La construction d'un mur de «protection» autour d'un quartier sunnite à Baghdad est le signe patent de l'échec de la politique sécuritaire américaine en Irak. La controverse qui entoure la construction du «mur de Baghdad» ne s'atténue pas et a plutôt tendance à enfler avec le rejet de cette barrière par la population baghdadie quelle que soit son appartenance confessionnelle. Les députés irakiens n'ont pas hésité, pour leur part, à le comparer au «Mur de Berlin» de triste mémoire. Qui a pris l'initiative de la construction d'un tel mur? Y a-t-il eu accord des autorités irakiennes avec les Américains? En tout état de cause, l'armée américaine affirme que la construction de ces murs -prévus dans plusieurs quartiers de Baghdad- après concertation avec les autorités irakiennes, a pour objectif de protéger la population des «terroristes» et non pas «de diviser la ville entre les différentes communautés». Or, pour la population de Baghdad c'est bien un mur ségrégationniste que l'armée américaine est en train de construire. En fait, en commençant, le 10 avril dernier, la construction d'une barrière de protection (longue de cinq kilomètres indique-t-on) autour du quartier sunnite d'Adhamiyah dans la capitale irakienne, les forces d'occupation américaines en Irak ont, en réalité, signé l'échec de leur politique en Irak. Cet échec s'exprime tant au plan sécuritaire par la consécration du fiasco des plans sécuritaires sus-cités jusqu'ici- dont le dernier en date, celui mis en place le 14 avril (avec à terme une concentration de plus de 80.000 soldats irakiens et américains à Baghdad) -qui n'ont pas eut l'effet escompté sur la sécurité de la population; qu'au plan politique alors que la «démocratisation» de l'Irak n'est plus qu'un vieux souvenir. Les politiques et les militaires américains affirment n'avoir eut pour objectif que celui de protéger la population et que ce mur est conçu comme «une mesure temporaire» indiquait, lundi, le gouvernement américain, dans une déclaration du porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman, selon lequel «cela a toujours été conçu pour être une mesure temporaire qui a été coordonnée avec divers responsables irakiens pour empêcher des attaques et permettre aux gens de mener leur vie sans craindre des attaques», précisant toutefois: «Mais clairement, le gouvernement irakien a le sentiment, actuellement, que certains aspects de cette mesure ne sont pas productifs et nous continuerons de travailler avec le gouvernement irakien là-dessus et sur d'autres tactiques pour réduire la violence.» De son côté, le nouvel ambassadeur américain en Irak, Ryan Crocker, dans sa première conférence de presse à Baghdad, a défendu, lundi, la construction de barrières de sécurité dans divers endroits de la capitale affirmant: «Le but n'est évidemment pas de faire de la ségrégation entre les communautés». Une fausse note est apparue, cependant, dans l'unanimisme irakien de la condamnation de la construction de la barrière (y compris par le Premier ministre Nouri Al-Maliki) celle du général irakien, Qassim Atta, qui a estimé que cette affaire de barrières avait été «exagérée par les médias» et prévenu que la construction de tels ouvrages se poursuivrait à Baghdad comme prévu. Or, dimanche au Caire, interrogé par la presse, le Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki, qui a été reçu auparavant par le président Hosni Moubarak, avait affirmé qu'il allait «arrêter la construction» donnant l'impression de s'opposer à l'édification de cette barrière controversée à Adhamiyah. Au Caire, il avait ainsi affirmé avoir demandé que l'on arrête la construction et de trouver d'autres moyens de protection. Renchérissant sur le militaire irakien, le lieutenant-colonel américain, Christopher Garver, a, de son côté, indiqué que «Le gouvernement irakien et les forces multinationales sont tout à fait d'accord sur la nécessité de protéger la population irakienne. La manière d'y parvenir est toujours discutée et nous allons poursuivre le dialogue». La barrière est-elle construite avec, ou sans l'accord, des autorités irakiennes? Alors qui dit vrai, ou M.Maliki est-il effectivement dépassé par les événements jusqu'à ne pas savoir en quoi consiste la construction d'un mur auquel son gouvernement semble avoir donné son assentiment? Interrogé au sujet de la prise de position de M.Maliki au Caire, le général Qassim Atta a, en effet, estimé que ce dernier avait réagi à de fausses informations: «Il a dit qu'il n'accepterait pas une barrière de sécurité de 12 mètres de haut». Cela change quoi? Un mur de séparation reste un mur de séparation quelle que soit sa hauteur. Pour les députés irakiens, partis en première ligne sur cette affaire, les choses sont claires et n'acceptent pas cette barrière, critiquant vivement cette idée d'ailleurs largement dénoncée par des habitants du quartier d'Adhamiyah. «Eriger un mur autour d'Adhamiyah est le summum de l'échec et un pas erroné qui viole des droits de l'Homme», a estimé le député kurde, Mahmoud Osmane. «C'est un signe évident que la politique des Etats-Unis et de notre gouvernement a échoué à assurer la sécurité», a-t-il ajouté. C'est aussi parce qu'il a échoué à assurer la sécurité d'Israël et à briser la résistance dans les territoires palestiniens occupés que l'Etat hébreu avait commencé la construction d'une barrière de séparation en Cisjordanie, barrière de 700km, constituée de barbelés, fossés, clôtures électroniques et murs de béton, qui atteignent parfois 9 m de haut. La construction de cette barrière avait été estimée illégale par la Cour internationale de Justice de La Haye (CIJ). De même, la barrière d'Adhamiyah, tout en étant illégale du point de vue du droit international, consacre surtout l'échec américain en Irak.