En l'espace de trois jours, c'est-à-dire entre mercredi et samedi derniers, cinq bombes artisanales au moins ont été découvertes et détruites dans la wilaya de Tissemsilt. Aussi étonnants que puissent paraître ces explosifs dans une région à très haut risque, il faut préciser que Tissemsilt, peu surveillée, eu égard à l'activité terroriste, «exporte» ces engins de la mort à la wilaya voisine: Aïn Defla. C'est ainsi que cette dernière vit sur un volcan et connaît des pics de violence épisodiques, mais aiguës. Il y a quelques semaines, sept bombes ont explosé le même jour à Jijel. A Tizi Ouzou, Bouira, Médéa, Relizane et Béjaïa, des dizaines d'engins explosifs ont éclaté au passage de patrouilles militaires ou de police depuis le 1er janvier 2002. La quasi-totalité des embuscades meurtrières tendues par les groupes armés, toutes obédiences confondues, ont commencé par l'explosion de bombes artisanales avant que les services de sécurité ne soient pris entre les feux des terroristes. A Bouira, la semaine dernière, le même scénario s'est produit et onze militaires et GLD au moins ont été sérieusement blessés. On se souvient de la bombe qui a explosé à la gare routière de Tafourah, une semaine après le début du Ramadhan. C'est parce qu'elle s'est produite au coeur de la capitale qu'elle a eu le retentissement médiatique immédiat et large que l'on sait. Mais on se souvient beaucoup moins bien des autres bombes qui ont explosé à Rouiba, Aïn Taya et la Concorde, et on arrive à oublier complètement ou à occulter des bombes désamorcées à Alger, Boumerdès, Hadjout, Tizi Ouzou, etc. Tout cynisme mis à part, l'attentat à l'explosif fait presque partie du décor et, comparé aux grandes explosions qui ont démoli la salle d'attente de l'aéroport Houari-Boumediene, l'hôtel de ville à Alger ou le bâtiment de Rouiba, ces petits engins explosifs mis dans un cartable et dissimulés à proximité d'un arrêt de bus, passent pour des artifices d'enfants. La Télévision algérienne continue, à ce jour et de manière épisodique, de passer des spots de prévention et de mise en garde contre les paquets douteux déposés dans les grandes artères des agglomérations urbaines. Aveu officiel de la menace qui persiste à chaque coin de rue. Il y a moins d'un mois, pas moins de quarante-huit casemates ont été détruites à travers le pays, notamment à Boumerdès, Tizi Ouzou, Larbaâ, Chlef, Djelfa, Tiaret et Khemis Miliana. Sur les hauteurs de Bouzegza, un véritable Tora-Bora, version locale, a été découvert par l'Armée. De très vastes galeries souterraines ont été découvertes ainsi que des ateliers de fabrication d'explosifs. On est loin de la nitroglycérine, tous les ingrédients sont là: chignoles, tronçonneuses, fer à béton 12mm, baroud, etc. Aujourd'hui, pour les terroristes, même les plus novices, fabriquer des engins explosifs est un jeu d'enfant. C'est une des premières choses qu'on apprend au maquis. Il existe des manuels faciles à consulter, en milliers d'exemplaires. Toutes les techniques rudimentaires ou modernes apprises en terre pachtoune sont mises à contribution. Dès 1992, un guerrier d'Afghanistan a été appréhendé à sa descente d'avion, à l'aéroport d'Alger, en possession de manuels à l'usage des futurs pyrotechniciens. L'encombrant Afghan-Algérien a été appréhendé et écroué, mais les livres ont été acheminés vers les maquis par d'autres biais, sous d'autres coupes, dans d'autres éditions. Si l'on se fie aux révélations de Boumehdi Djelloul, alias Abou Oubaïda, un proche de Zouabri, qui a été capturé vivant et présenté à la presse il y a quelques mois, il existe à Alger un petit noyau d'éléments de soutien, qui seraient encore au nombre de trois, qui ont en leur possession entre deux et trois kilogrammes de TNT. Les dernières bombes qui ont explosé dans Alger et sa périphérie ont été fabriquées à l'aide de composants chimiques rudimentaires alliés à de la ferraille. Cela réduit considérablement leur force explosive, mais n'enlève rien à leur nuisance et à l'effet de peur panique qu'elle provoque par leur enchaînement et leur concentration dans un espace urbain. L'approche de l'échéance électorale, si l'on s'appuie sur l'expérience des dernières années, peut motiver un recours intensif à l'explosif. A moins que les groupes armés n'aient d'autres projets en tête...