De Blida à Alger, place à la vidéo, peinture, dessin, bois, papier et installation jusqu'au 10 mai.. «Cinq moins deux égal trois dans les yeux du chitan!» Pas mal comme titre d'expo! N' y voyez aucun concept plastique, mais plutôt une contestation contre le mauvais augure charrié par les tragiques circonstances que connaît notre pays. En effet, en plus de Amar Bouras, Karim Sergoua et Denis Martinez, deux autres plasticiens de Aix-en-Provence devaient prendre part à cette expo, mais n'ont pas pu se déplacer en Algérie à la suite de l'attentat qui a secoué la capitale, le 11 avril dernier. L'art dans ce cas devient l'ultime échappatoire, véritable engagement pour exorciser ce mal et expier ce démon enfoui dans la bête qui continue, bon gré mal gré à semer sa terreur...L'art devient Amar Bouras en ce révélateur témoin plastique, qui n'a de cesse de faire le miroir de sa société via la vidéo qui se veut patchwork d'images plus déstabilisantes que colorées, fleuries, morbides, le tout amorçant un discours funéraire, un peu pathétique mais profondément poétique. Un Aller simple est le nom de cette vidéo qui évoque le départ, ponctué de «âllo» laissé sur un répondeur, dans une maison où seul résonne le silence des murs et le fracas meurtrier du dehors. Une installation déjà présentée à l'étranger et qui a valu la reconnaissance du public pour cet artiste, à part entière..Autre support, autre caractère et autre artiste est l'innéparable Denis martinez qui se plait de sortir des carcans carrés des galeries d'art pour se creuser un chemin au milieu des siens, dans les villages où il se plait tant à aller à la rencontre des petites gens comme à Béni Yenni, par exemple, ou encore au mois de juillet prochain, où il posera ses papiers, plumes et pinceaux dans une maison à Aït Kaïd, au-dessus de Zouida. Accompagné de vidéastes et photographes, il amènera fête et partage. Mais pour l'heure, à la galerie «Arts en liberté où il a fait montre de tout son talent», jeudi dernier, c'est un Denis Martinez volubile et égal à sa démesure créatrice qu'il ira au devant de son public en lui présentant des oeuvres inédites et d'autres inachevées qui datent de 1993. l'ont peut clairement distinguer sur celles estampillés à 2007, le mot «makhlassetch» faisant référence à cette éternelle violence, qui secoue encore les esprits et les corps dans notre pays..«Le silence respire et souffle, la poussière se lève. Le trait encore chargé a peur de prendre place, de reprendre place, corde tendue, encre sueur, encre terre, couleur résonance, complainte du retour, ou stridence de l'impossible oh! Oui!» Scandera l'artiste, pied nu au milieu de sa verve et la musicalité du gambri faisant office de litanie de plus en plus stimulante. Une performance originale qui finira par une offrande de petites boules de tamina. Une sorte de ouaâda traditionnelle qui mêlera le sang de l'Afrique au cri de l ‘être tourmenté...Dans un autre style, Karim Sergoua qui occupera une large place de cette galerie, fera du balai son port d'attache artistique. «Politiquement on peut faire des actes de balais. Ce dernier revêt ici un sens plus large. Ceci fait partie de mon travail qui prend ancrage dans la mise en valeur de certains matériaux de par l'intérêt que j'accorde au patrimoine», dira notre ami Sergoua. Et de renchérir: «Donner aux gens à voir ces balais sous un aspect contemporain est ma manière de rendre hommage aux handicapées, sourds et muets qui les fabriquent.» Outre ces balais populaires, quasiment introuvables aujourd'hui, fait de pailles, on retrouve dans cette expo, moult objets, notamment des paravents, des tableaux mais aussi des céramiques, déclinés sur des tons de terre, en référence au terroir, ce que l'artiste affectionne énormément. La peinture de Serouga est parlante à plus d'un titre. Conjuguant le signe à l'abstraction, Segroua nous fait pénétrer un monde ou règnent des spectres sans voix, car ayant trop parlé justement! Fatigués de se révolter. Résignés, ils sont représentés sans bouche. Les couleurs chaudes sautent d'un support à l'autre. La douleur confinée est là, indubitablement. A l'antipode des discours emphatiques, Sergoua, qui confie s'amuser avant tout, parvient, encore une fois, à émouvoir par sa touchante exposition..Des genres, des couleurs, des démarches différentes, vous emmènent en voyage. Tous nourris d'un ambitieux projet commun, celui de vous faire découvrir notre art et patrimoine matériel artistique. Nous sommes au mois du patrimoine, rappelons-le. Une occasion à ne pas manquer pour aller visiter les musées ou encore les galeries d'art. Celle-ci par exemple. Loin du tintamarre des vernissages, cette fois, il vous siéra mieux d'écouter la bande sonore de la vidéo de Amar Bouras ou encore méditer sur les tableaux de Martinez ou de Karim Sergoua..