Résistance Les arts plastiques en Algérie ont connu un parcours aléatoire avant de trouver leur visage d?aujourd?hui. La mission initiale et non moins périlleuse pour les artistes peintres, était de prouver que l?algérien avait une âme d?artiste et pouvait donc prétendre à la civilisation depuis les fresques rupestres du Tassili jusqu?à l?émergence de l?art moderne tel que pratiqué de nos jours. «La peinture algérienne s?est constituée par opposition à une idée, celle qui consistait à dire que l?algérien n?était pas artiste ou, ce qui revient au même, n?avait pas de sensibilité». L?art est aussi un moyen d?affirmation de son individualité, mais également de l?appartenance à une communauté qui a des racines et des richesses culturelles. Durant l?occupation française, il fallait résister en développant cet aspect identitaire afin de ne pas voir se diluer sa particularité. «Dans une atmosphère artistique dominée par un orientalisme de bazar et la dénégation d?une culture algérienne, Mohamed Racim, inventeur de la miniature algérienne et père de la peinture moderne, se mit en tête de prouver qu?il avait une sensibilité plastique, une manière qui lui était propre de s?exprimer, d?exister. Rejetant à la fois les modèles iranien et occidental, il forgea un art tout en équilibre puisant pour sa thématique, dans l?histoire maghrébine». S?il y a lieu d?évoquer le peintre Racim, c?est qu?il est considéré par les historiens de l?art comme le précurseur des arts plastiques modernes. Il ?uvra à initier de jeunes artistes pour créer un mouvement ou, par extension, une école algérienne. Il s?entoura de Temmam, Ali Khodja Boutaleb en vue de les former. Cependant, il n?était pas évident pour lui d?aller au bout de son entreprise, faute d?audience. «Ses ?uvres s?adressaient à une élite et la montée de nouvelles normes esthétiques (Albert Camus et son école d?Alger dans les années 1930-1940) contribuèrent encore plus à son étouffement». Quelques années plus tard, on découvrit de nouveaux talents qui allaient exposer et bousculer les m?urs. Baya et Benaboura apparurent en 1945 : «tous deux étaient des peintres naïfs, à la fois proches de Racim par la somptuosité des couleurs et éloignés de lui par une absence de rigueur dans la composition reproduisant le monde tel qu?ils le percevaient sans aucune élaboration savante, ils polarisèrent l?attention de ceux qui, à titre divers, s?intéressaient à l?art.» Le «despotisme colonial aidant, le désir de liberté allait crescendo, cela provoquait une volonté acharnée de s?exprimer et de s?affirmer davantage. Une nouvelle génération de peintres allait faire son apparition. On citera notamment Issiakhem, Louail Mesli, Khadda, Bouzid, Guermaz, Ali Khodja, Yelleg, Ranem, Abdoun, etc., qui s?engagèrent dans une nouvelle voie, dominée par le souci de communiquer au monde les souffrances d?un peuple en lutte». Au lendemain de l?indépendance, ils se regroupèrent dans une association pour promouvoir les arts plastiques. L?indépendance acquise, place à la créativité et aux contemplations philosophiques. Plusieurs mouvements, aux visions différentes et novatrices, vont naître. L?essentiel était de créer une véritable ligne de démarcation. On s?interroge sur la dimension à donner à l?art en Algérie. «La grande idée d?alors était de forger un art populaire, tant dans son essence que dans sa destination sociale avec pour but ultime la communion avec l?ouvrier et le paysan». cette nouvelle philosophie donna lieu à des divergences, «tant sur le principe que sur la forme que devait prendre cet art populaire. Une partie des artistes défendit la thèse de l?artiste libre, telle que fondée au XIXe siècle. L?autre partie considérait que la seule peinture légitime était celle qui s?appuyait sur les Aouchems (signes et tatouages). A leurs yeux, ces yeux représentaient le tréfonds culturel. Ceux qui préconisèrent l?option de la liberté absolue, loin de toute tutelle, n?étaient guère favorisés par la conjoncture sociale et le paysage politique restreint à une seule idéologie homogénéisante, au demeurant. Les années 1970 étaient marquées par des bouleversements. Il y a eu la mort dans des circonstances tragiques de Mohamed Racim. La création de l?association des arts appliquées, animée principalement par Ali Kerbouche et Mustapha Adjaout». L?Unap, créée en 1963, fut «secouée en 1983 par de nombreuses dissensions portant essentiellement sur le rôle qu?elle devait effectivement jouer dans le cadre de la promotion des arts plastiques. Plutôt encline à suivre des mots d?ordre qui n?allaient forcément pas dans le sens véritable des intérêts professionnels de la communauté artistique». La contestation va gagner la corporation. «La plus importante fut incarnée par le groupe des 35 qui s?attelle, pendant trois ou quatre ans (1979-1983), à présenter différemment le travail pictural de ses sociétaires.»