hommes sahraouis de El Ayoun ont été empêchés de s'approcher du Palais de justice, comme si on avait peur de rendre la justice d'une manière publique. Toutefois, on dit toujours que la justice doit être rendue publiquement et que la garantie d'une bonne justice c'est qu'elle soit rendue devant un public indépendant, devant des gens qui peuvent juger. Il faut aussi que les faits soient débattus publiquement, or, l'audience n'a pas été vraiment publique. Quel est votre avis, en tant qu'avocate, par rapport à la situation des droits de l'homme dans les territoires occupés? Je peux vous assurer que la situation des droits de l'homme dans les territoires occupés est très mauvaise et préoccupante. Il y a de plus en plus de persécutions et d'atteintes aux droits de l'homme. A mon avis, il faut qu'on soit tous très vigilants pour empêcher une multiplication des procès, des disparitions ainsi que l'escalade de la violence et de la torture. En définitive, les Sahraouis doivent s'exprimer, car c'est dans cette expression que réside et commence le respect des droits de l'homme.