Les avis sont mitigés. Les uns iront voter par devoir, d'autres n'iront pas par désespoir, tandis que certains ignorent carrément la question. La campagne électorale pour les élections législatives du 17 mai prochain, connaît un début plutôt timide. Dans la capitale, les gens vaquent à leurs occupations comme si de rien n'était. Dans les bus, dans les cafés ou sur les places publiques, aucune ambiance électorale n'est perceptible. Sur les panneaux vert et blanc, réservés pour les têtes de liste, ne figurent que quelques portraits de personnalités qui vont se présenter aux prochaines joutes électorales. En arrivant à ce niveau, les gens pressent le pas. Cela signifie-t-il que les Algérois boudent, d'ores et déjà, ces élections? Les avis des citoyens qu'on a interrogés sont mitigés. Les uns iront voter «pour faire leur devoir» envers leur pays. D'autres n'iront pas aux urnes, parce que «les choses ne changeront jamais», tandis que certains préfèrent ignorer carrément la question parce qu'elle «ne vaut même pas le détour». Chérif Sedkaoui, retraité, est adossé au mur de la Banque nationale d'Algérie (BNA), sise en face de la Grande-Poste. Depuis qu'il est à la retraite, il s'adonne à un petit commerce de fortune, la vente de vieux timbres et de pièces de monnaie ancienne. Ce job, il le fait plutôt par passion. «Personnellement, j'irai voter le 17 mai prochain» tranche ammi Chérif. Pour lui, la question ne se pose même pas puisqu'il «s'agit là d'un acte de tout citoyen qui se sent concerné par ce qui se passe en Algérie». «Le bled nous appelle, il faut qu'on soit là. C'est le minimum». Néanmoins, pour ce retraité, ceux pour qui on doit donner notre voix, doivent aussi mériter la confiance des électeurs. «Le pays n'a pas besoin de ces responsables qui ne se présentent aux élections que pour réaliser un rêve d'enfance, celui de finir sa vie dans le luxe, avec une villa, une voiture rutilante et une deuxième résidence quelque part dans un quartier huppé de la capitale», souligne Chérif Sedkaoui qui n'a pas manqué de préciser que, pour lui, il ne votera jamais pour une personne qui n'a aucun bagage intellectuel. «Je connais un député qui était, auparavant, vendeur de pizza. Mais, grâce à son argent, il a pu accéder à l'Assemblée». L'avis est, en outre, partagé par l'ensemble des vieux qui étaient autour de lui. Nous poursuivons notre chemin. Nous entrons dans une librairie, à Alger-Centre. Sihem, assise derrière la caisse, prodigue des conseils à sa clientèle. Cette libraire affirme avoir toujours «donné» sa voix. Cette fois-ci, en revanche, elle n'ira pas au bureau de vote. «Je suis déçue», affirme-t-elle. «Je ne suis pas motivée. Depuis le temps que les élections existent en Algérie, je n'avais de cesse de voter, mais à présent, je m'aperçois que rien n'a été fait» explique-t-elle avant de poursuivre: «Voter, c'est aussi dire non, comme j'ai dit non à la charte pour la paix et la réconciliation nationale». Si pour Sihem, il n'est pas question de «refaire les bêtises précédentes», Abderrahim, quant à lui, est plus sceptique que jamais. «Je n'ai plus d'avis» tranche-t-il. «A quoi servira mon avis puisqu'au lendemain des élections, ma situation de vendeur de cacahuètes ne changera pas», nous avoue-t-il, l'air abattu. Par ailleurs, le constat fait, au cours de notre randonnée à travers les rues de la capitale est l'absence totale de culture politique. Ce constat, nous l'avons relevé, notamment parmi les franges juvéniles. En effet, les jeunes, dans leur majorité disent ne pas voter. Quand nous leur demandons, en revanche, ce qu'ils savent des élections législatives, ils ne savent pas quoi répondre, si ce n'est quelques bribes de parole. «Je sais que ces élections c'est pour élire des députés et c'est tout. La politique, ce n'est pas mon truc, donc mieux vaut me parler d'autre chose», fait savoir Boubakeur, étudiant en 2e année traduction et interprétariat à la faculté centrale, à Alger. Ses camarades, tout comme lui, préfèrent parler foot. «C'est cela notre politique!» s'exclame l'un d'entre eux. Interpellé pour donner son avis sur les prochaines joutes électorales, Yacine, étudiant en post-graduation à l'université d'Alger, tout en affirmant qu'il ne votera pas, dit néanmoins, que sa décision n'est pas définitive. Pour lui, la cause de son indécision est l'élection présidentielle en France. Aussi absurde que cela puisse paraître, cela reste tout de même une vérité que d'aucuns ne peuvent ignorer. «Si les Français n'iront pas voter pour Royal, c'est Sarkozy qui remportera les élections. Ainsi est le cas en Algérie, si je ne donne pas ma voix pour le député le moins mauvais, ça sera le candidat le plus mauvais qui bénéficiera de mon boycott», souligne Yacine. Ainsi donc est l'ambiance qui règne parmi les masses populaires algéroises. Le constat est certainement le même dans les autres régions du pays. De toute manière, il appartient au candidat en lice de convaincre le peuple à aller aux urnes. Mais pour cela, il ne suffit pas de «descendre» sur le terrain et appeler les masses à voter, mais il s'agit plutôt de tenir ses promesse lorsqu'il sera élu.