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Un géant tire sa révérence
LE PROFESSEUR MOHAND AOUDJHANE EST MORT
Publié dans L'Expression le 29 - 03 - 2007

«Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants.»
Le 20 mars dernier s'éteignait dans l'anonymat le plus strict, notamment de la nation, le professeur Aoudjhane, l'un des pères fondateurs de l'université algérienne post-indépendance.
Mathématicien de talent, il fit à sa façon, un djihad de plus d'un demi-siècle d'enseignement sur tous les fronts où il fallait se battre contre l'ignorance, édifier, instruire, éduquer et pendant toute sa carrière donner l'exemple de l'humilité et de la force tranquille.
Ce fut le père de l'université populaire. A bien des égards, à sa façon, le professeur Aoudjhane joua le même rôle que le regretté professeur Mostafa Lacheraf, de boussole et de repère au quotidien à des générations de scientifiques algériens.
Cette année 2007 est, décidément, à marquer d'une pierre noire, elle nous a ravi deux géants de la littérature et des mathématiques qui laisseront, à n'en point douter, leurs idées et leur sacerdoce vivaces, quand personne ne se souviendra qu'il y eut des gouvernants qui les ont ignorés.
«Prenez une petite feuille: soit un vecteur de coordonnées lambda, mu, nu», c'est par cette petite phrase qui a traumatisé des générations d'élèves ingénieurs et de lycéens que le professeur Aoudjhane nous inculquait les mathématiques. Il était humble parmi les humbles, ces mêmes générations affichent comme un trophée- qui a valeur de diplôme- le fait d'être sorti indemne d'un enseignement de monsieur Aoudjhane.
Un indépendant
Lors des examens dans l'amphithéâtre de l'Ecole, il arpentait les marches ascendantes et descendantes en chantonnant pour ceux qui se souviennent, la fameuse chanson des années quarante et cinquante: «Amouh amouh akkar ma tsadoudhe an rouh». Il était d'un naturel gai et pouvait vous annoncer en riant: vous avez zéro à votre examen! Il n'y avait pas de négociation ou de pression du «milieu».
Mieux encore, il prit la place du professeur Ouabdesslam- qui avait été nommé recteur de l'université d'Alger- comme directeur de l'Ecole nationale polytechnique où il était déjà professeur d'analyse. Cette année-là, il dégraissa la promotion, nous passâmes de 92 à 48. Les autres furent dirigés sur la faculté et pourtant l'Algérie avait, alors, un énorme besoin de formation en ingénieurs, il ne transigea pas sur la compétence.
Il eut à refuser, par la suite, plusieurs postes, préférant garder son indépendance et se consacrer à ce qu'il sait faire de mieux, l'enseignement des mathématiques. Ces raisonnements qu'il nous dictait, étaient non seulement logiques mais étaient bien «enveloppés» dans un français châtié. Ces démonstrations au tableau étaient, non seulement bien articulées mais elles étaient écrites avec une écriture parfaite avec les pleins et les déliés!
Pour la jeune génération qui a peut-être entendu parler de ce mathématicien hors-pair, pétri d'humanités, le professeur Aoudjihane fut le premier agrégé algérien du temps de la colonisation. C'était tout un exploit, alors, de choisir une discipline aussi pointue aussi sélective et y décrocher l'agrégation. Le jeune Aoudjhane des années trente et quarante devait se battre sur plusieurs fronts: celui de la misère- a cet égard, le livre de Mouloud Feraoun Le fils du pauvre peut s'appliquer sans conteste à la situation de tous les Algériens d'alors qui, à leur façon, ont essayé de sortir de leur condition où les avait cantonnés le colonialisme. Il devait aussi se battre et apprivoiser cette discipline rébarbative mais ô combien élégante, que constituent les mathématiques. Il devait, enfin, se battre contre le pouvoir colonial pour pouvoir s'imposer brillamment et décrocher le fameux sésame de l'agrégation.
Kateb Yacine qui lui a dédicacé son premier livre de poèmes Soliloques lui fit cet hommage: «A mon professeur qui a vainement essayé de m'inculquer les mathématiques». Le professeur Aoudjhane avait une Simca Aronde qui lui menait la vie dure, il n'était jamais sûr d'arriver à destination. Combien de fois l'avions-nous aidé en la poussant à redémarrer! De guerre lasse, il l'abandonna et s'abonna au train Alger-Blida.
A huit heures moins quart, il nous faisait l'appel et gare aux retardataires! Réglé comme une horloge, vers 14 heures, il reprenait le chemin de la gare d'El Harrach toujours égal à lui-même. Passant tellement inaperçu qu'une dame le prenant pour un marchand, il avait toujours un panier à la main, lui demanda ce qu'il vendait: «Je vends de la politesse», lui répondit-il et riait encore rétrospectivement, en nous racontant sa mésaventure. Parmi les anecdotes célèbres que j'ai plaisir à rapporter, celle qui se rapporte à son enseignement dans le lycée de Blida avant l'indépendance. Un élève de terminale venait chaque matin pendant cette année soixante-deux, année de toutes les dérives et les dangers, armé d'un pistolet qu'il brandissait avec ostentation au point de menacer les Algériens et notamment son professeur. La fin de l'année arrive, le jeune élève tombe à l'oral du bac de mathématiques avec le professeur Aoudjhane. Bien plus tard, on prête au professeur la réaction suivante: «C'est vous un tel?» «Oui monsieur, balbutia le candidat». «Jeune homme, je vais vous donner un problème, dont seul le bon Dieu et moi connaissons la solution!» On l'aura compris, le jeune pied-noir ne demanda pas son reste. Se souvient-on de son passage à l'Epau, il refusa, dit-on, de passer sous une dalle de béton suspendue, oeuvre de l'architecte Oscar Niemeyer. Bien plus, la résistance des matériaux lui donna raison, la dalle menaçant ruine fut consolidée et, depuis, ce passage porte le nom du professeur Aoudjhane
Epoque bénie que l'enseignement de l'époque, où nous devions prouver au quotidien que nous pouvions suivre les études, par le travail en dehors de toute interférence démagogique qui a fait tant de mal à l'université algérienne. Epoque bénie avec le professeur Aoudjhane qui, lors des examens pour les élèves-ingénieurs que nous étions, faisait aussi plancher ses assistants. Il nous donnait généralement plusieurs exercices et nous disait: les trois premiers exercices pour les élèves, les suivants pour les assistants qui composaient en même temps que nous. Epoque bénie où le professeur Aoudjhane faisait passer son fils-élève comme nous -au tableau et le cuisinait comme tout le monde et certaines fois l'admonestait plus.
Sans verser dans une nostalgie qui, d'une certaine façon, a tendance à embellir le passé, il faut bien convenir qu'il y a un délitement des vraies valeurs, celles de la compétence, de l'humilité du travail bien fait, de la sueur, en un mot, du mérite loin de tout trafic et népotisme et arrimage à une ‘accabya dont le pouvoir est proportionnel à la capacité de nuisance.
Décrire le parcours initiatique, voire le sacerdoce du professeur Aoudjhane dans l'éducation et l'enseignement supérieur serait une gageure. Nous ne pouvons qu'exprimer notre propre chagrin devant cette perte cruelle et notre profond dépit pour l'indifférence des pouvoirs publics à la mort de cette éminence grise qui a marqué des dizaines de milliers d'Algériens qui ont été ses élèves, qui l'ont connu et apprécié sa rigueur au point que chacun se sent d'une certaine façon un héritier.
Dans quel monde vivons-nous où on laisse mourir dans l'indifférence totale un pilier aussi respectable que ceux qui sont morts les armes à la main? Le djihad contre l'ignorance est un djihad toujours recommencé, c'est, d'une certaine façon, le «grand djihad» sans médaille, sans m'as-tu-vu, sans attestation communale, sans bousculade pour des postes honorifiques qui ne sont pas le fruit d'une quelconque compétence, mais, assurément, d'une allégeance suspecte. Jusqu'à quand resterons-nous sans repères identitaires?! Jusqu'à quand les pouvoirs publics ne rendront-ils pas justice à ces géants en les honorant par des plaques commémoratives, en donnant leurs noms à des universités, des écoles? Eux aussi peuvent prétendre à cette dignité.
Parti comme il a vécu
Un professeur qui a enseigné toute sa vie s'en va comme il était venu, sans la reconnaissance de la nation. J'en appelle à un sursaut et à un réveil de la conscience nationale pour que plus jamais les Lacheraf, les Aoudjhane qui ont chacun marqué leur époque, restent pour nous des phares dans cette nuit de l'intellect. Nous devrons graduellement aller vers de nouvelles légitimités pour récompenser ceux qui, véritablement, ont servi et ne se sont pas servis et n'ont naturellement pas asservi.
Au moment où le microcosme politique s'agite en vue d'élections- sans programme aucun- pour désigner des «élus»-, ce terme a une connotation biblique, et on comprend les empoignades pour le devenir, il serait indiqué de rendre un hommage appuyé à toutes ces vraies lumières ces «sans-grade» dans l'échelle actuelle des valeurs, mais qui ont tant fait pour le pays.
La réhabilitation de l'université et des «gardiens du Temple» serait, à n'en point douter, un signe fort d'une nouvelle vision de société qui ne serait pas basée sur les critères actuels, mais véritablement sur une morale et sur la compétence, seule ceinture de sécurité et seules défenses immunitaires pour le pays, quand la rente ne sera plus là.
Ces vers de Victor Hugo tirés des Misérables, nous paraissent tout à fait appropriés:
Il dort. Quoique le sort fut pour lui bien étrange.
Il vivait, il mourut, quand il n'eut plus son ange;
La chose simplement d'elle-même arriva,
«Comme la nuit se fait lorsque le jour s'en va».


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